La guerre de tranchées continue entre Youness Moujahid et Khalil Hachimi Idrissi

La nouvelle est tombée ce mercredi et c’est une première. Le Conseil National de la Presse présidé par Youness Moujahid retire la carte de presse à Khalil Hachimi Idrissi, directeur général de l’agence officielle MAP, pour une durée d’une année. Maghreb Intelligence qui a rapporté l’information en exclusivité, qualifie cette décision de «séisme dans le milieu médiatique et de la presse au Maroc». Si la motivation officielle de ce verdict inédit du CNP est le contenu jugé diffamatoire d’un livre édité par la MAP, la réalité des faits est plus complexe. Il s’agit d’un nouvel épisode d’une «guerre de tranchées» entre les deux rivaux de la presse nationale, Youness Moujahid et Khalil Hachimi Idrissi.

Préparez votre bol de popcorn, le récit est autant croustillant que désolant!

Juin 2018, à l’occasion de la constitution du Conseil National de la Presse, une lutte d’influence entre le clan Youness Moujahid et celui de Khalil Hachimi Idrissi éclate au grand jour.

Acte 1 : Constitution du CNP

Le DG de la MAP soutenu par la majorité de ses journalistes, par Nourredine Miftah, Président de la FMEJ et par Ali Bouzerda et Abdessamad Bencherif, respectivement têtes de listes candidates «Le Changement» et «Fidélité et responsabilité», a vigoureusement accusé le SNPM, représenté par le duo Abdallah Bakkali et Youness Moujahid, de verrouiller les élections du CNP en faveur de la liste que soutient le syndicat, à savoir celle de Hamid Saâdni «Liberté, probité et professionnalisme».

Khalil Hachimi Idrissi va pousser ses journalistes de la MAP à déposer plainte en référé auprès du tribunal administratif de Rabat afin d’invalider l’opération d’élection des membres du Conseil national de la presse. Une plainte qui sera rejeté par le tribunal qui s’est déclaré incompétent. Débouté également en appel, le clan MAP décide de boycotter ces élections.

Les protagonistes vont continuer à se harponner par communiqués interposés, même après l’annonce des résultats en faveur de la seule liste en course, celle de Hamid Saâdni qui comprend tous les ténors du Syndicat de la presse.

Acte 2 : Élections des instances du CNP

Le jeudi 4 octobre 2018, la veille des élections des instances du CNP, Khalil Hachimi Idrissi publie l’un de ses communiqués les plus virulents contre des confrères. Il décrit le binôme Younes Moujahid et Abdallah Bekkali «d’individus disqualifiés moralement et discrédités sur le plan déontologique». Encore plus grave, il les met dans le même sac que les membres de la Fédération Internationale des Journalistes en les accusant d’être «au service d’un agenda «étranger» !

«Ces individus ont toujours été au service d’un agenda étranger» a écrit le DG de la MAP dans son communiqué. 

CP MAP 041018

L’offensive à l’arme lourde de Khalil Hachimi Idrissi n’a pas eu l’effet escompté. Le lendemain, soit le vendredi 05 octobre 2018, les membres du CNP élus en juin, se sont réunis au siège du ministère de la Culture et de la Communication, en présence du ministre Mohamed Laaraj, et ont élu Youness Moujahid président du Conseil National de la Presse pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.

Acte 3 : Abdellah Bekkali accuse Khalil Ahchimi Idrissi de dilapidation de deniers publics

Le 9 mai 2019, lors d’une conférence de presse donnée à Tanger, Abdellah Bekkali, président du SNPM aurait accusé Khalil Hachimi Idrissi de dilapidation de deniers publics, entre autres. Le journaliste d’Assabah, rapporte ces propos dans un article publié sur les colonnes du quotidien arabophone. Il n’en fallait pas plus pour que le patron de la MAP porte plainte. D’abord devant le tribunal de première instance de Rabat contre Bekkali et Ramchi, le 27 juin 2019. Six mois plus tard, le tribunal donne son verdit et décide, le 14 janvier 2020, de rejeter la plainte pour vices de forme. Khalil Hachimi Idrissi dépose une deuxième plainte à Casablanca contre le président du SNPM, le journaliste et le directeur de publication du groupe Eco Media, Abdelmounaïm Dilami. Ce n’est que le 5 juillet 2021, soit dix-huit mois plus tard que le verdict est tombé: Abdellah Bekkali est innocenté alors que Dilami et Ramchi sont condamnés pour diffamation à une amende de 10.000 dirhams chacun et 1.000 dirhams chacun au titre des dommages profit du plaignant. Abdellah Bekkali s’en sort miraculeusement.

Acte 4 : Cartes de presse professionnelles «made» par la MAP

Ne s’avouant pas vaincu, le patron de la MAP va tenter en mars 2020, un «forcing» pour s’émanciper du CNP. Dès les premières semaines de l’avénement de la pandémie et peu content de la délivrance des cartes de presse à ses journalistes par le Conseil de Moujahid, il annonce dans une dépêche officielle qu’il allait lancé sa propre carte de presse professionnelle. Encore une fois il ne va pas y aller de main morte. Il va justifier sa démarche inédite par le fait que le CNP est «une association non constitutionnelle, et dans laquelle la MAP n’a le statut ni d’électeur ni d’éligible».

«Les conditions exigées par le Conseil national de la presse (CNP) , — une association non constitutionnelle, et dans laquelle la MAP n’a le statut ni d’électeur ni d’éligible— pour délivrer la carte de presse, ne sont pas opposables à des journalistes du service public qui demeurent régis par le code de la fonction publique et du statut de la MAP conformément à l’art. 3 de la loi 13-89 du journaliste professionnel.» souligne la dépêche.

«(..) c’est la carte de presse professionnelle de la MAP qui prévaut pour les journalistes de l’Agence marocaine de presse à l’exclusion de tout autre carte» s’insurge le DG de l’agence.

Le lendemain, mardi 24 mars, Youness Moujahid répond à cette décision de Khalil Hachimi Idrissi avec autant de virulence. Le président du CNP affirme que «la MAP n’a le statut ni d’électeur ni d’éligible dans le CNP pour délivrer la carte de presse aux journalistes du service public».

Il estime que cette décision constitue une « violation flagrante de la loi 90.13, portant création du CNP, et en particulier de son article 2, qui stipule que l’octroi de la carte de presse professionnelle est du ressort exclusif du Conseil».

«Il est donc faux de prétendre que les journalistes de l’agence ont été privés de leur carte de presse, un paralogisme avancé par la direction de l’agence pour “justifier” sa décision de produire une carte de presse alternative, en violation flagrante de la loi» fustige le communique du CNP.

Acte 5 : Suspension de l’édition et de la distribution des journaux en raison de la pandémie

Le 25 mars, le jour où le CNP s’est réuni pour adopté en plénière le règlement intérieur du régulateur de la profession, Khalil Hachimi Idrissi va attaquer le Conseil encore une fois pour remettre en cause son appel à la suspension de l’édition et de la distribution des journaux en raison du coronavirus.

L’attaque n’a pas réussi à faire couler le CNP, puisque deux mois plus tard, le 11 mai 2020, le règlement intérieur du Conseil sera entériné par décret du Chef du Gouvernement avant d’être publié au dernier Bulletin officiel (numéro 6885 du 25 mai 2020).

Le décret publié, Youness Moujahid se met enfin sur selle pour traiter les affaires relatives à la déontologie ou concernant la médiation et l’arbitrage dont il est saisi. Il ne manquera pas d’ailleurs, sept mois plus tard d’appliquer ses prérogatives sur celui qui voulait sa peau, Khalil Hachimi Idrissi.

Acte 6 : Le Syndicat national de la presse marocaine étrille la MAP

Juin 2021, Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) dirigé par Abdellah Bakkali, allié de Youness Moujahid au sein du CNP, publie un rapport cinglant sur le travail syndical au sein de la MAP durant la période 2019-2021.

Khalil Hachimi Idrissi réplique par une dépêche officielle violente. «Le SNPM n’est pas présent à la MAP car ce syndicat a été incapable de faire élire des délégués. Pas un seul. Nous le mettons au défi de produire un quelconque récépissé légal de constitution. La direction ne peut pas recevoir un syndicat fantôme qui n’a pas une existence légale et formelle en son sein», a-t-il écrit.

Pour le patron de la MAP, le SNPM et ses dirigeants actuels ( Bakkali et Moujahid, ndlr) sont «des hommes du passé pour ne pas dire du passif. Ils ont transformé ce syndicat en rente personnalisée et en officine politique misérabiliste gérée dans l’opacité la plus complète».

Et d’ajouter, «Les syndicalistes honnêtes et authentiques ont été marginalisés. Les responsables actuels, et à leur tête Abdellah Bakkali, que le DG de la MAP a trainé devant la justice pour diffamation, ont conduit ce syndicat au naufrage et à la perte de ses positions, autrefois solides, dans de nombreuses institutions médiatiques».

Acte 7 : Youness Moujahid retire la carte de presse à Khalil Hachimi Idrissi

Youness Moujahid attendra le moment opportun pour enclencher une nouvelle salve contre le patron de la MAP.

Les remous suscités suite à l’édition du livre « Figures de la presse marocaine » par l’agence de presse ont été du pain béni pour le Président du CNP. Tous les griefs du duo Moujahid/ Bekkali y sont rassemblés : mal utilisation des derniers publics, copinage et soupçons de diffamation.

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Youness Moujahid va oser l’impensable. Il décide de retirer la carte de presse au DG de l’agence de presse officielle du Royaume, nommé par le Souverain. Du jamais vu!

Techniquement, Khalil Hachimi Idrissi n’a plus le droit d’exercer sa profession de journaliste durant une année entière. La sanction notifiée à Khalil Hachimi Idrissi ce mercredi 9 février 2022 comprend en plus du retrait de la carte de presse, une amende de 50.000 dirhams.

Dès sa publication, le livre incriminé par le CNP a suscité beaucoup de réactions passionnées. Et pour cause, l’auteur a signé un ouvrage où il a autant distribué d’hommage que de coups de chicotte (Expression empruntée de Jeune Afrique).

En décalage avec sa mission de médiateur de la MAP où il est sensé favoriser le débat et la réflexion sur l’éthique et les bonnes pratiques de la profession, Driss Ajbali assume le fait d’avoir «écarter la méthode scientifique pour laisser libre cours à une subjectivité assumée tout au long de son travail de rédaction du livre».

Feu Fahd Yata : « Figures de la presse marocaine » ou les élucubrations subjectives d’un pâle biographe…

Feu Fahd Yata, n’a pas été particulièrement amusé par le récit de Driss Ajbali financé par son ami Khalil Hachimi Idrissi. Le 13/08/2021, il publie un article pour lequel il a choisi un titre qui résume tout le mal qu’il pensait du livre : « Figures de la presse marocaine » ou les élucubrations subjectives d’un pâle biographe

Fahd Yata s’est demandé si l’objectif de l’auteur n’était autre que «de faire la part entre “les copains et les coquins”, au gré de ses amitiés, de ses préférences idéologiques, de ses partis-pris et de sa subjectivité».

«Bien évidemment, tous ceux affublés de qualificatifs laudateurs, d’une titraille bassement racoleuse, y trouveront leur compte, tandis que les autres n’y comprendront que bassesse et insignifiance, voyant dans cet ouvrage une machine à régler des comptes, parfois anciens…» s’est-il indigné.

Anis Hajjam : La MAP et la mémoire broyée

L’ancien animateur télé Anis Hajjam, n’a pas manqué d’exprimer lui aussi son étonnement à la lecture du livre de la MAP.

Dans un article publié sur les colonnes de L’Opinion, Anis Hajjam corrige les erreurs et approximations de sa propre biographie parue sur l’ouvrage de Driss Ajbali. «– moi qui ne suis pas né en 1961, moi qui n’ai pas démarré ma carrière à la RTM, moi qui n’ai jamais été membre du jury de Studio 2M, moi qui ne «trainais» pas dans toutes les manifestations et festivals de cinéma, moi qui ne me consacre pas à l’écriture journalistique que récemment, moi qui ne traite pas que de musique…» s’est-il offusqué.

Et d’ajouter «Dommage pour une publication, validée par la MAP, censée servir de référence pour de futures générations amenées à faire des recherches sur le journalisme marocain d’avant et d’hier». 

Anis Hajjam estime que l’ami Khalil Hachimi Idrissi (Driss Ajbali, ndlr) qui qualifie cette belle oeuvre ratée de «travail herculéen» a dû s’arrêter au dénombrement (non exhaustif et parfois insensé) des personnes, pas en fonction de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ont donné ou à quoi ressemblait leur parcours.

«Dommage pour un spécialiste du ton que j’ai connu à Paris, dans une autre vie, comme producteur et manager des Frères Bouchnak» a-t-il lancé.

Khalil Hachimi Idrissi Bouchenak

Mustafa Elfanne : Les décisions du CNP comportent une menace pour l’État

Inattendue et choquante, la décision du CNP de retirer la carte au Patron de la MAP a tétanisé les commentateurs. Si Ridouane Erramdani s’est contenté d’écrire la phrase suivante sur son sa page Facebook : «Conseil militaire de la presse…», son confrère Mustafa Elfanne va s’insurger contre le Conseil de Youness Moujahid.

Sur sa page Facebook, Elfanne va se lancer dans une tirade pour laquelle il choisira la chute suivante : «Les décisions rendues par le Conseil menacent l’Etat…».

«Je ne dirai pas que ces décisions ont été rendues en dehors de la loi, hors de la constitution, hors de l’histoire et hors de la géographie. Je dirai plutôt qu’il faut remercier Dieu tout puissant car ce Conseil “souverain” n’a pas assorti ces lourdes peines contre ces journalistes d’une autre peine qui les prive

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