Algérie/anniversaire: marches du «Hirak» malgré l’interdiction de manifester

Des marches et des rassemblements se sont déroulés lundi en Algérie, notamment à Alger et en Kabylie, malgré l'interdiction de manifester, pour marquer l'anniversaire du soulèvement populaire du 5 octobre 1988 et réclamer un régime démocratique.

Avec AFP

Bravant cette interdiction de tout rassemblement public en raison de la pandémie de Covid-19, les manifestants ont réclamé la libération des prisonniers du "Hirak", le mouvement antirégime qui a éclaté début 2019.

A Alger, entre 400 et 500 manifestants ont tenté de marcher dans le centre-ville avant d'en être empêchés rapidement par les forces de police, a constaté un journaliste de l'AFP.

Cette manifestation -- la première dans la capitale depuis l'interruption des marches du "Hirak" à la mi-mars -- a été dispersée et plusieurs personnes interpellées, selon le journaliste, forcé de quitter les lieux sur injonction de la police.

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Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers d'opinion, a fait état de plus de vingt arrestations, dont des étudiants.

Pour cette journée anniversaire, la police était sur le qui-vive dans le centre d'Alger, et des barrages de gendarmerie et de police avaient été érigés sur les routes menant à la capitale, selon divers témoignages.

Des marches ont également eu lieu en province, notamment à Béjaïa, grande ville de Kabylie (nord-est), où une gerbe a été déposée devant une stèle en souvenir des victimes d'octobre, à Beni Ourtilane, près de Sétif, à Annaba et Constantine (nord-est), selon les réseaux sociaux et le CNLD.

A Akbou, dans la région de Bejaïa, une foule a défilé en brandissant des portraits de Khaled Tazaghart, ex-député et militant des droits de l'Homme en détention, et du journaliste emprisonné Khaled Drareni, selon des habitants joints par téléphone.

A M'chedellah, dans la région de Bouira, en Kabylie, des groupes de jeunes ont bloqué le principal axe routier desservant la région pour protester contre l'interpellation la veille de trois personnes lors d'une marche nocturne en mémoire des émeutes d'octobre 1988.

D'Octobre 1988 à Février 2019

Les protestataires ont repris les slogans phares du mouvement de protestation: «Etat civil, non militaire», «Le peuple veut la chute du régime», «Les généraux, vous êtes des traîtres, on ne s'arrêtera pas!».

Le 5 octobre 1988, une violente contestation avait éclaté en Algérie, aboutissant à des réformes politiques sans précédent:multipartisme, libertés syndicale, d'association, de la presse.

Dans un contexte de vives tensions sociales, des émeutes sanglantes avaient eu lieu dans la nuit du 4 au 5 octobre 1988 à Bab El Oued, quartier populaire d'Alger. Elles s'étaient étendues le 5 au reste de la capitale puis à d'autres villes du pays. L'état de siège avait été déclaré et l'armée chargée de rétablir l'ordre.

Les «Événements d'Octobre 1988» ont fait 159 morts selon un bilan officiel, et plus de 500 selon les militants des droits humains. Une loi d'amnistie a empêché de désigner les responsables de la répression.

«Le Hirak est un prolongement d'Octobre 88», a déclaré à l'AFP Said Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), qui a participé à la manifestation de Béjaïa.

«Après 32 ans et en plein Hirak, car il n'est pas terminé, nous assistons à des menaces répétées sur les acquis et les libertés démocratiques», a déploré M. Salhi.

Le «Hirak» est un mouvement de contestation inédit, pacifique et sans leadership, né en février 2019 d'un immense ras-le-bol des Algériens qui réclament un profond changement du «système» en place depuis l'indépendance (1962).

Ses marches hebdomadaires ont été volontairement suspendues à cause de la crise sanitaire, mais des tentatives de mobilisation voient régulièrement le jour, surtout en Kabylie.

Dimanche, plus d'un millier d'Algériens et de binationaux ont défilé à Paris pour rappeler leur "premier printemps" d'Octobre 88 et exiger un «changement du régime» au pouvoir en Algérie.

«On peut dire que Février 2019 est l’enfant d’Octobre 1988 et des luttes qui ont suivi pour la liberté et pour la dignité. C’est pour la liberté et la dignité que les Algériennes et les Algériens se sont battus avant Octobre, pendant Octobre et jusqu’en 2019, jusqu’à aujourd’hui», a souligné Hakim Addad, militant des droits de l'Homme et figure du «Hirak», dans le quotidien francophone El Watan.

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