Dans son dernier briefing avec la presse européenne, Jean-Claude Juncker, n'a pas failli à sa réputation d'esprit libre et mordant jeudi avec une dernière conférence de presse au siège de la Commission européenne ponctuée de piques, d'anecdotes, de traits d'esprit et de moments d'émotion.
«J'ai faim!» a été le mot de la fin d'une courte séance de questions-réponses au cours de laquelle il a critiqué la mise à mort par Emmanuel Macron du système des spitzenkandidat instauré en 2014 pour désigner le président de la Commission, affirmé que le Brexit avait rendu l'UE plus populaire que jamais et livré une savoureuse anecdote sur l'écoute de son téléphone portable par les services des présidents américain Bill Clinton et français Jacques Chirac en 1997.
Critique directe à Emmanuel Macron
«L'idée de ne pas répéter le spitzenkandidat en 2019 a été une faute», a-t-il déclaré. «C'était une petite avancée démocratique et on l'a supprimée pour des raisons obscures», a-t-il ajouté. «J'aurai été le seul élu avec ce système, je n'aurai pas eu de successeur», a-t-il ironisé.
La critique était directement adressée au président français, adversaire déclaré de ce système instauré par les groupes politiques du Parlement européen pour désigner le président de la Commission.
J'ai souvent dit que l'euro et moi, nous étions les seuls survivants du Traité de Maastricht. L'euro sera seul.
Jean-Claude Juncker
Président sortant de la Commission européenne
Emmanuel Macron a refusé ce système en 2019 et récusé Manfred Weber, le candidat désigné par le Parti Populaire européen (PPE-droite pro-européenne) arrivé en tête au Parlement lors des élections européennes.
Deux sommets européens auront été nécessaires pour désigner l'ancienne ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, élue ensuite de justesse au Parlement européen avec une majorité de 9 voix.
Quand Clinton et Chirac pistaient son Nokia
Jean-Claude Juncker a ensuite livré une savoureuse anecdote sur son téléphone portable. «Mon Nokia est aujourdhui protégé, mais à l'époque il était écoutable», a-t-il expliqué.
Venu en 1997 à Paris pour un sommet européen sur l'emploi, il a été contraint de changer d'hôtel. «Dans la nuit, Bill Clinton m'a appelé pour me parler d'un problème entre Airbus et Boeing. J'ai été très surpris parce qu'il m'a appelé sur la ligne fixe de mon nouvel hôtel alors que ma délégation ne savait pas que j'avais changé. Et j'ai été très surpris d'entendre le lendemain Jacques Chirac me dire, lorsqu'il m'a accueilli à l'Elysée: «la façon dont tu as parlé à Clinton, c'est la façon dont l'Europe doit parler aux Américains», a-t-il raconté.
Président de la Commission européenne est le métier le plus difficile au monde
Jean-Claude Juncker s'est dit «heureux» de quitter son poste. «Parce qu'être président de la Commission, ce n'est pas facile. Quelqu'un m'a offert un livre il y a deux ans, qui s'intitule: les métiers les plus difficiles au monde. Je me suis dit "voilà, c'est le poste de secrétaire de l'ONU". Et puis en feuilletant, j'ai découvert que c'était le poste de président de la Commission.»
Mais voilà, Jean-Claude Juncker ne souhaite pas être «l'homme des adieux»: «Il m'arrive de pleurer, j'ai même déjà beaucoup pleuré… Et ça suffit!»