C’est un tournant discret mais lourd de sens dans la géopolitique du Maghreb : pour la première fois, la Russie s’aligne explicitement sur une lecture du droit international qui n’entrave pas le règlement de la question du Sahara marocain. Un changement de posture majeur pour un pays longtemps perçu comme penché du côté algérien, héritage d’un tropisme idéologique hérité de la guerre froide et d’une méfiance systémique envers les alliés occidentaux du Royaume.
Dans un monde recomposé où les équilibres d’influence se redessinent, l’ours russe choisit désormais le pragmatisme. La montée en puissance du Maroc diplomatique, économique et stratégique, s’impose comme une réalité que même Moscou ne peut ignorer. En face, Nasser Bourita, visage d’une diplomatie marocaine décomplexée, a su inscrire ce rapprochement dans la continuité d’une vision royale claire et d’un soft power national mûri par deux décennies de constance institutionnelle.
Reste une question centrale : la Commission mixte Maroc–Russie peut-elle devenir la porte de sortie diplomatiquepermettant à Moscou de soutenir, même implicitement, le plan d’autonomie marocain sous l’égide des Nations unies ?
Le Maroc et la Russie ont réaffirmé leur convergence de vues sur la question du Sahara marocain, soulignant que le droit international ne saurait être interprété d’une manière qui freine la recherche d’une solution politique réaliste et pragmatique
Lors d’une conférence de presse tenue à Moscou à l’issue de ses entretiens avec son homologue russe Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a déclaré que les deux pays partagent la conviction que “les principes du droit international doivent guider la recherche de solutions, et non être utilisés pour en bloquer la mise en œuvre”.
Cette déclaration intervient alors que la Russie assure, en octobre, la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies, qui doit examiner le dossier du Sahara dans les prochaines semaines. M. Bourita a rappelé que “la dynamique actuelle autour de la question du Sahara, impulsée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a conduit à une évolution notable des positions internationales, qui mérite d’être pleinement prise en compte”.
Le ministre a qualifié la Russie “d’acteur essentiel” dans ce dossier, à la fois comme membre permanent du Conseil de sécurité et comme membre du Groupe des pays amis du Sahara marocain. Il a indiqué que les discussions bilatérales à ce sujet “se poursuivront dans les prochains jours”, dans un esprit de concertation et de respect mutuel.
«Il s’agit d’un dialogue qui n’est dirigé contre personne, mais qui vise à renforcer la paix et la stabilité régionales», a souligné Nasser Bourita.
De son côté, Sergueï Lavrov a confirmé la position russe, affirmant que Moscou et Rabat partagent la vision selon laquelle “les principes internationaux doivent être interprétés et appliqués dans leur intégralité et leur interdépendance, sans approche sélective”.
Les deux ministres ont également mis en avant le rôle que jouent leurs pays respectifs dans les équilibres régionaux, tant dans le monde arabe qu’en Afrique, estimant que le dialogue russo-marocain contribue à la stabilité et au rapprochement des points de vue.