Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le président des Émirats arabes unis, Mohamed ben Zayed Al Nahyane, ont lancé officiellement ce vendredi 4 octobre 2024 le projet de développement de Ras El-Hekma, situé sur la côte nord-ouest méditerranéenne de l’Égypte. Avec une enveloppe d’investissement estimée à 110 milliards de dollars, ce projet témoigne du soutien constant de MBZ au général égyptien, alors que l’Égypte fait face à des tensions et à des conflits armés sur la plupart de ses frontières.
Le projet de développement de Ras El-Hekma est une initiative de grande envergure entre l’Égypte et les Émirats arabes unis, officiellement lancée en février 2024. Ce projet, qui mobilise 110 milliards de dollars d’investissement, dont 35 milliards en investissement direct étranger (IDE), vise à transformer la région côtière méditerranéenne de l'Égypte en un pôle urbain, touristique et économique majeur. Situé à environ 350 km au nord-ouest du Caire, Ras El-Hekma s’étendra sur 170 millions de mètres carrés et comportera des quartiers résidentiels, des infrastructures de services, un port de plaisance, ainsi qu’un aéroport international, tous développés en partenariat avec la société émiratie ADQ et sa filiale Modon Holding.
Partenariat et Opportunités de Croissance
Le développement de Ras El-Hekma, dans lequel l’Égypte détient une part de 35 % des bénéfices, a pour objectif de renforcer l’attractivité économique de l’Égypte et de stimuler la création d’emplois. En intégrant des services résidentiels et des infrastructures modernes, le projet vise à attirer des investissements directs étrangers et à soutenir la croissance des secteurs de l’immobilier, du tourisme, et des technologies durables.
L'IDE injecté par Abu Dhabi devrait également alléger la pression sur la dette extérieure égyptienne grâce à la conversion d'une partie des dépôts émiratis en investissements sur place. Le partenariat avec les Émirats arabes unis représente un soutien stratégique aux efforts égyptiens pour diversifier ses revenus, stabiliser sa monnaie, et attirer davantage d’investissements en devises étrangères.
Un Impact Économique et Touristique de Grande Envergure
Les investissements cumulatifs sont estimés à 110 milliards de dollars d’ici 2045, avec une contribution annuelle au PIB égyptien d’environ 25 milliards de dollars. Dès 2030, plus de 55 milliards de dollars seront déjà investis, avec la création de plus de 100 000 emplois grâce aux activités de construction, d’hospitalité, et de fabrication. Modon Holding cible un afflux touristique annuel de 8 millions de visiteurs, soutenu par des infrastructures avancées, telles que le train à grande vitesse reliant la région au Caire.
MBZ ancre son engagement pour Ras El-Hekma
Lors de la cérémonie du 4 octobre 2024, en présence des présidents Al-Sissi et MBZ, plusieurs accords clés ont été signés pour faciliter le développement de cette ville de 170 millions de mètres carrés. Parmi les partenaires stratégiques figurent des entreprises de renom telles que :
• Orascom Construction : désigné comme principal contractant pour les premières phases du projet, symbolisant la confiance placée dans l’expertise locale en matière de construction.
• Elsewedy Electric : pour la fourniture de matériaux et le développement de parcs industriels et de systèmes de maintenance.
• Abu Dhabi Airports : chargé de la planification, de la conception et de l’exploitation de l’aéroport international prévu à Ras El-Hekma.
• TAQA : qui interviendra dans les infrastructures des services publics, notamment la dessalinisation de l’eau, la distribution électrique et le traitement des eaux usées.
• e& Egypt : pour les infrastructures de ville intelligente, y compris la connectivité numérique, les réseaux de fibres, les systèmes de gestion énergétique et les solutions de transport intelligent.
Ces accords renforcent l’engagement de Modon, le développeur immobilier basé à Abu Dhabi et affilié au conglomérat ADQ, à réaliser un développement urbain de pointe, visant une part significative du marché touristique méditerranéen, avec un accès rapide pour 400 millions de touristes potentiels dans un rayon de quatre heures de vol.
Un jeu d’échecs géostratégique pour MBZ
En soutenant le développement de Ras El-Hekma, MBZ ne se contente pas d’investir dans un projet économique : il renforce également sa présence stratégique en Méditerranée orientale. Face à la montée en puissance de l’Arabie saoudite avec l’accord IMEC (Inde-Moyen-Orient-Europe Corridor), et les rapprochements saoudiens avec Israël, les Émirats misent sur une alliance solide avec l’Égypte pour garantir leur influence régionale. Ce projet permet aussi aux EAU d'avoir l'oeil sur le secteur énergétique méditerranéen, non encore exploité, tout en stabilisant un allié clé comme l’Égypte, dont l’économie dépend des revenus touristiques et du canal de Suez.
Les ressources gazières en Méditerranée partagées avec Israël et Chypre pourraient être d'un intérêt stratégique de MBZ, qui voit en Ras El-Hekma une opportunité de projection de puissance au-delà du Golfe, tout en répondant aux défis posés par les nouvelles alliances régionales.
1. L'Influence économique et l'alliance avec l'Égypte
Face à la montée en puissance de l'Arabie saoudite, qui cherche à étendre son influence en concluant un potentiel accord de paix avec Israël, MBZ renforce sa main mise sur les décisions diplomatique et sécuritaire de l'Égypte. Ce projet de développement de Ras El-Hekma reflète une volonté des EAU de stabiliser l'économie égyptienne, particulièrement touchée par une crise de liquidités, et de consolider un axe d'influence avec un allié stratégique sur la côte méditerranéenne. En soutenant le développement économique égyptien via des investissements directs importants (dont une part est convertie des dépôts émiratis dans la Banque centrale égyptienne), MBZ renforce sa relation avec le Caire pour contrer l’influence grandissante de Riyad, qui pourrait éclipser celle des Émirats dans la région, surtout avec le corridor IMEC reliant l’Inde à l’Europe.
2. Une réponse à la redéfinition des alliances au Moyen-Orient
Le corridor IMEC et un possible accord de paix entre l'Arabie saoudite et Israël pourraient non seulement renforcer la position saoudienne dans les échanges mondiaux, mais aussi affaiblir les EAU, qui jusqu'à récemment avaient dominé le rôle de médiateur et d'innovateur économique dans la région. Face à cela, MBZ opte pour une diversification de son influence en s’appuyant sur des partenariats multiples, notamment en Égypte. Il vise ainsi à maintenir une présence stratégique le long de routes commerciales critiques, comme le canal de Suez, en participant activement au développement de projets d'infrastructure qui renforcent la position de l'Égypte en Méditerranée orientale, tout en contribuant à sa stabilité économique.
3. La dimension sécuritaire et énergétique
MBZ voit également dans le développement de Ras El-Hekma un moyen de soutenir l’Égypte dans un contexte régional tendu, où l'Iran et Israël continuent de jouer un rôle déstabilisateur en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En stabilisant le régime égyptien et en le soutenant économiquement face aux crises économiques et sociales, MBZ s’assure que son allié reste résilient face aux fluctuations de la sécurité régionale. Par ailleurs, l'Égypte partage d’importantes ressources gazières avec Israël, Chypre, et Gaza, ressources qui représentent un enjeu énergétique crucial pour l’Europe et le Moyen-Orient. En s’associant étroitement à l’Égypte, les EAU peuvent participer indirectement à ce secteur énergétique stratégique, ce qui renforcerait leur poids dans les décisions économiques et sécuritaires de la Méditerranée orientale.
4. Les ambitions géopolitiques en Afrique du Nord
Le soutien de MBZ à l'Égypte inclut des implications plus larges en Afrique du Nord, notamment au Soudan et dans l’est de la Libye, où l’Égypte et les EAU ont collaboré pour renforcer leur influence respective. En contrôlant certains points stratégiques et en stabilisant des alliés, MBZ espère contrebalancer les avancées saoudiennes dans la région. L’implantation d’une nouvelle ville sur la côte méditerranéenne égyptienne permet non seulement de renforcer économiquement un pays allié, mais aussi de projeter une image de stabilité dans une région où les influences russes, turques et iraniennes demeurent actives.