Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé l’Inde et le Pakistan « à prendre des mesures pour désamorcer les tensions à la suite d'un attentat dans la région du Cachemire qui a causé la mort de dizaines de membres des forces de sécurité indiennes ». Dans un communiqué, Stéphane Dujarric, porte-parole de Guterres, a affirmé que « le secrétaire général suit avec beaucoup d'inquiétude la situation en Asie du Sud ». Depuis l’attentat de Bombay en 2008 qui a fait 174 morts, aucun attentat n’a fait autant de victimes. Le Premier ministre indien compte bien riposter, lui qui prône la fermeté au Cachemire indien, ravagé par trente années d’insurrection séparatiste. New Delhi a pointé un doigt accusateur vers Islamabad qui rejette toute responsabilité.
Ledit attentat a été perpétré le 14 février dernier au Cachemire, sous contrôle indien, et a fait 41 morts parmi les membres d’une force paramilitaire indienne. En réponse à cet attentat, l’Inde a lancé une opération militaire en représailles où 7 personnes ont trouvé la mort. Le Premier ministre indien avait promis de riposter à cet attentat. En même temps, New Delhi essaie d’isoler Islamabad sur le plan diplomatique. Les médias indiens tout comme les réseaux sociaux ont été nombreux à crier vengeance.
New Delhi essaie d’isoler Islamabad
Après le rappel des ambassadeurs respectifs pour consultations, la tension est montée d’un cran. L’Inde accuse le Pakistan de soutenir Jaïsh-e-Mohammed (JeM), un groupe terroriste qui a revendiqué l’attentat et de s’en servir dans sa guerre contre l’Inde. Allégations niées en bloc par Islamabad qui parle d’«affirmations absurdes ». Devenu une véritable poudrière qui peut s’embraser à n’importe quel moment, le Cachemire pourrait bien conduire à une guerre entre les deux puissances asiatiques. Selon George Lefeuvre, chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et spécialiste de l’arc de crise Afghanistan-Pakistan-Inde, les tensions entre le Pakistan et l’Inde « pourraient conduire les deux pays au bord de la guerre».
Cette nouvelle escalade intervient au moment où MBS, le Prince héritier d’Arabie Saoudite, effectue se trouve dans la région et où les pourparlers se poursuivent entre les Talibans et Washington. Après avoir visité Islamabad, il s’est envolé pour New Delhi et essaie autant que faire se peut d’éteindre la mèche qui risque d’enflammer la région.
Quel rôle pour MBS dans cette crise ?
L’Inde espère que Riyadh fera pression sur son allié d’Islamabad pour qu’il cesse son soutien aux groupes terroristes pakistanais qui attaquent le Cachemire. Un spécialiste sécuritaire indien écarte cette éventualité. D’après Siddharth Ramana, spécialiste de la sécurité régionale, « beaucoup de ces groupes sunnites basés au Pakistan sont également utiles pour l’Arabie saoudite, car ils créent des troubles chez son propre ennemi, l’Iran. Et les Saoudiens et les Pakistanais collaborent aussi de manière étroite pour s’assurer que les talibans restent au pouvoir en Afghanistan. Ce que les Saoudiens peuvent faire pour l’Inde est de partager avec eux des renseignements et renvoyer des terroristes qui veulent agir contre l’Inde ».
Ceci dit, l’Inde ne reste pas les bras croisés. Elle cherche à isoler Islamabad sur le plan diplomatique. Si l’Europe est quasi-absente, embourbée qu’elle est dans le Brexit, alors que la Grande-Bretagne est l’ancienne puissance coloniale, la France a tenu à réagir.
L’opportunisme américain dans toute sa splendeur
Paris compte demander au Conseil de sécurité de mettre Masood Azhar, le chef du groupe qui a revendiqué l’attentat de la semaine dernière, sur la liste des terroristes internationaux. De leur côté, Moscou, Téhéran et Pékin suivent cette escalade avec attention car ils sont concernés, surtout l’Iran. Les Etats-Unis, quant à eux, ont appelé le Pakistan à coopérer avec l’enquête. Robert Palladino, un porte-parole de la diplomatie américaine a appelé « le Pakistan à coopérer pleinement à l'enquête sur l'attentat et à punir toute personne qui en serait responsable ». De son côté, Islamabad se dit prête à coopérer si l’implication de Pakistanais est prouvée. Washington a aussi proposé ses bons offices pour désamorcer la situation. Une intention louable qui cache en réalité le désir des américains de renforcer leur présence militaire et de renseignements dans la région.
Quid du Maroc ?
Le Maroc, qui a de bonnes relations avec les deux pays, a proposé la semaine dernière au Pakistan d’offrir son aide pour la formation d’imams et de prédicateurs des mosquées afin de lutter contre les courants radicaux. Une proposition bien accueillie par les Pakistanais. Au même moment, La cheffe de la diplomatie indienne, Sushma Swaraj, était en visite au Maroc pour discuter, notamment, d’échanges diplomatiques, de coopération bilatérale...et de lutte anti-terroriste.