Suite à la publication sur le1.ma d’articles au sujet de la crise sociale qui secoue le premier opérateur télécom du Tchad, Millicom Tigo, récemment acquis par le groupe Maroc Telecom, la direction de l'opérateur a tenu à apporter quelques précisions au sujet de ce bras de fer qui l’oppose aux grévistes.
Déclenchée le 25 mars dernier, le mouvement de grève a mobilisé presque 99% des employés de Tigo Tchad. Le rachat de cet opérateur télécoms par Maroc Telecom le 18 mars dernier est à l’origine de ce malaise social dans la mesure où les deux parties divergent sur l’interprétation de la convention qui lie les employés à Tigo. Les grévistes, tout en dénonçant le manque de clarté du top management de l'opérateur, réclament le versement total de leurs droits reconnus par la convention collective et garantie d’emploi de deux ans.
La direction de l’opérateur qui a choisi le silence dans la gestion de cette crise, a tenu à réagir sur notre publication pour apporter sa version des faits. « Millicom Tchad respecte la loi du pays, la convention d’entreprise et l’ensemble de ses employés» atteste le management de Tigo. La direction regrette également la fermeture des grévistes au dialogue durant le préavis de grève et révèle que la grève avait été votée avant même que les discussions aient commencé !
Comme nous l'avons souligné dans nos précédents articles, l’interprétation des textes de la cession de Millicom Tchad et les lacunes de communication sont à l’origine de cette tension sociale. Le montage financier complexe du deal avec Maroc Telecom a accentué la confusion chez le personnel de l’opérateur tchadien. La direction chapeautée par Kamal Okba rassure ses salariés sur ce point : « l’entité Tigo Tchad reste juridiquement la même et par conséquent les acquis sociaux ne sont nullement remis en question.»
Non respect de la clause du service minimum et primes de cession, principaux reproches de la Direction de Millicom Tigo
Il est à rappeler que ce mouvement social trouve son origine dans une éventuelle contradiction et incompatibilité entre l’application d’une convention collective signée en 2016 et un article figurant dans une clause du contrat de rachat de Tigo Tchad par Maroc Telecom. « Nous revendiquons juste l’application et le respect strict de notre convention » déclaraient les grévistes pour justifier leur grève sèche et illimitée et sans un service minimum.
Le management de Millicom Tchad pointe le discours contradictoire des grévistes au sujet de la convention d’entreprise à travers laquelle ils justifient la grève et réclament des droits sans pour autant respecter l'obligation d’instauration du service minimum qu'exige la même convention.
Par ailleurs, la direction de Tigo Tchad s’indigne des revendications irréalistes des employés qui réclameraient, entre autres, le remboursement de leur crédit personnel ainsi que des primes de licenciement tout en continuant à travailler.
Intervention imminente du gouvernement
Cet imbroglio qui dure depuis trois semaines où chacune des parties se rejettent la responsabilité de l'échec des négociations, verra très probablement dans les prochains jours l'intervention du gouvernement tchadien. Selon une publication des grévistes partagée sur les réseaux sociaux, les autorités tchadiennes auraient mis en place un panel composé de «grandes personnalités de l'Etat: Ministres, Conseillers du Président, Directeurs et Inspecteurs.». Ce panel aurait pris le temps d'écouter les employés et la Direction de Millicom Tigo et serait sur le point de trancher sur le dossier. Les grévistes se disent «rassurés et très confiants quant à la fin de la crise».
Censure internet au Tchad : levée de bouclier en suède contre l’actionnaire de référence Millicom
Les Tchadiens auront passé ce jeudi plus une année sans accès aux réseaux sociaux. Une suspension qui est intervenue au lendemain du Forum national inclusif sur les réformes institutionnelles et à la veille d’une marche d’ONG interdite par les autorités.
Ainsi, depuis le 28 mars 2018, l’accès à Facebook, WhatsApp, Viber et Twitter, a été restreint sur le territoire tchadien. Selon le rapport 2018 de Data Reportal, seulement 5% de la population tchadienne utilise l'Internet et 2%, les réseaux sociaux ; ces chiffres ont considérablement chuté depuis la restriction : désormais, seuls 2% des Tchadiens utilisent l'Internet et 0.8% se connectent aux réseaux sociaux, à en croire le rapport 2019.
L’organisation international Internet sans Frontières (ISF) a d’ailleurs annoncé au début de cette année une série d’actions de protestation qui s’étendra jusqu’au 19 juin 2019. Soit cinq mois de bataille.
Aujourd’hui la presse suédoise a accusé la femme d’affaires Cristina Stenbeck qui contrôle la société d’investissement Kinnevik qui elle même détient l’opérateur luxembourgeois Millicom, d’avoir « violé plusieurs de ses engagements auprès de l’ONU au Tchad en Afrique centrale ».
L’enquête parue sur le sérieux portail d’information SvD, sous le titre «La société Stenbeck épinglée comme étant un outil de censure», révèle que « tout le trafic SMS et téléphonique est surveillé» et que l’opérateur avait lancé sur son réseau des avertissements aux utilisateurs: ne participez pas aux manifestations pacifiques contre le gouvernement.
Il est très probable que c’est par anticipation de cette crise que touche l’actionnaire de référence que Millicom aurait précipité sa sortie du marché tchadien. Affaire à suivre.