La Finlandaise Sanna Marin, qui doit devenir mardi à 34 ans le plus jeune chef de gouvernement en exercice de la planète, incarne cette génération montante de femmes politiques dans le pays nordique, pionnier de l'égalité entre les sexes.
D'un an plus jeune que le Premier ministre ukrainien Oleksiï Gontcharouk, cette femme politique aux valeurs libérales a vu le jour le 16 novembre 1985 et grandi au sein d'une famille «arc-en-ciel», élevée par deux femmes.
Son ascension fulgurante installe des femmes aux commandes des cinq formations composant la coalition de centre-gauche aux affaires, dont toutes, sauf une, ont moins de 35 ans.
Elle-même ne prendra les rênes du Parti social-démocrate (SDP) qu'à l'issue du congrès de la formation en 2020, mais c'est elle qui d'ores et déjà est à la manoeuvre.
Troisième femme Premier ministre de la République de Finlande, la trentenaire n'avance pas en terrain inconnu dans ce pays qui a déjà élu une femme à la présidence (Tarja Halonen, 2000-2012) et fut le premier en Europe à accorder le droit de vote aux femmes (1906).
Sanna Marin a été désignée d'un cheveu dimanche par le SDP pour succéder à Antti Rinne, qui avait démissionné quelques jours plus tôt après avoir perdu la confiance du parti du Centre, membre de la coalition au pouvoir, à cause de sa gestion contestée d'une grève postale.
Après le vote, elle a balayé les questions d'un revers de main : «Je n'ai jamais pensé à mon âge ou à mon genre, je pense aux raisons pour lesquelles je me suis engagée en politique et à ces choses grâce auxquelles nous avons gagné la confiance de l'électorat», a-t-elle déclaré.
Ministre des Transports dans le cabinet sortant, elle s'est forgé une réputation de dirigeante à poigne, sans langue de bois, au poste de maire de Tampere, la seconde agglomération du pays, entre 2013 et 2017.
Le SDP avait remporté des élections législatives en avril devant Les vrais Finlandais (extrême droite) sur la promesse de mettre fin à des années d'austérité pour sortir la Finlande de la récession.
D'aucuns y ont vu la victoire de l'ouverture sur le repli sur soi, des valeurs de tolérance sur la tentation du rejet, mais les sondages montrent depuis que le SDP a perdu en popularité tandis que la formation anti-immigration et climato-sceptique prospère.
«Je viens d'une famille pauvre, et je n'aurais pas pu m'en sortir et avancer sans l'Etat-providence»
Pur produit du SDP qui s'est construit sur les luttes ouvrières pendant la révolution industrielle, Sanna Marin explique que ses origines modestes ont contribué à définir son engagement politique.
«Je viens d'une famille pauvre, et je n'aurais pas pu m'en sortir et avancer sans l'Etat-providence et le système éducatif solide que nous avons en Finlande», explique-t-elle.
La jeune femme a grandi dans une commune proche de Tampere avec sa mère et la compagne de celle-ci, dans une «famille arc-en-ciel» qui lui a montré, souligne-t-elle, combien "l'égalité, la justice et les droits humains" sont importants.
Dans une interview en 2015, elle racontait qu'enfant elle se sentait «invisible», faute de pouvoir s'ouvrir aux autres de sa différence.
«C'était une chose dont on ne parlait pas. Il n'a été possible de parler assez librement des familles arc-en-ciel que dans les années 2000», confiait-elle au magazine Me Naiset ("Nous les femmes").
Cette diplômée en politiques publiques dit aimer l'ordre, que chaque chose soit à sa place tant en politique que dans sa vie privée.
«C'est toujours très bien rangé à la maison», a-t-elle ainsi expliqué au quotidien Helsingin Sanomat. De la même manière, «le gouvernement a son rôle à jouer, les organisations syndicales le leur».
Mère d'une fillette de deux ans, Sanna Marin a fait savoir que sa famille avait pris ses dispositions pour lui permettre d'assumer ses fonctions.
«Comme la situation est venue soudainement, j'ai été rassurée de recevoir un texto de mon mari me disant que lui et ma mère s'étaient déjà arrangés».
Sanne Marin doit être officiellement nommée par le président mardi, avant un vote au Parlement qu'elle est assurée d'emporter.
Il n'est pas certain qu'elle reste longtemps la plus jeune dans le monde sur les photos de famille des dirigeants en exercice: elle pourrait être détrônée dans les semaines qui viennent par l'ex-chancellier autrichien Sebastian Kurz, 33 ans, si les négociations entre son parti conservateur ÖVP et les Verts aboutissent.
AFP