Tous les ingrédients ont été réunis pour faire de la 1ère rencontre du forum #Morocco21 «the place to be» de tout le gotha médiatique et économique casablancais. Si la bienveillance et le professionnalisme de son organisateur Omar Dahbi et de ses équipes ont constitué le socle de cette réussite, le choix du thème, «Cybersécurité et Fake-news» - le jour même où le site de la CGEM venait de subir un hacking - et la qualité de l'invité, Cyabra, une startup israélienne qui a le vent en poupe, a donné un caractère spéciale et captivant à cet évènement. Mais au-delà du savoir-faire technologique de Cyabra, de la qualité des échanges et des thématiques abordées, le plus important apprentissage de cette rencontre a été la manifestation de la puissance du modèle israélien qui fait du triptyque recherche-innovation-entrepreneuriat un levier majeur de l'économie et de la défense et un outil de soft power extraordinaire aux retombées multiples. A ce titre, on ne peut pas s'empêcher de se comparer. L'inaction du Maroc face à l'effet d'accélération considérable qu'a eu la pandémie sur la transformation digitale des individus et des organisations est frustrante. Une situation qui trouve son origine dans l'illettrisme numérique de nos gouvernements successifs, l'immobilisme des agences spécialisées à l'image de l'AMDIE et de l'ADD et les pratiques discriminatoires qui gangrènent toutes nos levées de fonds.
La première rencontre du forum #Morocco21 organisée par News Com Africa s'est tenue jeudi 25 novembre 2021 au Hyatt Regency à Casablanca. Le dit forum s'est donné comme mission l'enrichissement du débat autour de la mise en oeuvre des recommandations du nouveau modèle de développement élaborées par la CSMD.
Le thème de ce premier rendez-vous a été celui de la «Cybersécurité et la désinformation». Pour cela, les organisateurs ont convié Dan Brahmy, PDG d'une stratup israélienne qui est entrain de révolutionner l'analyse du web et des réseaux sociaux.
En effet, Cyabra est spécialisée dans la conception d'outils d'aide à la décision qui mesurent entre autres l'authenticité et l'impact des conversations en ligne et détecte et analyse les fausses informations et leurs auteurs.
En seulement trois ans, la jeune entreprise a levé plus de 10,4 millions de dollars et compte parmi ses clients de nombreuses organisations publiques et privées aux quatre coins du globe.
Dan Brahmy, âgé seulement de 30 ans est franco-israélien et d'origine maroco-tunisienne. Son discours est parfaitement rodé et millimétré. Déformation professionnelle ou posture commerciale, le ton du jeune PDG s'accorde avec le récit glaçant des menaces cybernétiques qui hantent les gouvernements, les entreprises, les écoles et les familles. Une heure de présentation est suffisante pour dissuader l'auditoire de reprendre son smartphone, d'utiliser une messagerie instantanée et encore moins de commenter ou de poster sur les réseaux sociaux.
Le monde cybernétique devient de plus en plus dangereux et cela s'accentue avec l'accessibilité de nouvelles technologies comme le deepfake et l'intelligence artificielle. La taille et la puissance de certaines GAFA, dont la plus inquiétante reste à ce jour Meta le nouveau «variant» de Facebook, constituent de très sérieuses menaces quand aux risques de manipulation de masse. Le pression de leurs actionnaires guidés par l'appât du gain favoriserait, selon Brahmy, la prolifération de la désinformation.
Attentive à ce retour d'expérience, l'assistance du #Morocco21, composée d'ambassadeurs, de décideurs d'établissements financiers, de chefs d'entreprises, d'experts et de journalistes, a interpellé l'expert israélien qui s'est prêté au jeu des questions-réponses.
Les interrogations et inquiétudes soulevées lors de cet échange ont concerné entre autres : le manque de préparation des marques marocaines aux risques de la désinformation, la vulnérabilité des systèmes d'information ouverts sur Internet et des applications mobiles, l'incompatibilité des solutions d'analyse du web et des réseaux sociaux avec le contexte marocain et l'absence de sensibilisation des parents et des éducateurs à la surexposition des enfants aux risques accrus sur Internet.
Israël, «Startup Nation» par excellence, un modèle d’innovation pour les pays émergents
La première image qui nous vient à l'esprit quand on échange avec le jeune dirigeant de la Stratup israélienne et le head of Business Development d'un des fonds d'investissement qui l'accompagne est une vidéo qui tourne encore sur Twitter où l'on voit Thami Ghorfi affalé sur un fauteuil lançant à un jeune porteur de projet : « je suis prêt à investir dans ton business, je vais donner de ma poche 50.000 dhs».
Israël qui compte douze prix Nobel et figure ainsi parmi les 15 champions mondiaux pour le nombre de lauréats, a fait de l’innovation l'une des ressources naturelles les plus précieuses. Le pays a d'ailleurs mis en place un écosystème d'innovation transversal et multidimensionnel s'articulant autour de la recherche, l'excellence, l'entrepreneuriat, le financement et l'export.
Pour propulser et maintenir une discipline de création et de production, l'écosystème d'innovation israélien a placé à sa tête une locomotive infatigable, l'armée. En effet, Tsahal reste à aujourd'hui le principal incubateur de startups innovantes du pays.
De plus, comme l'innovation c'est principalement de la matière grise, de la rigueur scientifique et une utilité sociale ou économique, l'essentiel des chercheurs et des ingénieurs israéliens passent obligatoirement par un service militaire qui dure trois ans pour les garçons et deux pour les jeunes filles.
«Quand ils en sortent vers 22 ans, prêts à commencer leurs études, les jeunes ont le sens des responsabilités et de la discipline. Ils sont plus motivés et deviennent plus créatifs», rapporte LeFigaro dans un dossier spécial consacré sur le sujet.
Puis il y a l’Autorité israélienne de l’innovation, une entité publique indépendante et impartiale responsable de la politique d’innovation du pays et qui œuvre au profit de l’écosystème de l’innovation et de l’économie israélienne dans son ensemble.
C'est cette même Autorité, qui elle même financée par des fonds publics, compte parmi ses prérogatives l'élaboration des plateformes de financement visant à répondre efficacement aux besoins des écosystèmes d'innovation.
L’Autorité israélienne de l’innovation finance les entrepreneurs en démarrage, les entreprises matures développant de nouveaux produits ou procédés de fabrication, les groupes universitaires cherchant à transférer leurs idées sur le marché, les entreprises mondiales intéressées à collaborer avec la technologie israélienne, les entreprises israéliennes à la recherche de nouveaux marchés à l'étranger et les usines traditionnelles cherchant à intégrer une fabrication innovante et avancée dans leurs procédés.
Les tickets pour l'incubation de projets d'innovation en lancement démarrent à 1 million $ que l'Autorité finance à hauteur de 85% et le reste est supporté par un fonds d'investissement privé qui s'engage à accompagner le projet jusqu'à sa maturité.
La réussite du modèle est spectaculaire :
- Israël dispute à la Corée du Sud la première place mondiale pour les dépenses de recherche et développement (R&D), soit 4,25 % de son PIB;
- Israël abrite aujourd'hui plus de 350 centres de R&D de sociétés multinationales;
- Le pays est le deuxième poids lourd mondial de l’innovation, juste derrière la « Silicon valley »;
- Il produit le nombre le plus important de startups par habitant au monde;
- La Silicon Wadi, une région comptant plus de 5000 start-ups est classée au 6e rang des plus grands écosystèmes de start-ups au monde;
- Le secteur « high tech » emploie directement 10% de la population active, génère 15% du PIB et représente 45% des exportations;
- Tel-Aviv se classe : au 2e rang mondial des écosystèmes dans le secteur de la cybersécurité et au 3e rang en matière d’intelligence artificielle;
- Jérusalem se classe parmi les leaders en science de la vie;
- La VoIP, le Firewall, la clé USB, la messagerie instantanée, le Face ID d'Apple sont une innovation israélienne.
L'invitée du forum #Morocco21, la société Cyabra est elle même le produit de cet écosystème vertueux.
Les trois jeunes fondateurs ont fait le service militaire, deux d'entre eux ont démarré leur carrière professionnelle au sein de l'armée où ils ont développé leur savoir faire technologique et leur maîtrise de l'intelligence artificielle et du data-mining.
Pour son lancement en juin 2018, Cyabra a levé 1 millions de dollars auprès la branche d'investissement de l'Université de Tel Aviv, TAU Ventures puis 2 millions $ la deuxième année auprès du même investisseur.
En 2021, après seulement trois exercices, la startup va lever coup sur coup, 2 millions $ et 5,6 millions $ auprès de fonds prestigieux, notamment Founders Fund qui compte dans son portefeuille, excusez du peu, SpaceX, Palantir et Facebook, ainsi que le fonds OurCrowd dont le Head of Business est un marocain, Youssef Seffar.
Durant son périple au Maroc, Dan Brahmy s'occupait de présenter les services de son entreprise et de parler aux médias et son actionnaire se chargeait de tout le reste : PR, RDV, Lobbying... Chacun des partenaires se focalisait sur sa mission et sur ce qui sait faire et tout le monde en sortait gagnant.
D'ailleurs ce schéma de fonctionnement a permis au jeune PDG de faire le tour du monde en quelques mois, l'Europe de l'Est, l'Amérique du Nord et du Sud, les Émirats arabes unis, le Maroc et tout récemment l'Arabie saoudite.
L'autre particularité de ce couple, startupeur/investisseur est la simplicité, l'humilité et la discrétion. Rien dans l'ostentatoire, toute l'énergie et l'attention est concentrée dans le contenu, la mission et les objectifs.
Enclavé, avec un territoire désertique et sans ressources naturelles, Israël est un modèle pour les pays émergents. Le pays a investi dans l'humain, a rationalisé ses ressources et a su inculquer à ses jeunes et à ses fonctionnaires l'esprit entrepreneurial.
En invitant pour la première édition un acteur d'un pays qu'on ne connait finalement que très peu, Omar Dahbi, Président de News Com Africa, a réussi la mission fondatrice de son forum à savoir «approfondir la réflexion et le partage de savoir-faire dans la construction du Maroc de demain».