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Affaibli, l’Iran cédera-t-il sur le corridor de Zangezur ?

L’Iran, autrefois perçu comme un acteur incontournable dans la région du Moyen-Orient, traverse aujourd’hui une phase d’affaiblissement qui bouleverse son statut et son influence. Parmi les nombreux dossiers qui cristallisent ces tensions et que nous ne voyons pas de notre perspective nord africaine, celui du corridor de Zangezur, reliant l’Azerbaïdjan à sa région autonome du Nakhitchevan, s’impose comme un symbole de cette perte de pouvoir. Alors que Téhéran s’est longtemps opposé fermement à la création de cette route stratégique, les récents développements géopolitiques pourraient bien contraindre la République islamique à céder sur ce point crucial.

Le corridor de Zangezur, qui traverserait la région arménienne de Syunik, représente un enjeu vital pour l’Iran. Depuis des siècles, la province de Syunik partage une frontière avec l’Iran, permettant à ce dernier de maintenir une présence géographique et stratégique dans le Caucase. Téhéran a toujours défini cette frontière comme une «ligne rouge», menaçant de réagir à toute tentative de modification de l’équilibre territorial. Pourtant, malgré les nombreuses déclarations fermes des autorités iraniennes, la pression monte, et cette «ligne rouge» pourrait bientôt se voir franchie.

D’après Mordechai Kedar, universitaire israélien et expert du monde arabe, le projet de corridor, soutenu par l’Azerbaïdjan et la Turquie, vise à créer une route terrestre reliant directement le Nakhitchevan à l’Azerbaïdjan via l’Arménie. Cela permettrait d’accélérer les échanges commerciaux dans la région, tout en renforçant la position géopolitique de Bakou. Pour l’Iran, qui voit dans ce projet une menace à la stabilité régionale et à ses propres intérêts, cette initiative mettrait fin à sa suprématie sur cet axe stratégique. Pourtant, la réalité des rapports de force pousse l’Iran dans une situation où il a de moins en moins de leviers pour s’opposer à ce projet.

Un contexte de fragilité

Ce recul iranien ne se limite pas au seul dossier du Zangezur. L’Iran subit actuellement des revers majeurs dans toute la région. Ses alliés historiques, tels que le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza, ou encore les Houthis au Yémen, sont sous le feu des offensives israéliennes et des pressions internationales. L’élimination de figures-clés comme Ismail Haniyeh et Hassan Nasrallah, ainsi que les frappes continues sur les positions iraniennes en Syrie, affaiblissent considérablement le rôle de Téhéran dans le “Croissant chiite”, cette zone d’influence s’étendant du Liban au Yémen.

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Selon l'éditorialiste du Jérusalem Post, cette série de revers a également eu pour effet d’isoler l’Iran sur la scène internationale. Alors que des pays arabes autrefois neutres ou alliés de Téhéran ouvrent leur espace aérien à Israël pour intercepter les missiles iraniens, la République islamique voit ses marges de manœuvre se réduire. Dans ce contexte, l’opposition acharnée à la création du corridor de Zangezur apparaît de plus en plus difficile à soutenir.

La montée en puissance de l'axe Bakou-Tel AvivAnkara

L’un des éléments les plus préoccupants pour l’Iran, souligne Mordechai Kedar, est le renforcement des relations entre l’Azerbaïdjan et Israël. Bakou, qui dispose d’une majorité chiite mais entretient des liens étroits avec l’État hébreu, se positionne comme un allié stratégique de Tel Aviv dans la région. Ce partenariat est d’autant plus douloureux pour l’Iran que Bakou échappe totalement à son influence, contrairement à d’autres capitales arabes. L’alliance azerbaïdjanaise avec Israël, doublée de son rapprochement avec la Turquie, place Téhéran dans une position de faiblesse vis-à-vis de ces puissances montantes.

Le corridor de Zangezur, soutenu par la Russie, la Turquie et l’Azerbaïdjan, pourrait bien signer une nouvelle ère de coopération régionale, laissant l’Iran à l’écart. La Russie, historiquement présente à la frontière entre l’Iran et l’Arménie, a également jeté son dévolu sur ce projet, voyant en lui une opportunité de renforcer son contrôle sur le Caucase. Le 12 octobre 2024, le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a confirmé que l’Arménie acceptait de déployer le Service fédéral de sécurité russe (FSB) pour superviser le corridor, conformément à l’accord trilatéral signé entre l’Azerbaïdjan, la Russie et l’Arménie en novembre 2020. Cette supervision permettrait à la Russie de jouer un rôle clé dans le maintien des connexions de transport tout en observant la manière dont l’Arménie respecte ses obligations dans le cadre de cet accord. Pashinyan a également évoqué la volonté de l’Arménie de lever le blocus des communications, renforçant ainsi les perspectives de coopération régionale.

Une résistance de plus en plus fragile

Dans ce contexte, l’opposition iranienne au corridor de Zangezur ressemble de plus en plus à un baroud d’honneur. En réalité, la mise en place de cette route ne menace pas directement l’intégrité territoriale de l’Iran, mais affaiblit davantage son influence dans une région où il avait autrefois un poids considérable. Les récentes tentatives de l’Arménie de se rapprocher de l’Occident, notamment des pays comme la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, isolent encore plus l’Iran, qui se retrouve sans véritable soutien dans le Caucase.

Alors que l’Azerbaïdjan s’apprête à renforcer ses connexions avec la Turquie et Israël, l’Iran voit ses options se réduire. La possibilité de nouvelles alliances régionales, notamment autour du corridor de Zangezur, éloigne encore davantage Téhéran du centre des négociations, le laissant sans levier pour contrecarrer ce projet.

Une concession inévitable ?

Selon Mordechai Kedar, à l’heure actuelle, l’Iran dispose de peu de moyens pour s’opposer au contrôle du corridor de Zangezur par l’Azerbaïdjan, sous l’égide de la Russie. Kedar souligne que si la direction arménienne a déjà montré qu’elle est prête à accepter que Ruben Vardanyan, le leader des Arméniens du Karabakh, reste emprisonné à Bakou pour assurer la signature d’un accord de paix avec l’Azerbaïdjan, il est peu probable qu’elle s’oppose à la supervision russe du corridor sur son territoire, au nom de la paix. De plus, Kedar note que l’Arménie pourrait bientôt privilégier des relations commerciales avec des pays comme la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, en s’appuyant sur les infrastructures turques et azerbaïdjanaises. Cela place l’Iran dans une position d’isolement dans le Caucase, sans aucune perspective de victoire à court terme, tandis qu’Israël continue de renforcer la pression sur Téhéran et ses alliés.

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