Le président algérien Abelmadjid Tebboune est apparu dimanche à la télévision pour la première fois depuis près de deux mois et son hospitalisation en Allemagne pour être soigné du nouveau coronavirus pour annoncer un prochain retour dans son pays.
Avec AFP
«Aujourd’hui, grâce à Dieu,je suis en convalescence. Cela va prendre encore deux ou trois semaines pour que je reprenne mes forces physiques», a affirmé M. Tebboune, 75 ans, très amaigri mais la voix ferme, dans une déclaration non annoncée, au lendemain du 1er anniversaire de sa victoire électorale.
Alors que son absence prolongée avait alimenté informations contradictoires, rumeurs, et désinformation, le chef de l'Etat a promis d'être de retour parmi les Algériens «dans les plus brefs délais», dans ce discours surprise de cinq minutes sur son compte Twitter relayé par la télévision.
La dernière apparition publique de M. Tebboune remontait au 15 octobre lorsqu'il avait reçu le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Plusieurs fois, les autorités algériennes ont annoncé le retour «prochain» du président au pays depuis son transfert le 28 octobre dans «l'un des plus grands établissements spécialisés d'Allemagne» après avoir contracté le virus.
Dès le 24 octobre, M. Tebboune, grand fumeur, s'était mis volontairement à l'isolement après avoir été en contact avec des hauts responsables contaminés par la maladie du Covid-19.
Rendez-vous bientôt
«Je suis quotidiennement, et parfois heure par heure quand cela est nécessaire, ce qui se passe au pays. Et je donne, quand il le faut, des instructions à la présidence», a-t-il assuré, en donnant «rendez-vous bientôt sur les terres de la patrie», sans préciser de date.
Arrivé au pouvoir le 12 décembre 2019 avec des velléités réformatrices, M. Tebboune incarne aujourd'hui un pays dans l'impasse et des institutions bloquées.
L'hospitalisation à l'étranger du chef de l'Etat a replongé l'Algérie dans les affres humiliantes de la fin du règne de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, quand ce dernier, frappé par un AVC en 2013, avait continué, impotent et aphasique, à assumer la charge présidentielle avant d'être chassé du pouvoir en avril 2019 par le soulèvement populaire du Hirak.
L'incertitude -à laquelle le retour de M. Tebboune ne mettra pas nécessairement fin- a poussé certaines voix à réclamer l'application de l'article 102 de la Constitution, relatif à la vacance du pouvoir, afin d'éviter une crise institutionnelle.
En cas de maladie ou de démission du président, il revient normalement au Conseil constitutionnel de constater l'état d'empêchement du chef de l'Etat. C'est le président par intérim du Sénat, en l'occurrence Salah Goudjil, un ancien combattant de la guerre d'indépendance âgé de 89 ans, qui assure l'intérim pendant une période maximale de 90 jours, en attendant l'élection d'un nouveau président.
Pilier du régime, l'armée reste elle la grande muette.
Le président algérien n'a pu exercer aucune de ses prérogatives depuis près de deux mois
Officiellement, M. Tebboune tient toujours les rênes du pouvoir.
Mais ce dernier n'a pu exercer aucune de ses prérogatives depuis près de deux mois. Il doit encore promulguer la nouvelle Constitution -son projet phare- avant de faire rédiger une nouvelle loi électorale pour préparer les prochains scrutins locaux et législatif.
«Il décide la poursuite de sa feuille de route autoritaire malgré son échec, il décide de prolonger la crise», a dénoncé le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, Saïd Salhi.
Elu lors d'un scrutin largement boudé par la population et de ce fait souffrant d'un manque de légitimité, il avait d'abord tendu la main au «Hirak béni», mouvement antirégime suspendu en raison de l'épidémie Covid-19.
Il avait aussi promis de bâtir une économie «forte et diversifiée», à même de réduire l'hyperdépendance de l'Algérie aux hydrocarbures.
Un an après la présidentielle, force est de constater que des militants du Hirak, des opposants politiques, des journalistes et des blogueurs proches de la contestation sont toujours la cible de poursuites judiciaires, quand ils ne sont pas emprisonnés.
Sur le plan marcroéconomique, l'Algérie voit fondre ses réserves de change, les liquidités s'assécher et un marché pétrolier toujours déprimé par la crise sanitaire.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international, l'Algérie devrait subir une récession de 5,2% en 2020 ainsi qu'un déficit budgétaire parmi les plus élevés de la région.
Pour des économistes, le pays a épuisé toutes les possibilités offertes pour le financement du déficit, y compris la planche à billets, et le recours au financement extérieur sera «inéluctable» dans les prochains mois, malgré les assertions contraires des autorités.
«La présidence de M. Tebboune a perdu toute crédibilité. Elle devient un handicap pour le pays», estime le journaliste et écrivain Abed Charef.