Le gouvernement américain a annoncé lundi le renforcement de son contrôle sur quatre nouveaux médias d'Etat chinois aux Etats-Unis, accusés d'être des «organes de propagande», au risque d'alimenter les tensions déjà fortes entre les deux pays. Dorénavant la Télévision centrale de Chine, l'agence China News Service, le Quotidien du peuple et le Global Times devront notifier au département d'Etat la liste de leur personnel et de leurs biens immobiliers.
«Afin d'assurer une plus grande transparence des entités dirigées par le Parti communiste chinois aux Etats-Unis, j'ai demandé de désigner quatre organes de propagande de la République populaire de Chine supplémentaires comme missions diplomatiques étrangères», a annoncé sur Twitter le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
Sa décision intervient moins d'une semaine après sa réunion de crise à Hawaï avec le haut responsable chinois Yang Jiechi, qui n'aura donc nullement permis de stopper l'escalade.
Dès la semaine dernière, le secrétaire d'Etat avait donné le ton en prononçant vendredi un de ses réquisitoires les plus sévères contre la Chine, un "acteur voyou" coupable à ses yeux d'innombrables torts.
Mike Pompeo avait assuré avoir tenu ce même message «très franc» à Yang Jiechi, et qu'il l'avait prévenu que son gouvernement observerait de près les prochains pas de Pékin, du coronavirus à Hong Kong jusqu'aux tensions avec l'Inde.
Guerre médiatique
Concrètement, le changement de statut dévoilé lundi signifie pour les médias concernés que «dorénavant, ils devront notifier au département d'Etat la liste de leur personnel» et «de leurs biens immobiliers», a précisé à des journalistes le secrétaire d'Etat américain adjoint pour l'Asie de l'Est, David Stilwell.
Il n'a pas précisé si le gouvernement américain les obligerait à réduire le nombre de leurs correspondants aux Etats-Unis.
Cette mesure contre la Télévision centrale de Chine, l'agence China News Service, le Quotidien du peuple et le Global Times s'ajoute à une décision identique déjà prise en février contre cinq autre médias publics chinois (l'agence Chine Nouvelle, China Global Television Network, China Radio International et les distributeurs américains du Quotidien du Peuple et du China Daily).
A l'époque, elle avait marqué le début d'une escalade sur le terrain des médias entre les deux premières puissances mondiales, déjà aux prises avec des tensions extrêmes sur plusieurs fronts, notamment au sujet de la gestion du nouveau coronavirus.
Fin février, trois journalistes du Wall Street Journal avaient été expulsés de Chine en représailles au titre d'une tribune parue dans le quotidien américain et jugé raciste par Pékin.
Dans la foulée, Washington avait fortement réduit le nombre de Chinois autorisés à travailler pour les médias d'Etat de leur pays aux Etats-Unis.
Les autorités chinoises avaient riposté en expulsant d'autres correspondants américains, travaillant pour le Wall Street Journal et deux autres quotidiens, le New York Times et le Washington Post.
Interrogé sur le risque que l'annonce de lundi conduise, côté chinois, à de nouvelles représailles contre des journalistes américains travaillant en toute indépendance, David Stilwell n'a pas exclu ce scénario.
«Le gouvernement chinois fait ce qu'il fait», et s'il invoque «ce que nous faisons contre lui, ce n'est qu'un prétexte», a-t-il assuré. «Essayer de faire un lien entre ce que nous faisons pour nous défendre et ce qu'ils décident de faire, c'est-à-dire expulser les meilleurs journalistes d'investigation, notamment ceux qui parlent chinois, ça c'est leur responsabilité», a-t-il martelé.
Des défenseurs des droits humains redoutent justement que Pékin invoque ce «prétexte» pour rendre encore un peu plus difficile le travail de la presse internationale dans le pays, au moment où le reste du monde a besoin d'un regard extérieur sur la gestion de la pandémie ou encore sur la répression des musulmans ouïghours.