La France se dirige vers un gouvernement d’extrême droite ou un parlement ingouvernable

Les résultats du premier tour des législatives anticipées en France ont déjà bouleversé le paysage politique, marquant un tournant décisif avec la victoire écrasante du Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen. En obtenant 33,5 % des voix, le parti d'extrême droite a surpassé la majorité présidentielle «Ensemble du Président Emmanuel Macron, plongeant le pays dans une période d'incertitude politique sans précédent. Cette montée fulgurante du RN, conjuguée à l'émergence de l'alliance de gauche Nouveau Front Populaire (NFP), augure une recomposition majeure du pouvoir législatif français, posant des défis inédits pour la cohésion nationale et l'avenir du projet européen.

C'est un séisme inégalé qui vient de secouer le paysage politique français après que le parti d'extrême droite, le Rassemblement National (RN), dirigé par Marine Le Pen, a infligé une défaite cinglante à l'alliance présidentielle du Président Emmanuel Macron lors du premier tour des élections législatives anticipées. Cette avancée pourrait propulser la France vers un gouvernement nationaliste, bouleversant ainsi le projet européen.

Selon les projections de l'institut de sondage Ifop, à 21h30 heure locale, le RN a recueilli 33,5 % des voix, tandis que l'alliance de gauche Nouveau Front Populaire (NFP) a obtenu 28,5 %. La majorité présidentielle de Macron, Ensemble, n'a quant à elle réussi à obtenir que 22,1 % des voix.

Marine Le Pen, s'exprimant depuis Hénin-Beaumont, sa circonscription du nord de la France où elle a été réélue sans difficulté, a salué ce résultat qui « efface pratiquement » le bloc centriste de Macron. « Les Français ont exprimé leur désir de tourner la page sur sept ans d'un gouvernement qui les a traités avec mépris », a-t-elle déclaré devant des partisans enthousiastes brandissant des drapeaux français.

«Quand le peuple vote, le peuple gagne !» a-t-elle écrit sur X.

Le Président Macron a, quant à lui, félicité les électeurs pour leur mobilisation massive, affirmant que cette participation record « témoigne de l'importance de ce vote pour tous nos compatriotes et du désir de clarifier la situation politique ».

« Face au Rassemblement National, il est temps pour une large alliance claire entre les forces démocratiques et républicaines pour le second tour », a-t-il déclaré dans un communiqué.

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Projections des sièges

Source : Ipsos, 30 juin. La majorité absolue requiert 289 sièges.

Les projections suggèrent que le RN et ses alliés sont en passe de remporter le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale, voire même une majorité absolue lors du second tour prévu pour le 7 juillet. Si le RN obtenait 289 sièges sur les 577 que compte la deuxième chambre basse, cela contraindrait Macron à une cohabitation inconfortable où deux partis opposés devraient gouverner ensemble.

Plus de 300 triangulaires, un record !

De huit seulement en 2022, le nombre de triangulaires pourrait dépasser 300, au vu des résultats de ce premier tour des législatives.

Ce nombre sans précédent de triangulaires, rend les projections de sièges difficiles. Une intense période de négociations commence maintenant entre les partis de gauche et les centristes pour décider s'ils doivent se retirer de certaines circonscriptions afin de bloquer le RN. Les partis doivent finaliser leurs listes de candidats dans les 48 heures.

Le vote anticipé s'est retourné contre Macron, qui l'avait volontairement déclenché plus tôt ce mois-ci après que son alliance centriste ait perdu face au RN lors des élections européennes. Ce mouvement avait surpris le public et provoqué la colère même dans son propre camp.

«C'est La plus grosse erreur politique depuis la démission de Paul Reynaud en juin 1940, dans des conditions Dieu merci infiniment moins tragiques, donne les résultats attendus» a écrit sur X, Gérard Araud, l'ancien ambassadeur français à Washington, Nations Unies et Israël. Une décision imprudente a mis la France dans une situation désastreuse. Le moment de vérité est arrivé… La France se dirige vers un gouvernement d'extrême droite ou un parlement ingouvernable. Deux issues peu souhaitables.

«La France a été précipitée contre son gré dans un désastre qui n’était en rien inévitable» se désole le diplomate. La semaine prochaine offrira le spectacle peu ragoûtant de tous ceux qui vont aller à la soupe du RN. Candidats, hauts fonctionnaires, entrepreneurs, journalistes…. La nature humaine…

La majorité présidentielle pourrait perdre plus de la moitié de ses quelque 250 sièges dans la chambre basse, prise en étau entre une extrême droite en pleine ascension et une gauche nouvellement unie.

Par contraste, l'extrême droite, qui n'a pas été au pouvoir depuis le régime de Vichy collaborant avec l'Allemagne nazie en 1940-1944, pourrait passer de la périphérie politique au cœur du gouvernement. Ce serait l'aboutissement des efforts de Le Pen pour « dédiaboliser » le parti, notamment en écartant son père, fondateur du parti.

Macron : Élitiste et déconnecté

Beaucoup de Français ont rejeté Macron, qu'ils perçoivent comme élitiste et déconnecté, et préfèrent le RN pour son accent sur les questions de coût de la vie et de salaires, en plus de sa position traditionnelle anti-immigration.

Si le RN remporte une majorité absolue et forme un gouvernement, Le Pen a déjà annoncé que son protégé de 28 ans, Jordan Bardella, serait premier ministre. Ils géreraient les affaires intérieures et fixeraient le budget, tandis que Macron resterait chef des armées et fixerait la politique étrangère. La France a connu trois cohabitations dans son histoire d'après-guerre, mais jamais entre des partis aux vues aussi diamétralement opposées.

Le Pen et Bardella ont tous deux signalé ces derniers jours qu'ils contesteraient l'autorité du président, y compris en matière de défense et de politique étrangère — une perspective susceptible d'alarmer les alliés et les marchés.

Le NFP de gauche a également bien performé dimanche, les électeurs soutenant son programme économique de forte taxation et de dépenses, axé sur la justice sociale et l'amélioration des services publics.

Le principal parti du NFP est La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, aux côtés des socialistes, des écologistes et des communistes, qui ont jusqu'à présent rejeté Mélenchon comme candidat au poste de premier ministre.

Le meilleur scénario pour Macron à ce stade serait un parlement sans majorité où aucun des trois blocs ne pourrait revendiquer une majorité. L'impasse serait alors inévitable, mais il pourrait tenter de former un gouvernement technocratique en dernier recours. Macron ne peut pas dissoudre le parlement avant un an.

Dimanche soir, tous les partis du NFP, y compris LFI, ont annoncé qu'ils se retireraient tactiquement des courses où leur candidat était en troisième position.

« Nous devons donner une majorité absolue au NFP car c'est la seule alternative », a déclaré Mélenchon devant ses partisans à Paris. « Il ne s'agit pas seulement de voter contre ou de vouloir bloquer le RN. Il s'agit de voter pour un autre avenir respectueux de toutes les personnes. »