Les récentes découvertes pétrolières et surtout gazières majeures en Méditerranée orientale, qualifiée par les experts de nouvel eldorado gazier, ont ravivé tensions et convoitises aussi bien régionales qu’internationales dans cette partie du monde déjà bariolée par le conflit israélo-palestinien, la guerre en Syrie, une énième déflagration latente entre le Liban et Israël, le dossier chypriote entre la Turquie et la Grèce, sans oublier l’œil vigilant de Moscou, toujours aux aguets pour préserver ses intérêts étant donné qu’elle est le premier fournisseur de gaz de l’Europe, des États-Unis et de l’Union européenne. Et comme justement les intérêts des Etats et de la géostratégie ont leurs raisons que la raison n’ignore pas, Le Caire et Tel Aviv ont signé un partenariat gazier stratégique au grand bonheur et au profit d’Israël. Explications.
Le commun des mortels égyptiens n’arrive pas à s’expliquer aujourd’hui comment en dépit des découvertes majeures de gisements gaziers, notamment en 2015 par le groupe italien ENI du méga-gisement Zohr dont les ressources sont estimées à 800 milliards de m3, ou la série de découvertes annoncées par la même entreprise au cours de cette année et dont la dernière a été dévoilée le jeudi 30 août, l’Egypte a conclu en février dernier un contrat de 15 milliards de dollars avec un consortium israélo-américain et une société égyptienne pour une période de 10 ans pour l’importation de 64 milliards de m3 des gisements israéliens de Tamar (ressources estimées à 280 milliards de m3) et celui de Léviathan (620 milliards de m3) alors qu’elle était un exportateur majeur de gaz à destination d’Israël ?
Egypte- Israël : Business is business
Les avis sont partagés en Egypte. Il y a ceux qui y voient un tissu de mensonges quant à l’annonce officielle et l’atteinte du seuil d’autosuffisance en matière de gaz. D’autres y perçoivent une autre manière de normalisation économique avec Netanyahu et la caste dirigeante en Israël.
Ce n’est pourtant pas l’avis des experts de la question qui estiment qu’au cours des quatre dernières années, le marché du gaz naturel en Egypte a connu une évolution rapide et majeure visant à inverser le déclin de la production de gaz dans le pays et à gérer la croissance constante de la demande de gaz. D’aucuns soulignent que l’Égypte, en tant qu’acteur régional majeur dans le secteur de l’énergie, souhaite également devenir un chef de file des futurs projets de gaz naturel régionaux dans la Méditerranée orientale et cherche à créer un pôle gazier régional notamment en termes de liquéfaction à Idku et Damiette, option soutenue par l’Union européenne.
Si les relations entre Le Caire et Tel Aviv baignent paisiblement dans le gaz, il n’en est pas de même sur les autres fronts. L’occupant israélien empêche les Palestiniens d’exploiter un gisement découvert en l’an 2000 au large de la bande de Gaza occupée, appelé Gaza Marine avec des ressources estimées à 40 milliards de m3.
Sur le front libano-israélien, le torchon brûle. Le pays des cèdres dont la facture d’importation de pétrole et gaz dépasse les quatre milliards de dollars bon an, mal an, a fait depuis 2009 des découvertes majeures notamment dans l’offshore sous le bassin du Levant. Les ressources en gaz s’étalonnent entre 340 et 700 milliards de m3, d’après les analyses des relevés effectuées par la société britannique Spectrum publiées par Brussels Invest & Export en août 2015 sous les titre : Les enjeux du secteur du pétrole et du gaz au Liban. Découvertes qui ont tout de suite déclenché colère et menaces côté israélien poussant son arrogance à s’auto-proclamer propriétaire de la zone maritime.
Le Liban ne s’est pas fait impressionner, passant outre en signant en février dernier son premier contrat d’exploration d’hydrocarbures au large de ses côtes avec un consortium regroupant l’italien ENI, le français Total et le russe Novatek.
Le président libanais Michel Aoun a déclaré à cette occasion que « le Liban fait partie désormais du club des pays producteurs d’énergie et entame une nouvelle étape de son histoire ».
Idem pour la petite île de Chypre qui se retrouve face aux même frictions et tensions et au cœur d’enjeux énergétiques suite à la découverte du gisement gazier Aphrodite par le consortium formé du pétrolier américain Noble Energy et l’israélien Delek avec un potentiel de 200 milliards de m3. Découverte qui a éveillé les convoitises de la Turquie.
Sur le front syrien, et après 7 ans de guerre, le secteur pétrolier et gazier a été totalement ravagé. La production du pétrole a chuté de 98% et celle du gaz de 52%, passant respectivement de 350 000 barils par jour à 8000 et l’extraction de gaz de 21 millions à 9 millions m3 par jour sans oublier que les gisements tombés entre les mains des divers groupes terroristes dont Daech, leur ont servi pour financer leur guerre contre le régime et s’enrichir. Du coup, de pays exportateur, la Syrie est obligée aujourd’hui d’importer de Russie, de l’Iran et de l’Algérie. Toutefois la Syrie de par aussi sa position géostratégique, se retrouve au cœur d’un bras de fer entre notamment Moscou, Washington, Ankara, l’Union européenne sans oublier les reste des « puissances régionales » autour.
Quel que soit le prix, les Russes ne lâcheront jamais le régime syrien du moins pour le moment. La Syrie est le seul véritable porte-avion au Proche-Orient pour Poutine dans la région et un enjeu de taille en Méditerranée.
Dans cette guerre énergétique entre l’Europe qui cherche à diversifier ses approvisionnements pour ne pas être l’otage du Kremlin et les Etats-Unis d’une part, et la Russie d’autre part, qui voit une politique d’encerclement et de pression initiée par l’Occident, Assad a remercié le président russe en lui octroyant l’exclusivité des droits de production de pétrole et de gaz dans le pays.
Les récentes découvertes de gaz et de pétrole constituent une véritable poudrière pour la région mais reste à savoir qui allumera le premier la mèche.