Key points
- Le Maroc a décidé le rappel, pour consultations, de son Ambassadeur à Berlin, suite à la multiplication des actes hostiles de l'Allemagne et ses actions attentatoires à l’égard des intérêts supérieurs du Royaume du Maroc.
- Sherpa historique de l'axe anti-marocain en Afrique, Berlin-Alger-Pretoria, l'Allemagne adopte systématiquement des positions d'adversité contre le Royaume sur des sujets sensibles tels que le dossier du Sahara et la crise libyenne.
- La provocation du deep state allemand s'est accentuée depuis quelques mois, en donnant refuge et tribunes médiatiques à un activiste marocain ayant purgé une peine de sept années dans les prisons marocaines pour terrorisme.
- L'Allemagne juge la reconnaissance des États-Unis de la souveraineté du Maroc sur son Sahara comme une menace sur son influence nouvelle sur le continent africaine.
Que se passe-t-il ?
Dans un communiqué accablant publié ce jeudi 6 mai, le ministère des affaires étrangères marocain annonce le rappelle de Zohour Alaoui, Ambassadeur du royaume en Allemagne en raison «de la multiplication par la République Fédérale d’Allemagne d'actes hostiles et d'actions attentatoires à l’égard des intérêts supérieurs du Maroc», notamment sur le dossier du Sahara.
Le texte fustige l’«attitude négative» de Berlin sur la question du Sahara marocain et dénonce son « activisme antagonique » après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. «Un acte grave qui demeure jusqu’à présent inexpliqué» affirme la même source.
Le communiqué publié jeudi par la diplomatie marocaine évoque également « l’acharnement continu [de l’Allemagne] à combattre le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen en tentant d’écarter, indûment, le Royaume de certaines réunions régionales consacrées à ce dossier comme celle tenue à Berlin.». L'Allemagne avait délibérément «oublié» d'inviter le Maroc à participer aux négociations sur l’avenir de la Libye, menées à Berlin en janvier 2020. Tout en sachant que le Royaume a été la terre d'accueil de toutes les négociations entre les factions libyennes rivales visant à arracher une solution politique à la guerre civile qui fait rage dans le pays depuis plusieurs années
Toutefois, en plus de cette désynchronisation diplomatique entre Rabat et Berlin, qui ne date pas d'hier et qui trouve sa genèse dans la structure des alliances géostratégiques Nord-Sud, un facteur nouveau vient gripper cette mécanique diplomatique fragile. Ce grain de sable porte le nom de Mohamed Hajib, un Germano-Marocain condamné en 2010 au Maroc à dix ans de réclusion pour « terrorisme », une sentence ramenée à cinq ans début 2012.
Converti en Youtubeur, cet ancien détenu profite d'une protection judiciaire et d'un soutien médiatique suspects de l'Etat allemand qui refuse toute coopération avec le Maroc à son sujet.
Le cas Mohamed Hajib fait parti des trois raisons avancées dans le communiqué de Nasser Bourita justifiant le rappel de l'ambassadeur. En effet, le Maroc accuse les autorités allemandes «d'agir avec complicité à l’égard d’un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui divulguant des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains à leurs homologues allemands».
Le communiqué fait allusion aux différentes vidéos de Mohamed Hajib dans lesquelles il dévoile les correspondances entre les services de sécurité des deux pays.
La décision du Maroc de rappeler son ambassadeur a été précédée par une décision de gel des relations, deux mois plutôt. C’est par une lettre adressée à l’ensemble de l’exécutif en date du 1er mars, fuitée sur les réseaux sociaux, que Nasser Bourita avait signifié cette décision : « En raison des malentendus profonds avec la République fédérale d’Allemagne au sujet des questions fondamentales du Royaume du Maroc, les départements ministériels et l’ensemble des organismes qui relèvent de leurs tutelles, sont priés de bien vouloir suspendre tout contact, interaction ou action de coopération, en aucun cas et sous aucune forme, aussi bien avec l’ambassade d’Allemagne au Maroc qu’avec les organismes de coopération et les fondations politiques allemandes qui lui sont liées ». Le ministre n’avait pas précisé les raisons de cette tension subite entre Berlin et Rabat.
Un mois plus tard, Mustapha Bakkoury, un commis de l'Etat marocain, qui dirigeait l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN), a été interdit de quitter le territoire, entre autres en raison de soupçons d'intelligence avec l’Allemagne qui s'intéressait dit-on aux chantiers d’énergie verte lancés par le royaume.
Ce que l'on doit savoir
Aussi bien sur le dossier du Sahara que sur l'instrumentalisation médiatique de l'ancien détenu Mohamed Hajib, le Maroc est monté en crescendo après avoir épuisé toutes les pistes de communications diplomatiques et sécuritaires.
Allié stratégique de l'Algérie, adversaire numéro 1 du Maroc sur le dossier de son Sahara, Berlin a franchi le Rubicon en fiançant, en conseillant et en protégeant un individu qui a fait de la diffamation et de l'insulte de l'institution monarchique et aux appels à la déstabilisation de la sécurité de l'Etat, un fonds de commerce lucratif.
Après un premier interview en date du 04 septembre 2020, Der Spiegel, l'hebdomadaire allemand le plus lu et le plus influent du pays, s'est invité une seconde fois dans le domicile de l'ancien détenu Germano-Marocain. Ce dernier a lui même annoncé cette rencontre sur twitter, insinuant avoir discuter avec le journal les raisons du gel des relations entre les deux pays.
C'est au lendemain de cet interview que Rabat a annoncé le rappel de son ambassadrice à Berlin, Zohour Alaoui. D'ailleurs, Der Spiegel va réagir en affirmant que cette décision était motivée par les agissements de Mohamed Hajib. Dans son article au titre significatif : «Comment ce YouTuber alimente la crise entre l'Allemagne et le Maroc», l'influent hebdomadaire, parle d'un scandale diplomatique entre le Maroc et l'Allemagne et les attaques de Hajib, qualifié de «militant germano-marocain».
A relire les communiqués de Nasser Bourita, rien n'indiquait cette détérioration rapide des relations entre le Maroc et l'Allemagne. Bien au contraire, en décembre 2020, les deux pays avaient annoncé le déblocage d'une enveloppe de 1,387 milliard d'euros d'appui financier, dont 202,6 millions d'euros sous forme de dons, le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide d'urgence pour la lutte contre le Covid-19.
Du côté allemand, la diplomatie exprime systématiquement sa surprise aux décisions diplomatiques marocaines. A l'annonce du rappel de l'ambassadrice, le ministère allemand des affaires étrangères a indiqué ne pas avoir été informé par avance de la décision marocaine et « ne pas comprendre les accusations » portées par Rabat. « Nous sommes d’autant plus surpris par cette mesure que nous faisons des efforts constructifs avec la partie marocaine pour résoudre la crise », a-t-on indiqué au ministère, qui précise avoir « demandé une explication » aux autorités marocaines.
The Big Picture
Alors que les gouvernements français qui se sont succédés depuis Nicolas Sarkozy dilapidaient année après année l'influence de l'hexagone en Afrique francophone, l'Allemagne en gagnait. Selon le dernier baromètre du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), le pays d'Angela Merkel bénéficie de la meilleure image auprès des leaders d’opinion d’Afrique francophone alors que la France ne vient qu’en 5e position, avec 21 % d’opinions favorables, et se classe derrière, dans l'ordre, la Chine, les États-Unis et le Japon.
La France en panique totale et à défaut de stratégie vertueuse pour le continent, n'a plus d'autres solutions que de s'accrocher derrière cette percée germanique. En effet, Paris s'est empressée à inclure dans le traité de l’Elysée scellé avec son ancien ennemi, une coopération élargie et une stratégie commune en Afrique.
Le premier tournant de la politique allemande en Afrique a été enregistré dans les années 2000, quand le président allemand Horst Köhler, devenu plus tard envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, avait déclaré : « A mes yeux, l’humanité de notre monde se jugera au destin de l’Afrique ».
Le second tournant date de la crise des réfugiés syriens de 2015. Angela Merkel qui avait accordé l'accueil à 900 000 migrants, en seulement une année, et qui en a assumé la responsabilité politique, n'a pas cessé de marteler que « le développement de l’Afrique est le grand enjeu de notre époque ». Le terme Fluchtursachenbekämpfung , littéralement « lutte contre les causes de l’immigration », est né. Un concept allemand qui devient alors central dans le débat public.
Cette dynamique portée par la chancelière va donner naissance en janvier 2017 à « un plan Marshall pour l’Afrique », en référence à l’aide apportée par les Etats-Unis à l’Europe après-guerre. Deux mois plus tard, l’Allemagne, qui occupe la présidence tournante du G20, lance l’initiative « Compact with Africa », pour inciter les entreprises à accroître leurs investissements en Afrique.
Les résultats seront immédiats. En une année, l'Allemagne va surplanter la France comme premier fournisseur européen en Afrique. Ses investissements vont dépasser les dix milliards d’euros, une hausse de 10 % en un an.
L'annonce disruptive de l'administration américaine de la reconnaisse de la souveraineté du Royaume du Maroc sur son Sahara, a été perçue par Berlin comme une menace réelle pour sa conquête africaine. L'appui américain et israélien de la position marocaine est en passe de modifier durablement les équilibres géopolitiques qui ont permis la percée allemande dans le continent.
La carte Mohamed Hajib s'inscrit dans un jeu dangereux dans lequel s'est investi l'Etat profond Allemand, pour en faire une carte de pression «droitlhomiste» sur le Maroc, afin de saboter une dynamique qui a installé une nouvelle donne géopolitique.
Le Maroc est en passe de devenir un acteur régionale incontournable. La résistance aux changements de certaines puissances ne devrait pas durer face à la détermination, la fermeté et le volontarisme qui caractérisent désormais l'action diplomatique du royaume.