Lors de son entretien exclusif avec les chaînes 2M et Medi1TV, Emmanuel Macron a réaffirmé la profondeur des relations franco-marocaines, en mettant l'accent sur un partenariat stratégique fondé sur la confiance, l'égalité, et la coopération. Le président français s’apprête à franchir une étape décisive en traduisant en actions concrètes l’engagement de la France pour la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Cette évolution promet de renforcer la coopération bilatérale et d’apporter stabilité et développement à l’ensemble de la région. De l'économie aux questions de souveraineté, en passant par les enjeux énergétiques et migratoires, Macron a exposé une vision ambitieuse pour l’avenir des deux pays, basée sur l’innovation et un partenariat mutuellement bénéfique.
L'entretien, mené avec brio par les journalistes Hanane Harrath et Mounia Belarbi, a permis de poser des questions précises et pertinentes, offrant un dialogue fluide et éclairant. À travers cet échange, Emmanuel Macron dessine les contours d’une relation durable et profondément renouvelée entre la France et le Maroc.
L'interview accordée par le Président français aux chaînes nationales marocaines, ce 30 octobre 2024 au terme de sa visite d'État de trois jours, est riche en thèmes stratégiques, économiques, diplomatiques et humains. Elle montre l’ambition de la France de renforcer ses relations avec le Maroc sur tous les fronts, tout en s'appuyant sur une confiance mutuelle et un partenariat d'égal à égal. Macron dévoile son modus operandi pour la transformation de la reconnaissance de la France de la souveraineté du Royaume sur son Sahara en actions concrètes. Il met également met en lumière les défis partagés et les opportunités que représente cette relation bilatérale, notamment dans les domaines de l’économie, de l’énergie, de la jeunesse, et de la diplomatie.
1. Le cadre général de la visite et des relations bilatérales
Emmanuel Macron entame l'entretien par souligner l’importance de sa visite au Maroc en mettant l'accent sur la profondeur historique et symbolique des relations entre les deux pays. Le président français parle de «communauté de destin» et d’un «nouveau livre à écrire», ce qui montre une volonté d’aller au-delà de la simple continuité historique pour construire un avenir commun. Cette image forte d’un nouveau livre a d’ailleurs été inspirée par le Roi Mohammed VI, ce qui souligne la qualité du dialogue entre les deux chefs d'État.
Quand, avec Sa Majesté le Roi, nous avons signé le partenariat renforcé ensemble dans son bureau, je lui ai dit : "Nous écrivons une nouvelle page." Et il m'a repris, avec beaucoup de gravité et de sens du moment. Il m'a dit : "Non, je crois que nous écrivons un nouveau livre." Et cette formule lui revient.
Macron semble vouloir inscrire les relations franco-marocaines dans un cadre durable, basé sur la confiance mutuelle, l’égalité et une coopération étroite, en particulier sur les dossiers économiques, éducatifs, et géopolitiques. Ce cadre de partenariat renforcé est conçu pour les 25 prochaines années et au-delà, ce qui montre une vision à long terme pour cette relation bilatérale.
2. Économie et investissements
Sur le volet économique, Macron met en avant plusieurs points cruciaux, notamment les nombreux accords signés dans des secteurs stratégiques comme le dessalement de l'eau, les transports (exemple du TGV), et les énergies renouvelables. Ces partenariats, qui incluent des entreprises françaises comme Veolia et Alstom, témoignent de la confiance renouvelée et de la place primordiale du Maroc dans les projets économiques de la France.
Il parle aussi d’une coopération économique plus mature, avec une relation qui dépasse le cadre d’un simple client-fournisseur pour une conception commune de solutions. Cette nouvelle dynamique de travail "avec le Maroc" et non seulement "pour le Maroc" met en évidence l’ambition de créer une relation véritablement partenariale.
L’importance accordée aux emplois créés par les entreprises françaises au Maroc est aussi un point clé, car cela contribue à stabiliser l’économie locale tout en renforçant la présence française dans le pays.
Nos entrepreneurs ont inventé cette formule : "On fait et on conçoit avec le Maroc." Donc, il y a aussi une relation beaucoup plus mature économiquement. Ce n'est pas simplement une relation d'un client. Non, on va concevoir ensemble les solutions, on les fait ensemble. D'ailleurs, la France embauche beaucoup aussi au Maroc. Nos entreprises embauchent beaucoup ici.
3. L’énergie et la décarbonation
Un des thèmes les plus marquants de l’entretien est celui de l’énergie, où Macron reconnaît la supériorité marocaine en termes de production d’énergies renouvelables (éolien et solaire), tandis que la France, avec son modèle nucléaire, s’inscrit dans une approche complémentaire. Cette coopération dans le domaine de l’hydrogène vert et de l'électricité est fondamentale dans le cadre de la décarbonation des économies, un enjeu crucial pour l’avenir des deux pays.
Le président met en avant le rôle du Maroc comme acteur clé dans la transition énergétique mondiale, ce qui souligne l’importance stratégique de ce pays dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la transition vers des énergies propres.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI a une politique très volontariste en matière d'éolien et de solaire. Cela peut nous faire gagner réciproquement, c'est-à-dire faire du Maroc un grand partenaire de la décarbonation de notre économie et permettre de créer de la richesse et de la valeur ici, tout en en créant en France et en Europe. Ce que nous avons signé en matière d'hydrogène vert ou d'électricité fait aussi partie de cette stratégie.
Macron observe que les crises récentes – telles que la pandémie de Covid-19 et les conflits géopolitiques – ont fragmenté le monde, créant un repli des nations sur elles-mêmes et affectant la chaîne d'approvisionnement mondiale. Dans ce contexte, il met en avant que la confiance mutuelle entre la France et le Maroc, consolidée par ce nouveau partenariat, représente une force stabilisatrice face à ces incertitudes.
Nous produisons ensemble, et en quelque sorte, nous bâtissons une indépendance de part et d'autre de la Méditerranée, par rapport aux autres grands blocs. Pas parce que nous sommes contre, mais parce que nous savons que, quand les temps sont durs, peut-être qu'ils peuvent se refermer. Mais nous, nous savons que nous sommes liés indéfectiblement. Et nous sommes liés d'égal à égal.
4. Le Sahara et la diplomatie
L'un des aspects géopolitiques les plus sensibles abordés dans cette interview est la question du Sahara, , un enjeu diplomatique majeur pour le Maroc. Dans son entretien, Macron réaffirme clairement le soutien de la France au plan d’autonomie marocain en déclarant que celui-ci constitue «la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée». Cette prise de position de la France en faveur de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud marque un tournant dans les relations franco-marocaines. Une décision diplomatique significative, car elle influence d'autres pays européens qui commencent à réévaluer leur politique vis-à-vis de cette question.
Macron insiste également sur la nécessité d’une solution diplomatique pour stabiliser la région, en lien avec des objectifs de développement économique et de sécurité, notamment au Sahel, une région instable qui représente un enjeu géopolitique majeur pour la France et le Maroc.
Comment la France compte acter cette reconnaissance :
Macron a déclaré que la France poursuivra un soutien résolu aux côtés du Maroc sur la scène internationale, notamment au sein des Nations Unies. En s’engageant activement à promouvoir le plan d’autonomie marocain, la France souhaite également influencer d’autres pays européens à adopter une position similaire. Cela fait partie d’un mouvement diplomatique global pour faire reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara, tout en maintenant la recherche d'une solution pacifique.
- Soutien diplomatique international : Macron annonce que la France s’engage à soutenir le Maroc sur la scène internationale notamment au sein des Nations Unies. Ce soutien inclut la détermination de faire bouger la position d'autres pays européens pour qu'ils rejoignent la France dans cette reconnaissance, consolidant ainsi une dynamique européenne favorable à la position marocaine. Cela fait partie d’un mouvement diplomatique global pour faire reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara, tout en maintenant la recherche d'une solution pacifique.
- Coopération économique accrue dans les provinces du Sud : La France actera également sa reconnaissance en renforçant ses investissements dans les provinces du Sud. Emmanuel Macron a évoqué des projets de développement incluant le dessalement de l'eau, le développement des infrastructures portuaires, et la production de carburants verts. Ces initiatives, soutenues par l’Agence Française de Développement (AFD) et des entreprises françaises, visent à améliorer les conditions de vie des populations locales et à renforcer le rôle du Maroc en tant que passeur vers l’Afrique. Ces investissements contribueront à faire de ces régions un centre économique dynamique et renforceront indirectement la souveraineté marocaine sur le Sahara.
- Stabilité régionale et les voisins : Macron a également souligné l’importance du rôle stabilisateur du Maroc dans le Sahara, reconnaissant les efforts du Royaume pour assurer la sécurité des provinces du Sud. Il a notamment fait référence à la stratégie du Roi Mohammed VI, qui a consisté à investir massivement dans les ports, les infrastructures et les projets de développement économique pour ces territoires. Macron souligne que les voisins du Maroc, en particulier ceux d’Afrique du Nord et de la région du Sahel, prennent conscience de l’importance de cette stabilité. En renforçant la présence française dans ces provinces, notamment à travers des projets économiques, la France contribue à consolider cette stabilité, ce qui renforce indirectement la légitimité marocaine sur le territoire.
Le choix de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a été d'investir dans les ports, les infrastructures, les projets et de stabiliser en termes de sécurité cette région. Je crois que les voisins en sont conscients et je voudrais que cela puisse se faire aussi dans un cadre pacifié.
5. Les flux migratoires et la jeunesse
Macron aborde aussi la gestion des flux migratoires, un sujet délicat et émotionnellement chargé, en particulier pour les familles vivant entre les deux rives de la Méditerranée. Il distingue clairement deux aspects : d’un côté, il s’agit de favoriser la circulation des talents, des étudiants, des entrepreneurs et des familles entre les deux pays, un modèle gagnant-gagnant pour les deux sociétés. De l’autre, il y a la lutte contre l'immigration clandestine, les trafics humains et les réseaux criminels.
Il appelle à un agenda global basé sur la confiance réciproque, et insiste sur l'importance d'une plus grande fluidité dans les visas pour les personnes contribuant au développement des deux nations. Macron met également en avant l’idée que cette jeunesse, marocaine et franco-marocaine, est une chance pour l’avenir, un levier de croissance et d’innovation à exploiter de manière conjointe.
Nous avons des artistes, des entrepreneurs, des étudiants, des familles qui ont leur vie en partage. Nous devons permettre une plus grande fluidité. C'est toutes les innovations que nous avons commencées et que nous allons poursuivre, qui permettent plus de souplesse dans les visas et qui permettent d'avoir une approche pour les femmes et les hommes qui font la richesse des deux rives. Il s'agit de fluidité et de confiance.
6. Langue et éducation
Emmanuel Macron a rappelé l'importance de l'enseignement français au Maroc, en soulignant que ce dernier dispose du plus grand réseau scolaire français à l'étranger, après le Liban. Ce réseau accueille plus de 50 000 élèves, dont 80 % sont marocains. Ce chiffre témoigne de l'influence culturelle de la France et de l'intérêt du Maroc pour le modèle éducatif français.
Je veux vraiment dire l'admiration que j'ai pour le modèle marocain d'universités, d'instituts de recherche et de l'université académique jusqu'à la business school. C'est impressionnant de voir vraiment l'investissement qui a été fait.
7. Le Proche-Orient et la diplomatie internationale
Sur le Proche-Orient, Macron aborde la question israélo-palestinienne, rappelant le soutien de la France à la solution des deux États. Il appelle à la fois au respect des droits des Israéliens et des Palestiniens, tout en insistant sur la nécessité d’un cessez-le-feu et d’une aide humanitaire dans les territoires touchés. Ici, Macron fait écho à la position marocaine, en reconnaissant l’importance de trouver une solution diplomatique qui assure la stabilité de la région.
Il y a une juste aspiration du peuple palestinien à avoir un État, à vivre en sécurité et à être reconnu dans cette région. Nous voulons que ce soit le cas. Il y a une juste aspiration du peuple libanais à vivre en paix et en sécurité, sa souveraineté étant respectée dans la région. Nous voulons que ce soit le cas.
L'entretien montre aussi que Macron admire l’approche marocaine de tolérance religieuse, en soulignant la lutte contre l’antisémitisme au Maroc. Cela constitue, pour lui, un exemple de modèle de tolérance dans un monde de plus en plus fracturé par les conflits religieux et identitaires.
Vous êtes dans un pays qui a son histoire, sa culture, sa religion, mais qui a, dans son socle de valeurs, y compris constitutionnelles, mis au cœur la tolérance. Pour un pays arabo-musulman, avec l'importance religieuse et cette place particulière de Sa Majesté le Roi, vous avez assumé de lutter contre l'antisémitisme. C'est, quelque part, la plus belle démonstration qu'un modèle de tolérance est le meilleur antidote à la bêtise et à la haine.
8. Le rôle du Maroc dans l'Afrique Atlantique
Enfin, Macron reconnaît l’importance stratégique du Maroc en tant que passeur vers l’Afrique. Le développement des provinces du Sud et l'initiative royale pour désenclaver le Sahel sont vus comme des actions essentielles pour stabiliser et intégrer l’Afrique atlantique, une zone clé pour le commerce interafricain et le développement de tout le continent.
Le président exprime son admiration pour la vision de Mohammed VI, qui vise à ouvrir les espaces de commerce et de coopération dans la région. Le leadership marocain en Afrique est perçu comme une opportunité pour renforcer la coopération transfrontalière et pour donner au Maroc une place de choix dans le développement futur du continent.
La vision de Sa Majesté le Roi, d'ouvrir et de désenclaver les pays qui n'ont pas accès à l'océan et de leur permettre d'avoir accès à cet espace, à la fois de pêche et de commerce inédit, est une très bonne chose. Cela crée de la coopération transfrontalière et de l'intégration régionale. Au-delà, la force du Maroc sur ces sujets repose aussi sur une capacité d'influence politique, une crédibilité sécuritaire et une influence culturelle et religieuse.
9. Un moment d'émotion : le bilan personnel de la visite
Pour conclure, Macron se laisse aller à des moments plus personnels, en décrivant les émotions ressenties durant cette visite, notamment l'accueil chaleureux de la population et le dîner avec le roi Mohammed VI et sa famille. Il décrit ces moments comme des instants de cœur à cœur, symbolisant la proximité non seulement politique mais aussi humaine entre les deux pays.
je dirais sans doute l'accueil et les premiers instants, parce que je crois que d'être accueilli sur le sol marocain par Sa Majesté le Roi avec sa famille était un geste qui m'a beaucoup touché, qui nous a beaucoup touchés avec mon épouse et les membres de ma délégation, et la forme d'évidence qu'il y avait dans ce moment.