L’Italie fait face à une crise politique qui risque de se transformer en véritable crise institutionnelle. Giuseppe Conte, proposé au poste de président du Conseil par la Ligue du Nord, de l’extrême droite et le Mouvement 5 étoiles, parti antisystème - les formations politiques italiennes arrivées en têtes des élections législatives-, a annoncé dimanche soir renoncer à assumer la charge après un entretien avec le Président de la République, Sergio Mattarella.
«Je peux vous assurer que j'ai fourni le maximum d'efforts et d'attention pour mener à bien cette tâche et l'avoir fait dans un climat de pleine collaboration avec les responsables des forces politiques qui m'ont désigné » a déclaré Giuseppe Conte devant la presse.
Il faut dire que cette coalition au pouvoir a soulevé inquiétudes et interrogations au sein de l’Union européenne et en particulier en France. En effet, Paris a vu d’un mauvais œil le programme économique de ces deux partis et surtout leur volonté de désigner un eurosceptique déclaré, Paolo Savona, 81 ans, au poste de ministre des Finances.
Et c’est justement cette nomination, qui n’a pas reçu l’aval du président de la République, qui a obligé Giuseppe Conte à renoncer à son poste, plongeant l’Italie dans une crise politique ouverte.
Le Chef de l’Etat, Sergio Mattarella, garant des institutions a justifié sa décision en déclarant :
«J’avais annoncé à M. Conte que j’accorderai une attention particulière à certains ministères. Il m’a présenté une liste que j’ai acceptée en tous points, à l’exception du choix du ministre de l’économie. Dans mon rôle de garant, je ne pouvais pas accepter un choix qui aurait pu conduire à la sortie de l’Italie de l’euro et provoquer les inquiétudes des investisseurs italiens et étrangers. Il est de mon devoir d’être attentif à la protection de l’épargne italienne, qui est la garantie de protéger la souveraineté de l’Italie.»
De son côté, Matteo Salvini, patron de la Ligue du Nord, ne décolère pas. Ses propos rapportés par la presse italienne dont La Stampa sont acerbes :
«A ces heures, je suis convaincu que nous ne sommes pas un pays libre, que la souveraineté est limitée. Nous avons émoussé et reculé, je peux abandonner les sièges mais je n'abandonne pas la dignité. Celui qui prend la responsabilité de ne pas donner naissance à un gouvernement prêt à travailler demain, va l'expliquer à des millions d'Italiens ».
Salvini a dénoncé les agences de notation, les lobbys financiers et les banquent qui dictent leurs décisions aux gouvernements italiens.
Même son de cloche chez Luigi Di Maio, chef du mouvement 5 étoiles : «C'est un niveau de confrontation institutionnelle jamais vu...le sujet qui est notre propos n’est pas le nom de tel ou tel autre responsable, le sujet est la manière de comprendre l'Italie : est-elle souveraine ou non. Pour nous, l'Italie est souveraine, parce que la souveraineté appartient au peuple », avant d’ajouter : «nous avons remporté la majorité et nous avons monté toute l'équipe dirigeante. Aujourd'hui, nous y sommes allés avec tous les noms, ministère par ministère. Nous étions prêts...nous n’y avons pas été autorisés, pourtant nous représentons environ 60% du consensus populaire, deux forces politiques qui ont remporté les élections. Nous étions prêts à gouverner et on nous a dit non ».
Cette crise, de cette ampleur, risque de perdurer et des élections (encore) anticipées ne sont pas à exclure. En attendant la situation politique italienne renvoie à ce que disait le politologue français Raymond Aron : le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable !