Lors de son point de presse du 23 septembre, le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a consacré une partie de son intervention aux dynamiques du marché du travail, au Maroc comme à l’international. Entre ralentissement mondial, créations d’emplois limitées dans le Royaume et persistance d’un chômage massif chez les jeunes, ses déclarations tracent les contours d’un dossier à la fois conjoncturel et structurel. Surpris par la faiblesse inédite des chiffres du deuxième trimestre, Jouahri a annoncé la saisine du Haut-Commissariat au Plan (HCP) pour en comprendre les causes.
Un contexte international marqué par le ralentissement
En ouverture, Jouahri a dressé un parallèle avec la situation mondiale :
- États-Unis : le marché du travail montre des signes de modération. Les créations d’emplois ralentissent et le taux de chômage devrait passer de 4 % en 2024 à 4,2 % en 2025, puis 4,6 % en 2026.
- Zone euro : le chômage s’établirait autour de 6,4 %, avec des disparités marquées entre pays.
« Cet élément a beaucoup joué dans la dernière décision de la Fed », a-t-il relevé, soulignant le rôle central de l’emploi dans les choix de politique monétaire.
Maroc : seulement 5 000 emplois créés au 2ᵉ trimestre 2025
Sur le plan national, le constat est plus préoccupant. Le Maroc n’a enregistré que 5 000 créations nettes d’emplois au deuxième trimestre 2025.
- Agriculture : perte de 108 000 postes.
- BTP : création de 74 000 postes.
- Services : création de 35 000 postes.
- Industrie : seulement 2 000 postes.
« Avec la baisse nette dans les services et aussi très nette dans l’industrie, nous arrivons à ce chiffre de 5 000 emplois au global », a détaillé le gouverneur.
Taux de chômage : un recul en trompe-l’œil
Le taux d’activité a reculé à 43,4 %, tandis que le taux de chômage est passé de 13,1 % à 12 %.
- En milieu urbain : 16,7 % → 16,4 %.
- En milieu rural : 6,7 % → 6,2 %.
- Jeunes (15–24 ans) : toujours un niveau alarmant, 46,9 %.
Interpellé par un journaliste sur ce chiffre surprenant de 5 000 créations nettes, Jouahri a reconnu la difficulté d’interprétation :
« Ce chiffre est très surprenant, nous avons remarqué cela aussi. Nous aurons une réunion avec le HCP la semaine prochaine pour comprendre pourquoi on passe de 230 000 à 5 000 emplois. Certaines choses s’expliquent, d’autres non. Cela mérite une enquête approfondie. »
L’emploi face aux choix de politique monétaire
Pour le gouverneur, l’action de Bank Al-Maghrib reste indirecte mais déterminante :
- « La meilleure contribution que peut apporter une banque centrale à l’emploi, c’est la stabilité des prix. »
- « Quand vous avez une monnaie stable, un investisseur, un épargnant, un consommateur peut faire des choix avec confiance. L’inflation détruit tout pouvoir d’achat et fausse les coûts de production. »
Il a rappelé, en citant l’exemple de la Fed, que les débats actuels opposent ceux qui privilégient la lutte contre l’inflation et ceux qui misent sur un assouplissement pour soutenir l’emploi.
Appui indirect : le financement des TPE
Enfin, Jouahri a rappelé le rôle de la banque centrale dans le soutien aux petites structures créatrices d’emplois :
« Nous avons mis en place une ligne de refinancement avec un taux préférentiel pour encourager les banques à financer les très petites entreprises. C’est une façon indirecte de soutenir la création d’emplois. »