Le Maroc vient de perdre une bataille diplomatique importante. Il est indispensable de le reconnaître, le déni ne servant strictement à rien. La Cour de Justice européenne, qui s’est substituée à la Commission européenne dans la définition de ses relations étrangères, interfère gravement dans les prérogatives du Conseil de sécurité de l’ONU et nuit aux relations bilatérales stratégiques entre Rabat et Bruxelles. L’arrêt de la Cour européenne de Justice, dont les attendus se livrent à une délimitation “inique” de la géographie du royaume du Maroc, vient de créer un grave précédent géopolitique qui risque de faire jurisprudence et porter ainsi atteinte aux intérêts supérieurs du Maroc. Non seulement cette décision viole le caractère sacré de la souveraineté du royaume dans la plénitude de son territoire mais menace la sécurité nationale d’un pays-clé dans la région nord-africaine et de la rive sud de la méditerranée.
Nous le disions dans une précédente note et nous mettions en garde contre un éventuel laxisme des autorités diplomatiques marocaines : quand le procureur général près la Cour de Justice européenne déterminait unilatéralement le champ géographique dans le périmètre duquel devait s’appliquer l’Accord de pêche entre l’Union européenne et le Maroc, il s’agissait déjà d’une atteinte flagrante aux intérêts du Maroc.
Alors qu’il considérait que les accords de l’Union européenne pour des relations plus étroites et des échanges commerciaux avec le Maroc «ne devaient pas s’appliquer au Sahara occidental», nous nous attendions à une réaction musclée des autorités marocaines. Malheureusement, Nasser Bourita a préféré faire profil bas invoquant l’incompétence de la Cour de Justice européenne à dicter la politique étrangère de l’Union. Entre-temps, Nasser Bourita a rencontré Federica Mogherini à Bruxelles pour tenter de sonder la position de l’Union européenne quant à l’avenir des relations bilatérales entre les deux parties. Grande fut notre stupéfaction à la vue de la délégation accompagnant le chef de la diplomatie marocaine et le manque de sérieux de nos responsables. Alors que la haute représentante européenne pour les Affaires internationales et les questions de sécurité était entourée des plus grands experts de la Commission de Bruxelles, tous en possession de leurs dossiers bien fournis, la délégation marocaine était anormalement constituée de l’ambassadeur, d’un scribe et d’une stagiaire. Sans bien sûr aucun dossier ni aucun document entre les mains. La suite on la connait : la Cour européenne de Justice a décrété aujourd’hui que l'accord de pêche entre l’Union et le Maroc n’était «pas applicable au Sahara occidental», ce qui constitue un véritable revers pour notre diplomatie.
Avec toute la bonne volonté du monde, Aziz Akhannouch a, dans une sortie médiatique complètement ratée, tenté de nuancer l’impact de cette grave décision que le Maroc doit rejeter catégoriquement. Malheureusement, le ministre de l’Agriculture avait l’air de commenter une décision autre que celle qui est tombée aujourd’hui en essayant de justifier l’injustifiable : dans le déni, il a omis de dire la vérité aux marocains.
Pire, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, dont on attendait plus de fermeté, de courage et d’audace dans la défense des intérêts supérieurs du Royaume face à l’hostilité caractérisée de la Cour européenne, s’est livré à une déclaration indolore, inodore et inaudible. Il dit avoir «pris connaissance de l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne au sujet de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne» et réitéré «son attachement au partenariat stratégique entre le Maroc et l’Union européenne et sa détermination à le préserver et à le renforcer». Dans sa langue de bois habituelle, Bourita dit vouloir poursuivre le renforcement du dialogue politique avec Bruxelles et de préserver la stabilité des relations commerciales entre les deux parties. Notre ministre des Affaires étrangères serait-il un adepte du Sermon de Mathieu ? Quand la souveraineté nationale est en jeu, nous avons besoin de taper du poing sur la table. Car tendre la joue gauche quand on est frappé sur la droite, n’a rien de sage ni de diplomatique. Surtout pas dans ce cas d’espèce.
Comme pour d’autres ressources naturelles où l’organisation pro-polisario WSRW est très active, dans le cas du dossier de la pêche c’est l’autre ONG baptisée Western Sahara Campaign –WSC qui se bat sur tous les fronts internationaux pour promouvoir la reconnaissance du droit à l’autodétermination du «peuple sahraoui » et, par là, invalider le droit du Maroc à appliquer l’accord de pêche dans les eaux adjacentes au territoire du Sahara.
La Cour européenne est malheureusement partie dans le sens de WSC et a jugé que, compte tenu du fait que le «territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visé par l’accord de pêche».
Cette escalade de la part des européens est franchement incompréhensible et bien sûr inacceptable. Nasser Bourita prétend encore disposer d’une capacité de négociation oubliant au passage que la Cour européenne a explicitement jugé que les accords d’association et de libéralisation conclus entre l’Union et le Maroc «n’étaient pas applicables au territoire du Sahara occidental (…) conformément au droit international ». La réponse du Maroc doit être celle-ci : le Sahara est indissociable du Maroc, point à la ligne. Et si le prochain accord de pêche ne contient pas cette disposition, il est préférable de ne pas le reconduire.
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