Washington réajuste sa présence militaire en Europe. Le ministère roumain de la Défense a annoncé mercredi que les États-Unis allaient réduire le nombre de soldats déployés sur le flanc Est de l’OTAN, y compris sur la base aérienne de Mihail Kogălniceanu, tout en maintenant environ un millier de militaires américains sur son sol.
Selon Bucarest, cette décision, qualifiée d’« attendue », s’inscrit dans le cadre d’une réévaluation des priorités stratégiques américaines, marquée par un recentrage sur la région indo-pacifique et sur la défense des frontières nationales. Environ 1 000 à 1 200 soldats américains, qui avaient quitté la Roumanie il y a un mois, ne seront pas remplacés.
Le ministère roumain précise qu’il ne s’agit pas d’un retrait américain d’Europe, mais d’une fin de rotation d’une brigade dont les éléments étaient répartis entre la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Slovaquie. Le ministre de la Défense, Ionuț Moșteanu, a assuré que la présence alliée demeurait « considérable », avec environ 3 500 militaires de l’OTAN stationnés en Roumanie, dont des troupes américaines.
« C’est suffisant pour nos besoins », a déclaré Moșteanu. « L’attente d’avoir des armées étrangères entières pour nous défendre est irréaliste. Nous continuerons d’investir dans l’armée roumaine. »
Bucarest a récemment reçu un système avancé de défense aérienne américain, censé améliorer sa capacité à contrer les drones et les menaces sur son espace aérien. La Roumanie, qui partage 650 km de frontière terrestre avec l’Ukraine, a vu plus de vingt incursions de drones russes depuis le début de la guerre en Ukraine, ainsi que la dérive de mines flottantes dans la mer Noire, perturbant le trafic commercial et énergétique.
Le Pentagone a tenu à clarifier que cette décision « n’est pas un retrait d’Europe », ni un signe d’un engagement moindre envers l’OTAN. Un responsable de l’Alliance atlantique a ajouté que les ajustements de déploiement américain étaient fréquents et faisaient partie d’une coordination continue entre alliés.
À Rome, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a replacé ce mouvement dans une trajectoire plus longue :
« Ce processus a commencé sous la présidence Obama. Les États-Unis se concentrent sur la concurrence avec la Chine, et l’Europe doit désormais garantir sa propre défense. »
Une Europe face à ses responsabilités
Ce réalignement intervient dans un contexte sensible : la guerre en Ukraine se poursuit, et la sécurité du flanc Est reste une priorité pour l’OTAN. Si la Pologne et la Lituanie ont indiqué ne pas avoir été informées d’une éventuelle réduction sur leur territoire, Washington avait déjà exhorté ses alliés à assumer davantage leur propre sécurité, rappelant que la défense européenne devait s’appuyer sur un partage accru des charges.
En septembre, Donald Trump avait d’ailleurs déclaré que les États-Unis pourraient augmenter leur présence militaire en Pologne, signe que la stratégie américaine privilégie désormais des positions ciblées et politiquement fiables, plutôt qu’une présence uniforme sur tout le flanc Est.
En apparence technique, cette décision traduit une évolution du rapport de forces au sein de l’Alliance. Washington semble vouloir maintenir son empreinte stratégique en Europe tout en poussant les Européens à une montée en puissance capacitaire, une tendance amorcée sous Obama, poursuivie sous Trump, et désormais assumée comme doctrine.
Pour Bucarest, la clé sera de transformer cette nouvelle donne en opportunité : investir davantage dans son autonomie militaire tout en consolidant le lien stratégique avec Washington, qui demeure, malgré tout, le principal garant de la dissuasion face à la Russie.
Sources : Reuters, Ministère roumain de la Défense, OTAN, Pentagone, Sky Italia







