Analyse des éléments de langage justifiant l’architecture du gouvernement remanié d’Aziz Akhannouch

Alors que les Marocains s’attendaient à un remaniement d’envergure semblable à celui qui avait marqué l’ère de Saâdeddine El Othmani en 2019, où ce dernier avait été propulsé à la tête d’un gouvernement profondément restructuré, Aziz Akhannouch a eu droit à une approche plus mesurée. Le remaniement de 2024, limité à 14 ministres et secrétaires d’État, s’inscrit dans une stratégie visant à éviter la paralysie administrative qu’une refonte majeure aurait pu entraîner. Cette décision reflète la volonté de maintenir le cap des réformes déjà engagées, tout en répondant aux priorités nouvelles comme la gestion de l’eau, les IDE et l’emploi des jeunes.

Le tant attendu remaniement gouvernemental du 23 octobre marque un tournant pour l’exécutif d’Aziz Akhannouch, qui se retrouve face à des défis de taille tant sur le plan interne qu’international. Cette révision, toutefois modérée dans son ampleur, a suscité de vives réactions, notamment en raison du maintien de certaines figures controversées et de la nomination de nouveaux visages peu attendus. Les critiques, souvent acerbes, ont donné naissance à des surnoms ironiques comme «AkwaGov», faisant référence à une main mise du magnat des hydrocarbures sur le gouvernement et des choix jugés décevants par une partie de l’opinion publique.

Face à cette vague de critiques, les communicants du gouvernement ont formulé des justifications précises pour légitimer cette révision ministérielle. Selon eux, ce remaniement s’inscrit dans une logique de continuité et de pragmatisme, visant à répondre aux priorités nationales urgentes telles que la gestion de l’eau, l'investissement, l’emploi des jeunes et la réforme de la santé et de l'éducation. Loin d’être un simple jeu politique, ces ajustements sont présentés comme indispensables pour améliorer l’efficacité du gouvernement, tout en assurant une gestion cohérente des réformes en cours et des nouvelles attentes économiques et sociales.

Ainsi, malgré les critiques, l’entourage du Chef du Gouvernement insiste sur le fait que ces nominations ciblées sont en phase avec les besoins actuels du pays, tant sur le plan structurel que stratégique.

Vers une gouvernance administrative de l'Éducation et de la Santé  : des nominations centrées sur la gestion

Les changements opérés dans certains ministères stratégiques, comme ceux de la Santé et de l’Éducation, mettent en avant une réorientation vers une gouvernance davantage axée sur une logique de gestion rigoureuse. Les nouveaux ministres nommés dans ces secteurs ne sont pas des experts de leur domaine respectif, mais des gestionnaires aguerris. Les communicants d'Akhannouch soulignent que les réformes clés ont déjà été conçues et entérinées dans ces secteurs, et que la mission de l'exécutif est désormais de piloter la mise en œuvre et l'administration efficace de ces projets.

Par exemple, l'éviction du ministre de la santé Khalid Aït Taleb, malgré son succès dans la mise en œuvre des réformes du système de santé et de la protection sociale, s'explique par la réduction des prérogatives médicales de son ministère. Le nouveau ministre, Amine Tahraoui, issu du monde des affaires, incarne cette nouvelle approche, où la gestion administrative prime sur l’expertise technique.

De même, la nomination de Mohamed Saad Berrada, administrateur dans plusieurs structures de premiers plan au Maroc notamment TGCC, Afriquia Gaz, Safilait ( Jibal ) et Michoc ( Confiserie ), à la tête du ministère de l’Éducation nationale s’inscrit dans cette même logique. Le rôle de ce ministère ne serait plus axé sur les réformes pédagogiques, mais plutôt sur une gestion efficace des projets déjà lancés sous le mandat de Chakib Benmoussa.

Liste des mandats de Mohamed Saad Berrada nouveau Ministre de l'Education Nationale

Cette approche vise à éviter que des ministres ne deviennent dépendants de compétences techniques pointues au détriment d’une gestion optimale des ressources et du calendrier.

Réajustements ciblés : une réponse aux défis émergents

Les communicants d’Akhannouch insistent également sur le fait que certains réajustements ont été motivés par la nécessité d’adapter l’équipe ministérielle aux nouvelles priorités nationales. Par exemple, la gestion de la crise de l’eau, qui s’est imposée comme un enjeu vital pour le pays, a nécessité l’intégration de compétences techniques spécifiques, alignant ainsi les ministères de l’Agriculture et de l’Eau sous une coordination plus étroite.

Le choix du changement dans des portefeuilles tels que l’investissement met en lumière l’ambition affichée de faire face aux défis de l’emploi, de l’investissement privé, et de l’attraction des capitaux étrangers. Le chômage des jeunes, qui reste l'une des faiblesses majeures de cette moitié de mandat, a atteint un taux record de 13 % en 2024 ainsi que IDE qui ont enregistré sous le gouvernement Akhannouch, leur plus bas niveau depuis 19 ans,  à seulement 1,09 milliard de dollars en 2023. Une chute vertigineuse de 53,3% sur une année.

Source Le360

L'éviction de Mohcine Jazouli, ministre délégué chargé de l'investissement, est vue comme un signe de la nécessité de passer à une nouvelle phase plus axée sur l'attraction de capitaux privés étrangers. Le remplaçant, Karim Zidan, est présenté comme ayant une solide expérience internationale dans ce domaine.

Saâdi : la symbolique d'une nomination controversée

Un autre aspect de ce remaniement est la volonté affichée de rapprocher les jeunes de la politique active, explique les communiquants d'Akhannouch.

L’intégration de personnalités comme Hassan Saâdi, anciennement engagé dans le développement des organisations de jeunesse, est présentée comme un geste symbolique visant à montrer que le succès en politique est possible pour les jeunes issus de milieux divers.

Hassan Saädi s'était attiré les foudres de l'opinion publique lors de l'université des jeunes indépendants en septembre dernier. Il a été critiqué d'avoir montré peu de compassion aux victimes des inondations et à la crise migratoires de Fnideq.

Cependant, les communicants d’Akhannouch insistent sur le fait que ce type de nomination n’est pas qu’un simple coup de communication, mais s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à réconcilier les jeunes générations avec l’appareil politique et les structures de décision. Ce processus d’inclusion est également perçu comme une réponse à la désaffection grandissante de la jeunesse marocaine pour les canaux traditionnels de participation politique.

Liberté d’action face à des défis colossaux : Le véritable test pour Akhannouch commence

Bien qu'Aziz Akhannouch dispose désormais des coudées franches après ce remaniement, les défis auxquels il fait face restent considérables. En effet, ce réajustement se veut une manœuvre stratégique visant à renforcer la cohérence interne du gouvernement et à optimiser l’exécution des réformes prioritaires. Les communicants de son équipe mettent en avant un équilibre entre continuité et adaptation, avec l'ambition d'apporter des réponses efficaces aux enjeux critiques sans bouleverser les réformes déjà engagées.

Cependant, disposer de cette liberté d’action ne garantit pas le succès. Ce nouveau gouvernement, qui combine une approche technique et une ouverture vers la jeunesse, sera jugé à l’aune de sa capacité à produire des résultats concrets. Dans un contexte où les attentes économiques et sociales sont très élevées, notamment autour de la création d'emplois, de l’attraction d’investissements et de la gestion de ressources vitales comme l’eau, les marges d’erreur sont minces. Le véritable test pour Akhannouch sera de transformer cette liberté d’action en résultats tangibles, à la hauteur des aspirations de la population.

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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