L’activiste marocaine Mayssa Salama Ennaji, présidente du think tank NeoMoroccans, a officialisé dans une vidéo intitulée « Être ou ne pas être » sa décision de se porter candidate aux élections législatives prévues en 2026.
Un engagement né de l’adversité
Dans cette annonce, elle explique avoir longtemps hésité, allant jusqu’à envisager la création d’un parti politique, projet suspendu faute de moyens humains et financiers. Elle confie avoir traversé une période de découragement, face à un paysage politique qu’elle décrit comme dominé par une élite technocratique et économique «accaparant les institutions», laissant le peuple « entre ses griffes ».
Mais les attaques dont elle dit avoir fait l’objet l’ont poussée à reconsidérer son retrait. Selon ses propos, certains islamistes et opposants auraient orchestré une campagne de dénigrement et de diffamation à son encontre, lui reprochant son indépendance, son style de vie et ses prises de position.
« À l’approche de la campagne électorale… je me suis retrouvée au cœur d’une campagne de diffamation, menée par des islamistes et certains détracteurs, parce qu’ils ont vu dans les photos et vidéos que je publiais… une bataille électorale, une atteinte au cœur de leur référentiel et de leur idéologie. » s’est-elle confiée.
Si Mayssa Salama Ennaji s’est gardée de citer des noms dans sa vidéo, son propos renvoie clairement à une séquence survenue cet été, lorsqu’elle avait été au centre d’une polémique alimentée par Abdelilah Benkirane, ancien chef du gouvernement et leader du PJD, ainsi que par les journalistes Taoufik Bouachrine et Noureddine Lachaheb.
Entre indépendance et option progressiste
Face à ce qu’elle qualifie de tentative d’ « assassinat moral » avant l’heure de la campagne, Mayssa Salama Ennaji dit avoir choisi de transformer l’adversité en énergie politique. « Chaque attaque me donne plus de force, chaque tentative d’effacement me pousse à vouloir exister davantage », affirme-t-elle.
« Plus leurs attaques s’intensifiaient, plus elles me donnaient de l’énergie. Plus ils voulaient que je ne sois pas, plus ils renforçaient en moi le désir d’être. C’est pour cela que j’ai intitulé la vidéo : Être ou ne pas être. » a-t-elle martelée.
Elle envisage ainsi de se présenter comme indépendante, si les conditions le permettent, ou d’intégrer un parti progressiste partageant ses convictions, en citant notamment le Parti du progrès et du socialisme (PPS) dirigé par Nabil Benabdellah. Elle précise toutefois qu’une éventuelle adhésion à une formation politique serait conditionnée par le respect de son autonomie, de sa liberté de parole et de son authenticité.
« Je me présenterai comme indépendante, si les conditions sont réunies et que je le peux, ou bien je chercherai un parti proche de mes idées, de mes orientations et de ma vision. Le parti de Nabil Benabdellah, le Parti du progrès et du socialisme, peut-être. Jusqu’à présent, je n’ai parlé à personne, et vous êtes les premiers à apprendre cette décision, ici et maintenant. Peut-être m’accepteront-ils, ou tout autre parti progressiste et moderniste qui croit au droit, à la liberté et à la justice sociale, à condition que je reste indépendante, hors de toute tutelle ou contrôle sur ma pensée, ma parole ou mes actes, et que je garde ma personnalité, ma spontanéité, mes images, avec la musique et la mer. » a-t-elle annoncé.
Une candidature qui pourrait transformer les législatives 2026
Après dix-sept ans d’engagement dans le débat public et de direction d’un centre de réflexion, Mayssa Salama Ennaji estime avoir atteint une maturité politique et une vision à défendre au sein du Parlement, voire du gouvernement.
Elle trace également la ligne directrice de sa candidature : refuser le silence et occuper pleinement l’espace politique. « L’essentiel est que je ne me tairai pas durant cette campagne électorale et que je ne leur laisserai pas le terrain… je tenterai de leur faire entendre ma voix depuis l’intérieur même du Parlement », affirme-t-elle, transformant ainsi son engagement virtuel sur les réseaux sociaux en ambition institutionnelle.
Alors que les élections s’annoncent ternes, avec la perspective d’un nouveau record d’abstention nourri par la pauvreté de l’offre politique et les scandales qui ont terni l’image des élus — dans un contexte où la campagne de moralisation conduite par l’État a conduit à l’incarcération d’un nombre inédit de responsables —, l’irruption d’une voix disruptive comme celle de Mayssa Salama Ennaji pourrait redonner de l’intérêt à la compétition. Sa participation pourrait être perçue comme un élément capable d’apporter un nouveau souffle aux prochaines élections, de susciter la curiosité d’un électorat souvent indifférent, et d’ouvrir la voie à d’autres personnalités issues des réseaux sociaux ou de la société civile à franchir, elles aussi, le pas de l’engagement électoral.