Dans un entretien exclusif accordé au magazine Le Point, le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, expose une vision claire et structurée de la diplomatie marocaine, à la lumière de la visite d’État importante du Président français Emmanuel Macron. Plusieurs axes clés émergent de cet entretien, soulignant des postures stratégiques qui méritent une analyse approfondie pour comprendre les ambitions du Maroc et les enjeux de sa diplomatie proactive et ferme.
1. Solennité et transparence : l’atmosphère imposante d’une diplomatie maîtrisée
L’introduction de Le Point est révélatrice de l’impression marquée que laisse la personnalité de Nasser Bourita et le cadre dans lequel il évolue. Situé sur une colline surplombant Chellah, un lieu chargé d’histoire, le ministère des Affaires étrangères évoque la profondeur historique et la dimension stratégique de la diplomatie marocaine. La description du «bâtiment de verre» où «l’atmosphère est feutrée et disciplinée» transmet au lecteur une image de transparence et de rigueur, qualités que le ministre incarne depuis plusieurs années. L’auteur de l’article souligne ainsi l’impact que ce lieu et la personnalité de Bourita, sobre et méticuleuse, ont eu sur l’entretien, cadrant les propos du ministre dans une ambiance de contrôle réfléchi et de discipline.
Par ailleurs, en notant que Bourita «n’a éludé aucune question», Le Point souligne la maîtrise du ministre, qui se montre prêt à aborder tous les sujets sensibles sans détour ni artifice. Cette transparence apparente, alliée à un cadre où chaque élément semble calculé, donne une impression de solidité et de constance, qui impose un respect implicite. Cette ambiance, évoquée dès les premières lignes, encadre les propos de Bourita, les inscrivant dans une perspective d'autorité tranquille et de professionnalisme, à l’image du Royaume qu’il représente.
1. Un partenariat d’exception avec la France
La relation entre le Maroc et la France se voit reconfigurée par un «partenariat d’exception renforcé», marqué par des engagements formels autour de la transparence, de l'égalité, et de la responsabilité partagée et ratifié par le Roi Mohammed VI et le Président français Emmanuel Macron dans une déclaration conjointe.
Bourita insiste sur une approche de «faire ensemble», un principe qui valorise le potentiel des entreprises marocaines. Cette stratégie positionne le Maroc non seulement en tant que partenaire économique mais également en tant qu’acteur stratégique pour les défis contemporains (énergie, infrastructure). Cette relation est renforcée par une gouvernance conjointe supervisée par les deux chefs d'État, illustrant une volonté de consolider les liens bilatéraux malgré les tensions passées.
Cette vision illustre une transition de la coopération bilatérale vers une synergie reposant sur une mutualisation des atouts et des compétences.
2. Sahara : la position inébranlable du Maroc
Bourita met en lumière le soutien international croissant au plan d’autonomie marocain pour le Sahara, soutenu aujourd'hui par la France et plusieurs autres puissances, 112 pays à travers le monde. Cette question demeure un pilier inamovible de la politique étrangère marocaine, renforcée par des positions comme celle de la France qui reconnaît désormais le plan d’autonomie comme la «seule base» viable.
L’appui de la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et acteur influent de l’Union européenne, confère une légitimité accrue à la souveraineté marocaine sur le Sahara. Cette reconnaissance n’est pas isolée : elle s’inscrit dans une dynamique mondiale, amorcée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a conduit à l’ouverture d’une trentaine de consulats étrangers à Laâyoune et Dakhla. Ce soutien de la part de près de 20 pays européens et d’une majorité ( 3/4 ) d’États africains et américains renforce la portée diplomatique du Maroc dans ce dossier.
En outre, les États-Unis, en tant que “pen holder” du Conseil de sécurité pour les résolutions relatives au Sahara, jouent un rôle central dans la rédaction et le soutien de la résolution annuelle. La France, pour sa part, s’engage activement aux côtés de Washington pour faire avancer le processus de reconnaissance. La participation française dans ce processus de rédaction montre que Paris souhaite inscrire son soutien au Maroc dans une perspective multilatérale. Cette semaine, la résolution a été adoptée, et l'engagement conjoint de la France et des États-Unis ont déjoué les vaines tentatives de la partie algérienne.
A ce titre, le ministre dénonce l'absence de «partenaire responsable et sérieux» pour résoudre ce conflit, soulignant l'inertie de l’Algérie, qui, par sa posture de statu quo, affecte la stabilité régionale. Un immobilisme qui a un coût pour le Maghreb, le Sahel, les deux rives de la Méditerranée, et surtout pour les peuples marocain et algérien.
3. Gestion des flux migratoires : vers une responsabilité partagée
La gestion des migrations est traitée sous l’angle de la responsabilité partagée, un principe cher au roi Mohammed VI. Dans un contexte européen souvent polarisé, le Maroc plaide pour une approche plus nuancée et coopérative, en partenariat avec la France. La mention des mineurs non accompagnés illustre les défis pratiques et juridiques auxquels les deux nations font face. La volonté du Maroc d'assumer ses responsabilités envers ses ressortissants et de faciliter leur réadmission témoigne de l'engagement du pays à être un acteur responsable.
4. Relations avec l’Algérie : principe de «Non-Interférence»
La diplomatie marocaine adopte une posture ferme vis-à-vis de l’Algérie. Bourita réaffirme que le Maroc ne conditionne pas ses relations avec la France aux relations que celle-ci entretient avec l’Algérie, renvoyant toute inquiétude algérienne à de simples «interprétations». Cette position découle d’une doctrine royale qui prône la non-interférence, tout en maintenant des relations indépendantes et focalisées sur les intérêts propres du Maroc. Le Royaume se positionne ainsi comme un acteur stabilisateur et de bonne foi dans la région, malgré les tensions.
5. Engagement au Sahel : un Afro-optimisme en action
Dans un contexte sécuritaire tendu au Sahel, le Maroc initie des actions concrètes pour renforcer la résilience régionale. Bourita explique que l’engagement marocain va au-delà du discours, avec des investissements dans les infrastructures et des projets de développement dans les pays sahéliens. Cet afro-optimisme, incarné par le Roi Mohammed VI, repose sur l'intégration régionale, et montre la volonté marocaine d'agir comme un leader africain. Cette stratégie est par ailleurs compatible avec la coopération avec la France, mais selon des modalités propres, respectant la souveraineté et les besoins des pays du Sahel.
6. Relation avec Israël et soutien à la cause Palestinienne : ne pas compromettre ses principes
L’interview révèle l’équilibre délicat entre la coopération maroco-israélienne et le soutien marocain à la cause palestinienne. Le Royaume, avec son héritage juif ancré dans son identité nationale, se veut exemplaire en matière de coexistence. Bourita clarifie que la normalisation avec Israël n’équivaut pas à un soutien sans réserve aux actions israéliennes, le Maroc continuant de dénoncer fermement les abus et de défendre les droits palestiniens.
En soulignant l’importance de «discussions apaisées et d’un dialogue constructif», Bourita traduit la position marocaine en faveur d’une diplomatie discrète et mesurée. Cette démarche, centrée sur le soutien à une «paix durable» et une «solution juste» au conflit israélo-palestinien, met en avant l’engagement du Royaume pour la solution des deux États, sans céder aux extrêmes.
Cette position, délicate mais clairement articulée, témoigne d'une diplomatie marocaine capable de jongler avec des intérêts stratégiques sans compromettre ses principes fondamentaux.
Conclusion et perspectives
L'entretien de Nasser Bourita au Point révèle une diplomatie marocaine proactive, transparente et déterminée, privilégiant l’alignement avec ses partenaires stratégiques, tout en consolidant sa souveraineté sur des dossiers sensibles et stratégiques tels que le Sahara.
En multipliant les initiatives en faveur de la stabilité au Sahel et de la gestion migratoire, le Royaume du Maroc se positionne comme un pilier de la stabilité en Afrique Atlantique, au Sahel et le pourtour méditerannéen.