Les relations diplomatiques et commerciales des États-Unis avec l’Afrique subsaharienne subissent de plein fouet la concurrence des Chinois, avec leurs projets et leurs financements. Pierre angulaire de ces relations, L’African Growth Opportunities Act (AGOA) vieux de 23 ans à longtemps suscité les frustrations auprès des gouvernements africains.
L'administration Biden a donné un coup de jeune à ce mécanisme de financement à l'occasion de l' US-Africa summit organisé à Washington en Décembre dernier.
Aujourd'hui les pays africains qui subissent les affres de l'inflation et qui ont été exclus du programme en raison de questions relatives aux droits de l'homme, testent l'engagement des États-unis exprimée lors de cette dernière rencontre. Fait inédit, la pression est davantage sur la première puissance du monde.
L’African Growth Opportunities Act (AGOA), ou en français, la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique, est une loi américaine votée par le Congrès et pro- mulguée en mai 2000 à l’initiative du président Clinton. La loi a été renouvelée par le président Bush en mai 2004, puis par le président Obama en juillet 2015, et ce jusqu’en 2025.
L’AGOA accorde des préférences commerciales particulières aux pays d’Afrique subsaharienne éligibles, soit en 2021, 39 pays sur 483. L’AGOA vise, entre autres, à encourager le commerce, l’investissement et la croissance économique, et ce tout en soutenant une approche concertée et intégrée en matière de commerce et de développement complémentaire à la mise en œuvre de réformes politiques, sociales et économiques. Les États-Unis considèrent l'intégration de l’AGOA comme la première étape d’un processus devant mener à un partenariat commercial global.
L’AGOA arrive bientôt à son terme. Ses résultats, modestes, appellent à un changement. Deux autres facteurs poussent également dans cette direction : la présence grandissante de la Chine et les perspectives économiques que laisse entrevoir la mise en place de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf). Mon propos dans le cadre de cet article tiendra en deux points. Je reviendrai dans un premier temps sur l’AGOA et ses résultats, pour ensuite aborder les changements qui ont été amorcés depuis la présidence de Donal Trump. En conclusion, je présenterai deux pistes possibles de réforme.
Vingt-trois ans après son lancement, les résultats escomptés de ce programme n'ont pas été au rendez-vous.
Deux autres facteurs poussent également dans cette direction, précise l'économiste canadien Christian Deblock dans une note de recherche du CEIM :
- La présence grandissante de la Chine
- Les perspectives économiques que laisse entrevoir la mise en place de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf).
L'économiste affirme également que la politique Trump qui a élue l'Afrique des priorités stratégiques des États-unis et les partenariats préférentiels de l’Union européenne, plus sensibles aux réalités africaines que l’AGOA ont pesé sur lourdement sur l'efficacité de ce programme.
Kamala Harris et Antony Blinken «se ruent» en Afrique pour contrer la Chine
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken et la vice-présidente américaine Kamala Harris ont décidé de consacrer plusieurs jours de leurs agendas respectifs de ce printemps à l'Afrique.
Les voyages de ces responsables américains vissent à renforcer la présence américaine dans les pays africains et contrer la prédominance de la Chine sur le continent.
Le secrétaire d'État américaine s'est rendu en Éthiopie et au Niger en mars. La vice-président américain, quant à elle, a passé neuf jour début avril entre le Ghana, la Tanzanie et la Zambie.
La visite très médiatisée de Kamala Harris avait pour objectif, note le Wall Street Journal, de montrer que Washington n'est pas seulement un donateur viable pour répondre aux besoins humanitaires et économiques du continent, mais qu'il est aussi un allié viable pour le développement économique du pays et la résolution des conflits.
Le voyage de Blinken et Harris fait suite aux visites de la première dame, Jill Biden, et de la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen. Lors de la visite de janvier, Mme Yellen s'est engagée à stimuler les investissements et le commerce américains sur le continent. Ces visites s'inscrivent également dans le cadre du suivi des engagements pris par les États-Unis lors d'un sommet des dirigeants africains qui s'est tenu à Washington l'année dernière.
D'ailleurs, le président américain devrait se rendre sur le continent dans le courant de l'année.
Quel type d'accord commercial les États-Unis proposent-ils ?
En juillet 2021, l'administration Biden-Harris a lancé la campagne «Prosper Africa Build Together». L'idée était de cette initiative et de renforcer et de dynamiser l'engagement des États-Unis en matière de commerce et d'investissement avec les pays du continent africain.
La stratégie remaniée de Trump comprend un effort ciblé et à long terme visant à mettre en relation les entreprises américaines et africaines avec de nouvelles opportunités de commerce et d'investissement.
Les principaux secteurs visés sont l'énergie propre et les solutions intelligentes en matière de climat, la santé et les technologies numériques.
Grâce à cette initiative, les États-Unis promettent d'aider à attirer des milliards de dollars d'investissements en Afrique et d'œuvrer en faveur d'un accès équitable aux avantages du commerce et de l'investissement. Ils envisagent également d'exploiter le pouvoir des petites entreprises, en particulier celles dirigées par des femmes et des membres de la diaspora africaine.
Le Cameroun, la Somalie et l'Éthiopie testent l'engagement de Biden
Les visites des responsables américains ont ouvert l'appétit aux gouvernements africains «éjectés» du mécanisme financier AGOA.
À ce jour, 36 pays africains sont éligibles au programme. L'examen annuel réalisé en 2020 a abouti à la réintégration de la République démocratique du Congo en tant que bénéficiaire de l'AGOA à compter du 1er janvier 2021.
Les pays non éligibles sont en nombre de 13 :
- Burundi
- Cameroon
- Guinée équatoriale
- Érythrée
- Éthiopie
- Guinée
- Mali
- Mauritanie
- Seychelles
- Somalie
- Sud Soudan
- Soudan
- Zimbabwe
Le 1er janvier 2022, les États-Unis avaient exclu trois pays du programme à savoir : l'Éthiopie, la Guinée et le Mali. Un an auparavant, c'était le cas du Cameroun en raison des violations des droits commises par les forces de sécurité dans les régions rétives du sud-ouest et du nord-ouest.
Cette décision est intervenue deux mois après que le président Joe Biden ait déclaré au Congrès qu'il envisageait d'exclure ces trois pays du programme en raison de coups d'État et de violations présumées des droits de l'homme, qui les placent en situation de violation des critères d'éligibilité du programme.
Ce n'est pas la première fois que les États-Unis décident d'exclure des pays de la liste des bénéficiaires de l'AGOA.
Le Mali n'est pas à sa première sanction. En 2013, Barak Obama avait retiré ce pays du Sahel à la suite d'un coup d'État. Pour sa part, l'Éthiopie est en proie à une guerre civile depuis novembre 2020, qui a déjà fait des milliers de morts et déplacé plus de 2 millions de personnes.
En 2019, les pays africains ont exporté des marchandises d'une valeur de 8,4 milliards de dollars vers les États-Unis dans le cadre de l'AGOA. L'accord a aidé les pays bénéficiaires à développer des produits pour les consommateurs américains, à faire croître les industries et à créer des emplois.
Le retrait de ces trois pays du programme AGOA et les tensions qui y règnent menacent des secteurs économiques qui emploient des milliers de personnes et risquent d'ébranler les investisseurs. D'ores et déjà, l'entreprise mondiale d'habillement PVH Corp, qui comprend des marques telles que Tommy Hilfiger et True & Co, a déclaré qu'elle fermait son usine de fabrication en Éthiopie en raison de la crise qui sévit dans le pays.
Aujourd'hui, trois pays au moins ont demandé l'intégration de l'AGOA, le Cameroun, la Somalie et l'Éthiopie.