Face à la menace russe, la France place un aviateur aux commandes de ses armées

En nommant le général Fabien Mandon, ancien pilote de chasse, à la tête des armées françaises, Emmanuel Macron opère un virage stratégique à haute altitude. À l’heure où la Russie intensifie sa guerre hybride et sa production industrielle de drones, ce choix en dit long sur la guerre que la France se prépare à mener — mais aussi sur la course militaro-industrielle qu’elle ne peut plus se permettre de perdre. Car dans ce nouveau monde, il faut non seulement être prêt à combattre, mais aussi capable de produire, d’exporter et d’influencer.

Ce 23 juillet 2025, le président Emmanuel Macron a désigné le général d’armée aérienne Fabien Mandon comme nouveau chef d’état-major des armées (CEMA). Cette nomination, saluée par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, met un terme à quatre années d’un commandement terrestre incarné par le général Thierry Burkhard, homme de rigueur et voix forte dans la période troublée qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La nomination du général Fabien Mandon, aviateur de formation, à la tête des armées françaises — une première depuis 1998 — marque une inflexion stratégique nette : la guerre du XXIe siècle est aérienne, robotisée, furtive et pilotée à distance.

Elle l’est aussi dans l’espace, dans le cyberespace et dans le champ informationnel.

Dans ce sens, confier les rênes de l’appareil militaire à un ancien pilote de chasse n’est pas une simple alternance entre armée de terre, marine ou armée de l’air : c’est la reconnaissance politique d’un basculement du théâtre des opérations vers des environnements technologiques dématérialisés et hyper-mobiles.

Cette évolution était anticipée par le général Thierry Burkhard, qui dans ses derniers mots a évoqué un « champ de bataille de plus en plus transparent », une létalité accrue, une hybridation des moyens », mais elle est désormais incarnée au sommet de l’état-major.

Le président français a salué cette transition par ces mots :
« Merci au général Thierry Burkhard d’avoir servi la France avec honneur, courage et hauteur de vue. Respect et gratitude de la Nation. Ma pleine confiance au général Fabien Mandon, nouveau chef d’état-major des armées, pour guider nos forces face aux grands défis, ainsi qu’au général Vincent Giraud pour se tenir à mes côtés comme nouveau chef d’état-major particulier. »

La Russie comme catalyseur : l’ère du ciel et du pixel

Deux jours avant la nomination de Mandon, la Russie a diffusé des images de l’usine de drones d’attaque la plus vaste au monde, à Alabuga. Cette opération de communication militaro-industrielle — diffusée sur Zvezda, la chaîne de l’armée — visait à impressionner, normaliser la guerre, et rappeler sa capacité à produire en masse des Geran-2, dérivés des Shahed iraniens.

Le général Burkhard l’a lui-même martelé dans sa dernière conférence de presse : « La Russie a désigné la France comme son premier adversaire en Europe », menant une «guerre hybride globale» mêlant cyberattaques, désinformation, manipulation cognitive et actions sous-marines. Pour lui, il s’agit d’une menace «durable, proche et dimensionnante» où la supériorité numérique, l’endurance industrielle, l’information et les drones tactiques sont devenus des leviers majeurs.

La Russie a compris que la masse et la répétition l’emportent parfois sur la sophistication, et elle aligne désormais une production de drones low cost à échelle industrielle.

Drones, influence, exportations : la leçon turco-iranienne

Au-delà du choix stratégique et doctrinal, la nomination d’un aviateur au sommet des armées françaises touche à une ambition économique sous-jacente : faire émerger une véritable filière souveraine, capable de rivaliser — ou à défaut, de peser — face aux champions géopolitiques du secteur.

La guerre en Ukraine a fait exploser la demande mondiale en drones : kamikazes, ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance), anti-drones, essaims autonomes, interconnectés… L’enjeu n’est plus simplement tactique, il est économique.

Des pays comme la Turquie (Bayraktar) ou l’Iran (Shahed, Mohajer) l’ont bien compris : en produisant massivement des drones performants à bas coût, ils ont acquis un levier d’influence sans équivalent, tissant des alliances (Libye, Azerbaïdjan, Russie, Afrique) et imposant leur marque dans les conflits régionaux :

  • La Turquie a imposé ses drones Bayraktar comme un marqueur géopolitique dans le Caucase, en Afrique, et même dans l’Europe de l’Est, jusqu’à tordre les lignes de l’OTAN.
  • L’Iran, via les Shahed, a transformé une technologie rudimentaire en instrument stratégique low-cost, livré à la Russie, aux Houthis, au Hezbollah, et à des milices africaines.

La France, puissance technologique reconnue, n’a pas encore transformé sa recherche et développement en influence globale. Le retard sur une stratégie industrielle intégrée des drones, civils et militaires, affaiblit son poids dans les partenariats Sud-Sud et son attractivité en matière de défense.

L’arrivée d’un aviateur à la tête des armées pourrait donc être le prélude à une stratégie drone ambitieuse. Les indices s’accumulent :

  • Mandon a piloté l’une des plus grandes bases aériennes françaises (Avord).
  • Il a participé à des missions réelles dans des environnements hybrides (RDC, Tchad).
  • Il a dirigé le cabinet militaire du ministre, et connaît parfaitement les arcanes budgétaires.
De la guerre expéditionnaire à la guerre défensive de haute intensité : un changement d’ère

Sous le mandat de Burkhard, les armées françaises ont entamé leur transition doctrinale : passage d’un modèle de guerre asymétrique (Sahel, contre-insurrection, OPEX) vers la préparation à un affrontement de haute intensité contre un État technologique.

Cette mue appelle une nouvelle génération de chefs :

  • formés au combat réseau-centré,
  • habitués à l’interopérabilité OTAN,
  • et capables de piloter la «guerre avant la guerre», selon la formule de Burkhard.

Lucide, Burkhard a laissé à son successeur une grille de lecture opérationnelle : il faudra désormais «gagner la guerre avant la guerre», par la dissuasion, la démonstration de force, l’anticipation technologique, mais aussi la cohésion nationale, devenue centre de gravité et cible prioritaire de toutes les opérations d’influence.

En clair : il faut être prêt à encaisser, frapper, durer. Et pour cela, le ciel ne doit plus être un complément, mais un levier central.

Fabien Mandon est justement un homme du ciel et du politique :

  • Il a piloté l’une des plus grandes bases aériennes françaises (Avord).
  • Il a participé à des missions réelles dans des environnements hybrides (RDC, Tchad).
  • Il a dirigé le cabinet militaire du ministre, et connaît parfaitement les arcanes budgétaires.

Il incarne ce croisement entre la technicité opérationnelle et la proximité stratégique avec le chef de l’État. Cela lui donne les moyens d’accélérer la transformation capacitaire, notamment avec la mise en oeuvre d’une stratégie drone ambitieuse.

Nawfal Laarabi
Nawfal Laarabi
Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist 20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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