Sommet de Beyrouth : Un chant de l’union entonné par des dizaines de voix discordantes

Jamais les Etats arabes n’auront fait preuve de désunion comme lors du 4ème Sommet économique arabe de Beyrouth qui s’est tenu le 20 janvier dans la capitale libanaise en présence de trois chefs d’Etat : ceux du Liban, de la Mauritanie et du Qatar, qui entendait briser le siège qui lui est imposé par l’Arabie Saoudite et ses alliés. A vrai dire, les divisions dans les rangs étaient palpables dès les travaux préparatoires qui se sont déroulés dans une ambiance lourde et chargée d’animosité. En plus d’incidents qui ont hypothéqué les chances du sommet

Electrique, l’ambiance l’aura été tout au long du sommet. Les absences et les divisions auront vidé de sa substance une rencontre qui voulait débattre de l’avenir socioéconomique des peuples arabes, le cadet des soucis des régimes de ces pays. Ce ne sont d’ailleurs pas les incidents qui ont manqué. A commencer par l’incinération du drapeau libyen dans la nuit du 13 au 14 janvier dernier par des partisans du Mouvement chiite libanais Amal, dirigé par le président du parlement libanais Nabih Berri. Ces derniers s’en sont pris à l’ambassade libyenne à Beyrouth et foulé des pieds sa plaque. Ils ont aussi remplacé le drapeau libyen par celui de leur mouvement. Le Mouvement Amal fondé en 1975 par l’imam Moussa Sadr, entendait protester contre la disparition de son fondateur en 1978 à Tripoli. La Libye, suite à cet incident, a décidé de boycotter le sommet, surtout après que le Conseil supérieur chiite libanais ait condamné sa participation au sommet économique de Beyrouth.

La Syrie divise les rangs sur le terrain et en diplomatie

La participation de la Syrie aux travaux a également divisé les rangs arabes. Gelée depuis 2011, sa participation au sommet a été écartée même si le ministère des Affaires étrangères libanais s’est dit persuadé que le retour de la Syrie à la table des nations arabes était en bon chemin. L’Arabie Saoudite, qui a choisi de se faire représenter par une délégation de second rang, n’entend manifestement pas cautionner toutes les décisions de ce sommet. Le Maroc, lui, a été représenté à ce sommet par son chef de la diplomatie, Nasser Bourita.


A regarder la « Déclaration de Beyrouth », les pays arabes ont accordé leurs violons sur quatre points. Le premier est l’appel lancé aux pays donateurs internationaux et arabes pour aider à « soulager la situation critique des réfugiés et déplacés » et pour le retour rapide des réfugiés dans leurs pays. Le second est relatif à l’activation de la zone arabe de libre échange.

Un bilan maigre qui reflète l’intérêt des régimes arabes pour leurs populations

Les représentants des pays arabes ont appelé à la poursuite des progrès accomplis dans la cadre du processus de mise en place de la zone arabe de libre échange comme préalable à la mise sur pied de l’Union douanière arabe. La déclaration finale a appelé à accroître le financement et le soutien aux projets relatifs à la complémentarité arabe et au parachèvement de l’initiative d’aide pour le commerce afin de renforcer la coopération économique arabe commune. Le troisième point concerne l’adoption, à l’issue de ce sommet, de la stratégie arabe de l’énergie durable 2030. Sur le plan des nouvelles technologies, les pays arabes ont insisté sur l’importance d’adopter des politiques proactives en rapport avec l’économie numérique. Sur ce point, les pays arabes ont convenu de créer un fonds de 200 millions de dollars pour développer l’économie numérique dans la région. Le Koweït et le Qatar y contribueront à hauteur de 50 millions de dollars chacun.

Les Etats-Unis auraient fait du forcing diplomatique pour faire capoter ce sommet

Mis à part d’autres déclarations d’intention, le rendu-final de ce sommet aura été bien pâle. Si pour Saad Hariri, Premier ministre libanais, ce sommet est une victoire importante pour le Liban, il n’en demeure pas moins qu’il a consacré les divisions et les champs dans le monde arabe. Selon Hilal Khassa, professeur de sciences politiques à l’American University de Beyrouth, «le Liban adore les apparences. Les Arabes ne s’entendent sur rien ». Et d’ajouter que « tout le Sommet devait souligner que le capital humain est d’une importance primordiale pour relancer la région. Ce sont des promesses vides de la part de pays qui humilient leurs peuples quotidiennement à force de répression et de corruption. C’est comme demander à Satan de mener la prière ! ». D’après lui, les Etats-Unis auraient œuvré en coulisses pour pousser plusieurs dirigeants à boycotter ce sommet. Si son homologue Rami Khoury au sein de la même université ne partage pas ce point de vue, il n’en demeure pas que ce serait conforme à la politique de la Maison Blanche au Moyen-Orient. « C’est enfantin et c’est cruel s’il s’avère que les Américains se sont servis de leur influence comme ça. Mais au fond, ce n’est peut-être pas surprenant. Ce serait un comportement criminel. C’est du terrorisme diplomatique. Après, ils disent favoriser la stabilité et la paix au Moyen-Orient, ça n’a pas de sens », a-t-il confié à Radio Canada. Que retenir donc de ce sommet si ce n’est qu’il a consacré la division, l’aliénation diplomatique, les querelles internes et la défense des intérêts de chaque Etat ?

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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