Des dizaines de morts et blessés, c’est le triste bilan de plusieurs jours d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre au Soudan, secoué depuis mercredi dernier par une tension sociale sans précédent. En cause, la décision du gouvernement de tripler le prix du pain qui passe d’une à trois livres soudanaises. En trente ans de pouvoir, jamais Omar El-Béchir n’a eu à gérer une telle contestation.
La tension est à fleur de peau au Soudan. Premier mouvement de contestation généralisé à secouer le Soudan depuis l’arrivée d’Omar El-Béchir au pouvoir en 1989, il concerne tout le pays. Après les premières manifestations contre la hausse des prix, un rassemblement de professionnels de différents secteurs a lancé dimanche un appel à la grève. Au même moment, plusieurs villes étaient le théâtre de manifestations violemment réprimées par les forces de l’ordre.
Selon Sadek Al-Mahdi, leader du principal parti d’opposition, 22 personnes seraient mortes. Une occasion pour lui de dénoncer la répression armée du gouvernement. Renversé par le coup d’Etat dirigé par Omar El-Béchir, Al Mahdi est rentré d’exil au Soudan cette semaine. Ce dernier a d’ailleurs appelé à un changement de régime saisissant au bond le slogan lancé par les foules, qui après avoir protesté contre la cherté de la vie, ont scandé « Le peuple veut la chute du régime ». Le marasme économique dans lequel se débat le pays, en proie à une forte inflation et à une décroissance alarmante, ainsi que l’autoritarisme du régime, seraient derrière ces manifestations. Ce n’est pas la première fois que les Soudanais envahissent les rues. En janvier dernier, un mouvement pareil avait été réprimé par les autorités. A la différence que cette fois-ci les manifestants réclament la chute du régime. Pour mettre fin au mouvement actuel, le pouvoir d’Omar El-Béchir a procédé à l’arrestation de plusieurs opposants pour « vandalisme ». Le Congrès national, parti au pouvoir, s’est montré compréhensif avec la colère de la population. Toutefois, son porte-parole, Ibrahim El-Sadik, a pointé d’un doigt accusateur les partis de gauche « qui souhaitent déstabiliser l'appareil d'Etat » et intelligence avec l’ennemi, notamment Israël.
Pendant que ce chassé-croisé continue, la tension ne cesse de monter. Plusieurs villes sont concernées en dehors de la capitale comme Oumdourman, Atbara, Um Rawaba, Al-Qadarif. A Atbara, les manifestants ont incendié le siège du parti au pouvoir ainsi que d’autres bureaux dans plusieurs localités. Les autorités, après avoir coupé l’accès à Internet, ont décrété l’état d’urgence dans quatre villes de province et l’armée a été déployée à Oumdourman. De son côté, Amnesty international a condamné l’usage d’armes à feu contre les manifestants. En décidant de donner un coup de vis sécuritaire, renforcé par sa nouvelle alliance avec Bachar Al-Assad, lui-même appuyé par l’Iran et la Russie, le gouvernement soudanais s’oriente vers une escalade dans son bras de fer avec l’opposition.