Depuis l’annonce en 2017 de la demande du Maroc d’adhérer à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, à travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, et dans lequel il est spécifiquement souligné que, «dans le contexte de la tournée royale en Afrique, et notamment dans certains pays d'Afrique de l'Ouest, et sur très hautes instructions de Sa Majesté le roi Mohammed VI, le royaume du Maroc a informé, vendredi, Son Excellence Madame Ellen Johnson Sirleaf, Présidente du Liberia et Présidente en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de sa volonté d’adhérer à cet ensemble régional en tant que membre à part entière ; cette demande se fait en conformité avec les dispositions du Traité fondateur de la CEDEAO, et en satisfaction totale de ses critères d’adhésion», il ne se passe pas pratiquement un jour ou une semaine sans que qu’un article ou une analyse ne viennent alimenter le débat. Et l’on assiste parfois même à un véritable pugilat entre les pour et les contre. La demande d’adhésion du Maroc était intervenue trois semaines après la décision de l’Union africaine de réintégrer le royaume en son sein après 33 ans d’absence. Juste après, une controverse s’est installée entourant la demande du royaume.
Les partisans du non, à n’en pas douter, sont soit instrumentalisés par les adversaires du Maroc ou bien, pour le cas du Nigéria, par un patronat frileux qui voit dans l’adhésion du royaume une menace pour ses intérêts. Les arguments avancés frôlent le caricatural, parfois le ridicule. Le dernier exemple en date est celui d’un avocat nigérian Femi Falana et dont la presse de son pays s’en est fait largement l’écho depuis le début de ce mois. Femi Falana a mis en garde la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest contre l'admission du Maroc en tant que membre.
Selon lui, admettre le Maroc serait contre-productif pour l'objectif principal de la CEDEAO de promouvoir le développement économique des Etats membres et d'élever le niveau de vie des citoyens dans la sous-région ouest-africaine.
Son délire ne s’est pas arrêté là. Sans rire, Falana, un inconditionnel du Polisario, a soutenu que le principal agenda du Maroc pour adhérer à la CEDEAO était d'aider les pays membres de l'Union européenne à inonder le marché de la sous-région ouest-africaine avec des produits manufacturés d'Europe, détruisant ainsi les jeunes industries en Afrique de l'Ouest joutant qu’il s’agit du nouveau stratagème de l'UE, après avoir été frustré dans sa tentative de recoloniser les Etats d'Afrique de l'Ouest !
Si on laisse de côté cette approche fantaisiste alors qu’un débat serein est plus que souhaitable et signe de bonne santé intellectuelle et de maturité, on trouve des analystes et des experts nigérians pour qui l’adhésion du Maroc à la CEDEAO constituera incontestablement une valeur ajoutée aux pays de cette organisation.
C’est le cas de Reuben Abati qui connait bien le Maroc. Il a publié le 27 mars dernier une analyse et un plaidoyer en faveur de cette demande d’adhésion sous le titre : le Nigéria, la CEDEAO et la question du Maroc.
Abati relève que la résistance à l’adhésion du Maroc résulte du fait que «les syndicats nigérians, les investisseurs, les d'affaires et certains anciens diplomates ont été au premier rang de l'opposition à l'adhésion du Maroc à la CEDEAO. Les raisons qu'ils invoquent sont largement sentimentales, non factuelles, non informées, aggravées par ce qui semble être un manque persistant de rigueur dans la gestion du processus de politique étrangère du Nigeria.»
Dans son analyse, l’auteur a décortiqué et démonté point par point les arguments des partisans du Non. Il pointe du doigt les lobbies qui se trouvent tant au Nigéria qu’à l’extérieur : « Je soupçonne vraiment qu'il y a de plus en plus de lobbyistes anti-commerce et de collecteurs de loyers cupides, qui veulent isoler le Nigeria du reste du monde et qui font tout ce qu'ils peuvent pour saisir et exercer un monopole injustifié sur le plus grand marché d’Afrique. À l'heure actuelle, 40 organisations européennes et africaines s'opposent au projet de gazoduc Nigeria-Maroc, activement encouragé bien sûr par les bloqueurs de rêves économiques nigérians».