Sous les cieux parfois capricieux du Bourget, les nations qui rêvent de conquérir les airs se pressent, s’observent et concluent. Et dans cette arène de titans, un acteur a su imposer sa marque avec discrétion stratégique et efficacité ciblée : le Maroc.
Ce n’est plus une montée en puissance. C’est une confirmation. Le royaume s’affirme comme un hub aéronautique global, avec un modèle qui séduit les géants de l’industrie et suscite l’intérêt des décideurs à la recherche de nouveaux relais de croissance.
Un pavillon national coordonné par l’AMDIE et le GIMAS
Le Maroc a pris part à la 55ᵉ édition du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace – Paris Air Show, qui s’est tenu du 16 au 21 juin 2025 au Parc des Expositions de Paris–Le Bourget. Ce rendez-vous, considéré comme le plus important au monde dans le secteur, rassemble cette année près de 2 500 exposants, plus de 130 000 visiteurs professionnels et 322 délégations officielles.
La participation marocaine est structurée autour d’un Pavillon Maroc, organisé par l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE) en partenariat avec le Groupement des Industries Marocaines Aéronautiques et Spatiales (GIMAS). Ce pavillon met en avant six entreprises nationales actives dans les domaines du câblage, de la fabrication de pièces de haute précision, de l’assemblage et de l’ingénierie.
Des deals, des leaders et une vision
La participation marocaine au Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris 2025 ne s’est pas contentée d’un «pavillon-stand» bien placé. Elle a été le théâtre de plusieurs annonces majeures. Royal Air Maroc a signé une extension de partenariat avec Safran pour les moteurs CFM Leap. Figeac Aero, partenaire de Boeing, a confirmé une nouvelle ligne de production pour pièces du 737 Max. Et Embraer, acteur stratégique de l’aviation régionale, renforce sa présence industrielle dans le royaume.
Autour de la table, une délégation marocaine resserrée, mais à très haut niveau : Ryad Mezzour, Abdessamad Kayouh, Ali Seddiki, Karim Zidane, les dirigeants de la RAM, Abdelhamid Addou, de la CDG, Khalid Safir. Des figures engagées dans un récit collectif, celui d’un pays qui a cessé de séduire les investisseurs. Il les convainc.




Un écosystème compétitif, une ingénierie d’avenir
Avec plus de 150 entreprises aéronautiques implantées (dont Safran, Thales, Collins Aerospace, Spirit AeroSystems), le Maroc a su transformer sa proximité géographique avec l’Europe en une proximité opérationnelle.
Les chiffres parlent :
- 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel,
- 26 000 emplois directs,
- Un taux d’intégration locale de 40 %,
- Une production qualifiée, stable, multilingue, formée à l’international,
- Et un coût horaire imbattable à 25 € contre 100–120 € dans les zones de référence.
Mais la compétitivité marocaine ne repose pas que sur les coûts. L’offre industrielle est structurée, évolutive, et adossée à des centres de formation d’élite. Le royaume forme chaque année 23 000 ingénieurs, dont plusieurs centaines orientés vers l’aéronautique, l’électronique et l’intelligence embarquée.
Le long-courrier de la souveraineté industrielle
Le Maroc ne se contente plus d’être l’atelier du monde aérien. Il ambitionne désormais d’en devenir un copilote stratégique.
D’ici 2030 :
- Le royaume vise 80 millions de passagers accueillis contre 38 millions actuellement.
- La RAM prépare le triplement de sa flotte : passer de 50 à 200 avions à horizon 2037.
- Les discussions pour une ligne d’assemblage final d’avions commerciaux sur le sol marocain sont actives.
L’objectif est clair : faire du Maroc un des très rares pays non producteurs historiques à maîtriser toute la chaîne, de l’engineering à l’assemblage en passant par la maintenance (MRO).
Un modèle à la croisée des continents
Dans un monde où les chaînes de valeur se recomposent, le Maroc joue une carte unique. Celle d’un carrefour euro-africain, stable, pragmatique, et ouvert au monde. C’est cette combinaison rare entre infrastructure, vision industrielle et diplomatie économique qui a convaincu les grands noms de l’aéronautique.
Et comme le souligne avec justesse un officiel marocain rencontré au Bourget :
« Nous ne venons pas quémander. Nous venons construire. »
Le royaume du ciel
À Paris, le Maroc n’a pas présenté un stand. Il a présenté une stratégie, une capacité d’exécution, et surtout, une volonté de conquête tranquille mais implacable. Il vient proposer des chaînes d’assemblage, des synergies durables, et une ingénierie adaptée aux enjeux de demain. Il devient un copilote stratégique pour les donneurs d’ordres du monde entier.
Le Salon du Bourget 2025 restera dans les annales marocaines comme un moment d’inflexion : celui où l’on a cessé de douter qu’un pays d’Afrique pouvait peser dans la géopolitique aéronautique mondiale.
Parce qu’en matière d’aviation, le Maroc ne regarde pas l’industrie décoller. Il l’aide à fendre l’air.