C’est fait. La haute juridiction de l’ex-Zaïre a proclamé dimanche Félix Tshisekedi président de la République démocratique du Congo (RDC), qui a été déclaré vainqueur du scrutin du 30 décembre dernier à la majorité simple par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le leader de Cap pour le changement (CACH) a remporté 38,57 % des voix, alors que Martin Fayulu a été crédité de 34,83% et que le candidat de la coalition sortante, Emmanuel Ramazani a réuni 23,81% des voix. La cour a rejeté deux requêtes en contestation introduites par Martin Fayulu et Théodore Ngoyi, un candidat indépendant.
L’arrêt de la Cour constitutionnelle est sans appel, irrévocable et opposable à tous. Martin Fayulu, réagissant à cet arrêt, a dénoncé un putsch constitutionnel et s’est déclaré « seul président légitime » avec 61% des voix et a appelé la communauté internationale à ne pas reconnaître l’élection de Félix Tshisekedi. L’Union Africaine (UA), qui avait émis de sérieux doutes sur ce scrutin, a abrité en son siège une réunion consultative de haut niveau sur la situation en RDC qui avait conclu à l’envoi d’urgence d’une délégation de haut niveau comprenant notamment le Président de l'Union africaine et le Président de la Commission de l'UA le 21 janvier.
L’Union africaine mise devant le fait accompli
Or, à la dernière minute, cette visite destinée à « dialoguer avec toutes les parties prenantes congolaises, aux fins de parvenir à un consensus sur une sortie de la crise postélectorale » en RDC, a été reportée dimanche soir. Dans un communiqué, l’UA a affirmé qu’elle « prend note de la proclamation par la Cour constitutionnelle …» et a lancé «un appel à tous les acteurs concernés pour qu’ils œuvrent à la préservation de la paix et de la stabilité, ainsi qu’à la promotion de la concorde nationale dans leur pays». L’UA a annoncé qu’un rapport sera préparé et soumis au Sommet de l’Union de février 2019 « sur les efforts entrepris en solidarité avec, et en soutien à, la République démocratique du Congo ».
De son côté, l’ONU a eu, par la voix de son Secrétaire général, Antonio Guterres, une réaction molle surtout après les constats dressés par ses observateurs lors des élections. Vendredi dernier, M. Guterres a déclaré espérer que « le processus électoral en République démocratique du Congo se conclura sans violence dans le plein respect de la volonté du peuple congolais et des règles juridiques et constitutionnelles du pays. ».
Des doutes sérieux planent sur les résultats proclamés
La veille, l’UA avait demandé la suspension des résultats finaux en raison de sérieux doutes sur la véracité des résultats. Elle semble avoir été grillée par la Cour constitutionnelle. Pour l’ONU, cette décision émanait d’un « sommet d'un groupe de pays, invités par le président de l'UA ».
Mise devant le fait accompli, l’UA, a affirmé le 20 janvier qu’elle « prend note de la proclamation par la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo des résultats définitifs des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales du 30 décembre 2018 ». L’Union a réaffirmé sa « disponibilité continue de l’Union africaine à accompagner la RDC en cette phase critique de son histoire, en solidarité avec le peuple congolais ».
Les multinationales, ces acteurs invisibles…
En attendant que le nouveau Président prête serment, les doutes sur une machination institutionnelle planent sérieusement dans les airs de Kinshasa. Cela n’empêchera pas le nouveau président de chercher à composer une alliance avec la majorité pro-Kabila qui a remporté 337 sièges sur 500 au Parlement, d’après les comptages de la CENI. Laurent Mende, Porte-parole du gouvernement congolais a expliqué à un site local que « le gouvernement va démissionner et l'Assemblée nationale fera sa rentrée. Le nouveau président de la République doit nommer un informateur pour identifier la majorité ».
Largement acquises au pouvoir, la CENI et la Cour constitutionnelle seraient selon certains téléguidés pour assurer la continuité du champ de Kabila au pouvoir et une entente avec le Président élu n’est pas écartée. Ces doutes sont d’autant plus sérieux quand l’Eglise catholique et le Groupe des experts sur le Congo (GEC) de l'université de New York, donnent M. Fayulu grand vainqueur du scrutin avec 60% des voix. Putsch électoral ou constitutionnel ou simple guerre institutionnelle pour garder le pouvoir par personnes interposées et téléguidées, les versions diffèrent. Une chose est sûre : le champ de Joseph Kabila a tout fait pour garder le pouvoir le plus longtemps possible. Face à la pression internationale, le pouvoir s’est arrangé, semble-t-il, pour y rester car la RDC est un pays riche en minerais qui attire les convoitises des multinationales. Ces dernières s’estiment lésées par le nouveau Code minier et font le pressing pour que ce dernier soit plus en leur faveur, alors que le peuple, qui croupit dans la misère, espère bien voir un jour la couleur de cet argent qui coule à flots dans leurs comptes ainsi que dans celui de certains dirigeants congolais. Ce ne sont pas les études et les rapports qui dénoncent cette situation qui manquent à commencer par ceux de Transparency International.
En effet, les multinationales qui se livrent à une ruée pour le Cobalt présent à profusion en RDC ainsi que d’autres minerais, préfèrent rempiler avec un exécutif qu’elles connaissent plutôt que de se hasarder à gérer un gouvernement aux mains de l’opposition qui a toujours dénoncé leur pillage du pays.