Importation et distribution de matériel et de produits agricoles : Le point

Au quartier Belvédère, les professionnels du secteur restent sur la réserve malgré les précipitations du mois de mars qui ne devraient pas perturber l’activité des commerçants en matériel et produits agricoles, à en croire les importateurs et distributeurs du secteur basés à Casablanca. Évoluant dans un secteur fragilisé par la crise du secteur agricole, qui connaît une raréfaction de l’eau depuis près de sept ans, ces professionnels restent partagés quant aux effets réels de ces pluies sur leur activité. Reportage.

Un optimisme prudent flotte dans cet îlot de plus d’une trentaine de commerces spécialisés dans l’importation, la distribution et la vente d’équipements et produits agricoles. Répartis autour de l’ancien marché à la criée, entre les boulevards d’Oujda et Abdellah Ben Yassine, à proximité du Théâtre Mohammed VI dans la capitale économique, ces professionnels observent la situation avec retenue.

Étroitement liés au secteur agricole, auquel ils fournissent une large gamme de produits — pompes, semences, tuyaux, vannes, désherbants, clapets, tracteurs, pulvérisateurs, atomiseurs, équipements d’irrigation, groupes électropompes immergés, matériel de manutention, de récolte et de fenaison, entre autres —, ils peinent à croire que les récentes pluies suffiront à relancer durablement leurs activités.

Un mirage, ni plus ni moins. Ici, presque tous s’accordent à dire que les dernières pluies n’auront pas d’effet immédiat sur leur activité. Beaucoup les perçoivent comme un mirage de plus, une illusion passagère à laquelle il vaut mieux ne pas trop s’attacher.

Sans céder au pessimisme, après plus de cinq années de conjoncture difficile, les importateurs et distributeurs restent lucides : l’heure n’est pas à l’euphorie, clament-ils.

« La rareté des pluies observée ces six dernières années a mis mon commerce dans une situation délicate », confie Mohamed, commerçant du quartier. Le visage marqué, visiblement affecté par la lente évolution de son activité, il avoue être à la croisée des chemins : « Je me demande s’il ne vaut pas mieux envisager autre chose. Les recettes stagnent, quand elles ne baissent pas carrément. »

D’après les professionnels interrogés sur place, c’est durant la crise du Covid 19 qu’un net coup d’arrêt a été ressenti dans l’activité de la plupart des commerçants. Hassan, importateur de matériel agricole, électrique et industriel, se souvient d’une véritable rupture : « À ce moment-là, nos ventes ont chuté brutalement de 60 %. »

Léger recul des coûts de transport

Pour lui, l’élément déterminant à l’origine de cette déroute est, au premier chef, la flambée des coûts de transport ayant abouti à des importations de plus en plus onéreuses donc de moins en moins rentables. « Avec pour conséquence que nos fournisseurs se font rares ».

Un point de vue partagé par son voisin, qui déplore, tous produits confondus, une baisse généralisée des ventes depuis quatre ans. « Avec l’apparition du coronavirus, la situation ne fait qu’empirer », confie-t-il. Il apporte néanmoins une nuance, dans la mesure où les coûts de transport semblent en légère baisse depuis, environ, sept mois.

semences graines maroc 3

Chez Moha, un autre vendeur, spécialisé dans les produits agricoles, la situation est encore plus alarmante. « Les ventes ont chuté d’environ 80 %. C’est d’autant plus préoccupant que les recettes étaient déjà faibles auparavant. Depuis sept ans, il n’y a quasiment pas d’eau, et dans ces conditions, les agriculteurs n’achètent ni engrais ni semences », explique ce quinquagénaire.

Dans sa boutique, on trouve bien plus que des semences et des tuyaux d’arrosage : il propose aussi des engrais et des produits phytopharmaceutiques — insecticides, herbicides, anti-limaces, inhibiteurs de germination, entre autres.

Démoralisé par la tournure que prend son activité, il confie réfléchir sérieusement à un changement de cap. « Beaucoup de commerçants du secteur songent à se reconvertir. Moi aussi, je commence à y penser. »

Actif dans la vente de produits agricoles pour une clientèle venant de toutes les régions du Maroc dont des engrais, semences, fongicides et désherbants pour lutter contre les limaces, les acariens…etc, un autre vendeur affirme être en dehors du coup. « Je suis vieux, très vieux. Qu’est-ce que ça me fait que ça marche ou pas, » lâche-t-il d’un ton désinvolte. 

Tout n’est pas si sombre

Malgré les difficultés, beaucoup d’entre eux persistent à croire pourtant que les choses finiront par s’améliorer et qu’il n’y a pas de raison de s’alarmer. « Nous ne sommes pas les seuls à plaindre ! », argumentent-ils. Toutefois, ils sont persuadés que les ventes du secteur ne devraient bénéficier que faiblement du retour de cette pluie qu’ils estiment insuffisante.

Si la plupart des commerçants du quartier affirment être touchés de plein fouet, un importateur de robinetterie industrielle — clapets, vannes, buses, raccords, vannes d’isolement — d’une trentaine d’années, gérant le commerce pour le compte de son père fait exception. 

Décontracté, souriant et quelque peu surpris par les jérémiades de ses camarades, il déclare : « Je ne me plains. Je peux même dire que la situation n’est pas aussi catastrophique », affirme-t-il. Explications : « ces équipements restent indispensables dans le secteur agricole, qu’il pleuve ou non, pour capter, transporter et distribuer l’eau d’une source vers ses plantations. Donc quand bien même il n’aurait pas plu, nos clients ont besoin de ces matériels pour ce type d’opération ».

Baisse de 18% des ventes de tracteurs agricoles neufs en 2024

Selon l’Association marocaine des importateurs de machinisme agricole (AMIMA), les ventes de tracteurs agricoles neufs ont accusé une nette baisse au cours de l’année écoulée.
« Avec seulement 718 tracteurs vendus cette année, le secteur enregistre une baisse significative de 18 % par rapport aux 874 unités vendues en 2023 », indique cette organisation qui représente plus de 90 marques de constructeurs internationaux et près de 140 agences de distributeurs à travers le Maroc. 
« Ce recul s’inscrit dans une tendance préoccupante, marquée par des baisses successives de 43 % en 2022 et 22 % en 2023, faisant chuter le marché des tracteurs agricoles à son niveau le plus bas depuis trois décennies et le divisant de près de 10 fois en 16 ans », fait remarquer l’AMIMA sur son site internet.

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