Le monde des médias et de littérature marocains est en deuil. Le journaliste et auteur Moulay Abdeslam El Bouserghini, figure tutélaire de la presse nationale, s’est éteint après une longue vie dédiée à l’écrit, à l’engagement et à la transmission.
Né à Marrakech au début des années 1930, Abdeslam El Bouserghini fut témoin et acteur des grandes mutations du Maroc contemporain. Autodidacte, il quitta l’école très jeune après le décès de son père, mais poursuivit son apprentissage par la lecture et l’engagement militant. Il participa, adolescent, aux activités clandestines du Parti de l’Istiqlal en lisant et diffusant des tracts nationalistes.
Très tôt, il embrassa le journalisme, rejoignant les rédactions de Al Alam (organe de l’Istiqlal) et de At-Tahrir, quotidien lié à l’Union nationale des forces populaires. Dans des conditions matérielles souvent rudimentaires, il fut l’un des premiers rédacteurs d’actualités, traduisant les dépêches de l’AFP et relayant les grandes informations internationales à une époque où la MAP n’existait pas encore.
Un témoin des grandes causes arabes et africaines
Bousarghini a couvert certains des épisodes les plus marquants de l’histoire du Maroc et du monde arabe. Il côtoya des figures comme Mehdi Ben Barka et Abderrahmane Youssoufi, et suivit de près les soubresauts géopolitiques de la région. Ses analyses sur la guerre du Golan, qu’il couvrit avec lucidité et esprit critique, restent encore aujourd’hui une référence.
Homme de conviction, il incarna une presse exigeante, soucieuse de vérité et de responsabilité. Ses écrits, qu’il publia dans divers journaux et revues, alliaient profondeur analytique et sens de la mémoire collective. On le retrouvait encore récemment dans des plateformes comme Zamane ou Assoual, livrant des récits de première main sur l’histoire politique et médiatique du Maroc.
Le témoignage de Kaïsse Ben Yahia
Dans un message émouvant, l’auteur et le poète Kaïsse Ben Yahia a salué celui qu’il considérait comme un proche de sa famille :
« Le défunt a consacré sa vie au journalisme national. Il faisait partie de la première génération qui a contribué à asseoir les fondations de la profession… Pour moi, il était plus qu’un compagnon de route de mon père – que Dieu ait son âme – je le considérais comme un oncle. J’ai grandi auprès de lui et j’ai puisé dans sa sagesse et son humanité. Il est resté, tout au long de sa vie, un modèle du journaliste intègre et à la plume noble. »
Ces mots résument l’empreinte laissée par Moulay Abdeslam El Bouserghini : celle d’un journaliste au service de la vérité, mais aussi d’un homme profondément humain, généreux et respecté par ses pairs.
Reconnaissance et héritage
En décembre 2023, il avait été distingué par le Grand Prix national de la presse, qui lui remit une distinction honorifique pour l’ensemble de sa carrière, saluant une vie vouée à l’information et à la défense de la liberté d’expression.

À 91 ans, Abdel Salam Bousarghini laisse derrière lui le souvenir d’un journaliste rigoureux, d’un intellectuel autodidacte et d’un patriote sincère. Son parcours illustre la force de la presse comme témoin de l’histoire et comme outil de conscientisation nationale.
Ses pairs, ses lecteurs et les nouvelles générations de journalistes retiendront de lui un modèle de probité et d’engagement.
إنا لله وإنا إليه راجعون.