Alors que la campagne présidentielle française s'articule autour du thème de «L'art de vivre français !» et ceux de l'identité, du grand remplacement, de l'islam et de l'immigration, le chanteur à succès «Maître Gims», grand ami du Maroc, se jette dans l'arène à sa manière, en poussant un coup de gueule inattendu sur son compte Snapchat ! L'interprète du tube «Bella» a demandé aux musulmans de ne plus lui souhaiter la bonne année. Les propos de Gims ont désarçonné les candidats à la présidentielle. Ils ont mesuré à juste de titre l'impact politique et l'influence du chanteur sur une large partie des français, surtout auprès des jeunes.
«Salafiste», «Tablighiste», «fondamentaliste à la carte», «communautariste», les critiques et les attaques contre le célèbre chanteur et rappeur d'origine congolaise fusent de tous les plateaux télés, les émissions de radios et les articles de presse en France. Maître Gims intentionnellement ou pas s'est immiscé, sans crié gare, dans le débat politique électrique du début d’année.
Dans une story Snapchat, sauvegardée et diffusée largement par la presse et les politiques, Maître Gims s'est adressé le 1er janvier 2022 à ses fans, en tenant les propos suivants :
«S’il vous plaît, avec les bonne année, Nouvel An, laissez-moi avec ça, vous savez bien que je n’ai jamais répondu à ça, mais vous continuez à m’envoyer des bonne année tout le mois de janvier, février (…) C’est les muslims la plupart qui m’envoient ça. Est-ce que les compagnons (du prophète) ont fêté le Nouvel An ? Non. Les gars, s’il vous plaît arrêtez».
Puis, il a ajouté que cela valait aussi pour les anniversaires : «Je souffre avec ça. On ne fête pas ça parce que c'est comme ça. En plus, c'est un pas de plus vers la mort. Donc ça ne fait pas partie de nos convictions les muslims. Venez, on se concentre un petit peu sur nos trucs à nous. Ce n'est pas méchant. Mais restons quand même fort sur nos valeurs».
«Tous ceux qui font Thanksgiving etc, ils ne font pas l'Aïd. Noël etc, on respecte, mais ce ne sont pas nos fêtes» a-t-il conclut.
Hormis les réactions de ses fans, les premiers politiques à réagir des propos de Maître Gims ont été le candidat Eric Zemmour et la ministre Marlène Schiappa. Les deux ont rappelé que l'artiste avait soutenu lors des régionales Valérie Pécresse.
Le candidat d’extrême droite Eric Zemmour a relevé la séquence et a écrit sur son compte Twitter : «Maître Gims, soutien de Valérie Pécresse, vous parle d’identité».
Lundi 3 janvier, invitée sur RMC, Marlène Schiappa n'a pas manqué l’occasion de tacler la candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse. «Moi, je souhaite bonne année à tout le monde, y compris à Maître Gims, a-t-elle déclaré.
«Je suis ministre chargée de la Citoyenneté, je lutte contre la radicalisation, le séparatisme, une forme de communautarisme. On parle beaucoup de vivre ensemble (…) ça peut commencer par des formules de politesse, relativement anodines.» a-t-elle renchérit.
«J’ai appris dans une émission de télévision récemment que Maitre Gims était financé par la région Ile-de-France et qu’il avait apporté son soutien à Valérie Pécresse. Je demande aujourd’hui à Valérie Pécresse ce qu’elle pense de ces propos. Chacun sait ce que je pense de ce type de pratique. Je demande à Valérie Pécresse, qui est soutenue par Maitre Gims, de se prononcer.»
Schiappa a continué à marteler : «Maître Gims, c’est un artiste. Il est écouté, c’est un leader d’opinion. Il a donc une responsabilité sur ce qu’il dit (…) Ce n’est pas moi qui ai décidé de mettre Maitre Gims dans le débat politique.
C’est Valérie Pécresse qui s’est targuée de son soutien et qui a dit qu’elle le finançait via la région Ile-de-France, a poursuivi la ministre. La même Valérie Pécresse se vante d’avoir mis en place une charte de la laïcité. Je lui demande de s’expliquer, sur le soutien, sur le financement.
Sur Sud-radio qui émet depuis le nord de la France vers l'extrême droite, les condamnations sont encore plus virulentes : «Donc d’après l’imam Gims, pas de Noël, pas de bonne année mais des strings, des filles nues et du fric partout. Maitre Gims me rappelle ce petit imam auto-proclamé de Brest qui disait aux enfants qu’il ne fallait pas écouter de musique sous peine d’être transformé en cochon par Dieu. Ah que c’est dur d’être aimé par des cons pour citer une Une de Charlie Hebdo qui faisait parler Dieu» s'est amusée la chroniqueuse de Sud-radio.
Et de rajouter : «Cette déclaration sera récupérée par les faiseurs de divisions, ceux qui attisent la haine de la France pour faire germer les graines de la partition du pays. N’oublions pas que selon une étude de l’Ifop de septembre 2020, 74 % des Français de confession musulmane de moins de 25 ans, préfèrent l’islam à la République».
Marianne pour sa part fait appelle aux services de l'islamologue et auteure Kahina Bahloul et cite Rachid Benzine.
L'islamologue s'inquiète du fait que maître Gims fait partie de ces personnes qui ont une responsabilité : « il a des fans, c'est un artiste mondialement connu» a-t-elle affirmée. «Une inquiétude ravivée par la diffusion à très grande vitesse de cette vision ultra-rigoriste de l'islam en Europe ces quarante dernières années» poursuit-elle.
L'hebdomadaire revient sur le passé «tablighiste» du chanteur en déterrant une déclaration qu'il aurait donné à l'Express. Le chanteur avait expliqué avoir «appartenu, un temps, au mouvement du Tabligh, un courant islamique indo-pakistanais aux préceptes similaires aux salafistes» et qu'il avait même «suspendu sa carrière en 2005 dans le rap pour devenir prédicateur ambulant, sillonnant les routes de mosquée en mosquée, jusqu'en Italie».
La réaction de Gims : s'afficher pour la première fois sans lunettes
Face à ce flot incessant d'attaques, Maître Gims n'a fait aucune réaction ou presque. Sur son compte Instagram, il va créer le buzz en postant pour la première fois une photo de lui sans ses lunettes.
Un avant et un après Gims
Face à la puissance médiatique financée à coups de millions d'euros pour installer un climat nationaliste et haineux dans l'Hexagone en prévision des présidentielles d'avril prochain, seul un artiste influent comme Maître Gims a la capacité d'équilibrer le discours politique dominant.
Tétanisée et inaudible, la communauté maghrébine et arabo-muslumane subit non sans dommages psychologiques et morales, le tapage quotidien dont ils sont victimes depuis plusieurs mois.
On ne peut pas en vouloir au chanteur d'affirmer ses croyances au moment où un discours de haine s'installe dangereusement dans la société française et où toute une machine d'alienation, de suppression de l'identité et de droits est désormais en marche.