Confiance dans les médias : la stabilité des chiffres masque une profonde crise de sens

Malgré une décennie marquée par la défiance, les niveaux de confiance dans les médias se sont stabilisés depuis trois ans à un niveau global de 40 %, selon le Digital News Report 2025 du Reuters Institute. Mais cette moyenne mondiale dissimule de fortes disparités géographiques, culturelles et politiques.

Taux de confiance de la population dans les grands médias en Europe du Nord et de l’Ouest

🇫🇮 Finlande : 67%
🇩🇰 Danemark : 56%
🇳🇴 Norvège : 54%
🇸🇪 Suède : 53%
🇮🇪 Irlande : 51%
🇳🇱 Pays-Bas : 50%
🇨🇭 Suisse : 46%
🇩🇪 Allemagne : 45%
🇧🇪 Belgique : 43%
🇦🇹 Autriche : 41%
🇬🇧 Royaume-Uni : 35%
🇫🇷 France : 29%

Nord vs Sud : une fracture de perception

En haut du classement, la Finlande (67 % de confiance), la Norvège et le Portugal incarnent des modèles de stabilité et d’intégrité journalistique. À l’inverse, la Hongrie et la Grèce ferment la marche, avec à peine 22 % de confiance déclarée. Ces pays, souvent touchés par des ingérences politiques dans les rédactions, illustrent comment la polarisation politique peut miner la crédibilité du journalisme.

Fait remarquable : des pays africains comme le Nigeria (68 %) et le Kenya (65 %) affichent des niveaux de confiance parmi les plus élevés au monde. Mais le rapport nuance ces chiffres : les échantillons interrogés y sont souvent composés de populations urbaines, éduquées, anglophones, et donc peu représentatifs de l’ensemble des opinions publiques. Paradoxalement, dans ces pays, une forte confiance peut coexister avec de faibles niveaux de liberté de la presse, comme l’indique Reporters Sans Frontières à propos du Nigeria, où les ingérences gouvernementales restent fréquentes.

Le Royaume-Uni et l’Allemagne, les grands perdants depuis 2015

La Grande-Bretagne (-16 points) et l’Allemagne (-15 points) enregistrent les plus fortes chutes de confiance depuis 2015. La presse y est souvent perçue comme otage des batailles idéologiques qui divisent leurs sociétés. En revanche, la pandémie de Covid-19 a joué un rôle stabilisateur : une prise de conscience de l’utilité sociale de l’information a temporairement relevé la cote de confiance, avant une rechute vers un plateau durable.

Ce que le public attend des journalistes

Malgré les critiques, le public continue à formuler des attentes claires envers les médias. Les quatre leviers les plus souvent cités sont :

  1. L’impartialité

Éviter de pousser une ligne éditoriale, bannir les mots chargés émotionnellement, et séparer opinions et faits sont les demandes les plus fréquentes.
« Laissez vos opinions à la porte », résume un répondant britannique.

  1. La véracité et la rigueur factuelle

Vérifier, sourcer, corriger. Le public attend moins de spéculations et plus de fact-checking, y compris pour contrer les fausses déclarations des personnalités publiques.

  1. La transparence

Clarifier l’origine des sources, indiquer les éventuels conflits d’intérêts, distinguer clairement actualité et opinion, et surtout corriger visiblement les erreurs.

  1. Un journalisme de fond, d’intérêt public

Moins de course au clic, plus de spécialisation. Les répondants appellent à réinvestir dans le journalisme d’enquête et la couverture experte des sujets complexes.

Mais le paradoxe persiste : dans des sociétés polarisées, même ces idéaux fondamentaux sont contestés. Ce que certains considèrent comme un « reportage véridique » est perçu par d’autres comme un biais manifeste. La transparence peut aussi être instrumentalisée par des groupes hostiles pour discréditer ou menacer.

Évitement de l’information : un symptôme préoccupant

Ce climat de défiance s’accompagne d’une hausse continue de l’évitement de l’actualité. En 2025, 40 % des personnes interrogées déclarent éviter les nouvelles, un taux record égalant celui de 2024. En 2017, ce chiffre n’était que de 29 %. L’information est perçue comme anxiogène, clivante, ou tout simplement chronophage. Le phénomène touche particulièrement les jeunes adultes, qui jugent les contenus actuels trop éloignés de leurs préoccupations.

La confiance se mérite

Ce que révèle ce rapport, c’est un besoin profond de réinvention du contrat de confiance entre les médias et leurs publics. Cela passe moins par la technologie ou les formats, que par le cœur du métier journalistique : la rigueur, l’indépendance, la vérification, l’écoute et l’intégrité.

Dans un monde où les fausses informations circulent à la vitesse d’un tweet, regagner la confiance passe aussi par une pédagogie de l’information. Et cela ne pourra se faire qu’au prix d’un effort partagé entre rédactions, plateformes, autorités publiques et citoyens.

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