Hirak en Algérie : Des effets d’annonce en manque de précisions

Le pouvoir algérien cherche-t-il à gagner du temps en faisant des promesses sans en fixer les modalités ? Après avoir renoncé à se présenter pour un cinquième mandat, reporté les élections présidentielles jusqu’à une date indéterminée et la tenue d’une conférence nationale, Abdelaziz Bouteflika s’est adressé à son peuple à l’occasion de la Fête de la Victoire du 19 mars 1962 sur le colonisateur français.

Dans un message diffusé hier, il a confirmé la prolongation de son mandat au-delà du 28 avril. Le nouveau président devra être élu après la révision de la constitution. « Que l’Algérie vive, dans un avenir proche, une transition harmonieuse et assiste à la remise de ses rênes à une nouvelle génération (…) tel est l’objectif suprême que je me suis engagé à concrétiser avant la fin de mon parcours présidentiel, à vos côtés et à votre service », a affirmé Bouteflika dans son message.

J’y suis, j’y reste

Dans cette optique, la conférence nationale sera appelée à changer le « régime de gouvernance » et à «renouveler ses systèmes politique, économique et social ». Elle devrait se tenir « dans un très proche avenir » pour entamer une révision « globale et profonde » de la constitution qui sera soumise à un référendum. Les premières concessions faites par le pouvoir pour apaiser les contestataires comme prévu n’ont pas été acceptées. Vendredi dernier, plusieurs millions de personnes ont battu le pavé pour brandir le carton rouge face à Bouteflika et au clan qui le soutient. Certaines sources ont parlé d’un délai d’une année pour assurer cette transition tant voulue par le pouvoir, mais ce délai paraît intenable vu l’ampleur des tâches à réaliser.

La réponse du berger à la bergère

La réponse au second message du Président algérien n’a pas tardé. Ce mardi, « La coordination nationale pour le changement » en Algérie, qui regroupe des dirigeants politiques, des opposants et des militants, a demandé à Bouteflika de quitter ses fonctions à la fin de son mandat. La coordination a estimé que le gouvernement en place devait rendre le tablier afin de répondre à la demande du peuple algérien qui manifeste depuis près d’un mois sans relâche. Elle a également appelé l’armée à rester neutre et à la tenue d’élections après une période transitoire. L’armée, par la voix de son Chef d’Etat-major, le général Ahmed Gaïd Salah, a affirmé que « toute personne sage et sensée, dotée de patriotisme et de clairvoyance, est consciente qu'à chaque problème existe une solution, voire plusieurs, quelle que soit leur complexité ».

L’armée restera-t-elle neutre ?

Le chef de l’armée a également changé de ton à l’égard des manifestants, en essayant de caresser dans le sens du poil le peuple et sa fibre patriotique. Tout en saluant le patriotisme et le « civisme inégalé » des Algériens qui ont choisi de réclamer pacifiquement le départ du pouvoir en place et des changements profonds, ce proche d’Abdelaziz Bouteflika, dont il n’a pas prononcé le nom lors de ses derniers discours, a affirmé que le peuple algérien « dispose des aptitudes nécessaires pour éviter à son pays toute conjoncture pouvant être exploitée par des parties étrangères hostiles ». D’aucuns ont ainsi agité l’épouvantail de voir l’Algérie devenir un autre drame du printemps arabe en vantant le changement dans la continuité et la stabilité. Les Algériens, eux, ne sont pas dupes. Ils estiment que le pouvoir en place a fait assez de dégâts à un peuple (surtout les jeunes) qui ne profite pas pleinement de la manne pétrolière et gazière dont il dispose. La question qui se pose maintenant est la neutralité de l’armée, elle, qui avec le Front de libération national (FLN), a toujours dessiné la carte politique en Algérie comme au début des années 90, quand le Front islamique du salut (FIS) a accédé au pouvoir. Les Algériens savent que les galonnés ont toujours fait le beau temps et la pluie à Alger et que s’ils ont choisi de maintenir leur mainmise en désignant des présidents civils, c’est pour jouer une comédie démocratique avec des acteurs de seconde main qui ne sortent pas du script qui leur est assigné. Alors que les masquent tombent et que la gronde enfle, l’armée restera-t-elle neutre au risque de voir des politiciens lui souffler le pouvoir sous son nez ?

Abdelali Darif Alaoui est diplômé de l’Institut français de presse (IFP) de Paris et de l’Institut supérieur de journalisme de Rabat. Après avoir entamé sa carrière dans l’audiovisuel (SNRT), il a changé son fusil d’épaule pour travailler dans la presse écrite hebdomadaire. Tout au long de son parcours, ce journaliste polyvalent a travaillé dans plusieurs rédactions dont celles de Maroc Hebdo International, Challenge Hebdo et Le Reporter.

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