La dépêche de l’AFP datée du 26 septembre dresse un tableau surprenant mais soigneusement cadré : Bolloré, Stérin, Pigasse et, en arrière-plan, Arnault et Saadé. Elle nous parle de milliardaires qui, à visage découvert, investissent l’arène politique et médiatique. Mais derrière l’apparente neutralité journalistique, difficile de ne pas déceler une intention : alerter sur un basculement des rapports de force, comme si l’ombre d’un « trumpisme à la française » commençait à planer.
Ce que l’AFP veut distiller
Le fil est clair :
- Des noms choisis : l’AFP ne cite pas tous les grands patrons mais met en avant ceux qui incarnent soit le conservatisme (Stérin, Bolloré), soit la contre-offensive culturelle de gauche (Pigasse). L’opposition est mise en scène.
- Une dramatisation contrôlée : « raidissement », « guerre de l’influence », « chaise vide »… le vocabulaire n’est pas neutre, il cherche à signaler un tournant.
- Une grille de lecture : ces milliardaires seraient des perturbateurs d’un jeu démocratique déjà fragile, capables de court-circuiter les partis et d’installer leurs propres agendas.
L’angle, finalement, prépare les esprits à une idée : la politique française, en crise de crédibilité, devient un terrain ouvert aux puissances privées.
Le timing politico-judiciaire
L’AFP publie ce papier quelques heures après la condamnation de Nicolas Sarkozy à une peine de prison ferme. Pur hasard éditorial ? Peu probable. La concomitance nourrit une lecture plus large :
- L’ancien monde politique vacille – la justice met à terre un ancien président, les partis n’offrent plus de relais solides.
- Les grandes fortunes prennent le relais – comme si, face à la décomposition, elles s’avançaient elles-mêmes dans l’arène.
- Un message implicite – si la politique traditionnelle est déconsidérée, c’est aux « puissants » de structurer l’avenir, pour le meilleur ou pour le pire.
Le spectre du trumpisme en France
La référence américaine est sous-jacente : un homme d’affaires milliardaire, contre-establishment, qui s’impose politiquement quand le système politique est discrédité. L’AFP suggère un danger potentiel sans jamais le nommer :
- Une vague « à la Trump » qui verrait des fortunes créer directement leur offre politique.
- La peur d’un scénario où les élites économiques ne se contentent plus de financer mais de décider.
- Une interrogation en filigrane : le « deep state » français tremble-t-il devant une configuration politique qu’il ne pourrait plus contrôler ?
Un paysage en recomposition
Au-delà des postures, la dépêche met au jour une recomposition :
- La droite et l’extrême droite nourries par Stérin et Bolloré.
- La gauche qui cherche son financier en Pigasse.
- Les centristes et « grands équilibristes » (Arnault, Saadé) qui misent sur les médias et les batailles fiscales.
Mais tous se retrouvent sur un point : l’investissement massif dans la bataille culturelle et médiatique, perçue comme le véritable levier d’influence politique.
Questions ouvertes
- La déconfiture des partis et le discrédit de la classe politique française ont-ils ouvert un boulevard aux fortunes privées ?
- Ces milliardaires veulent-ils protéger leurs intérêts économiques ou imposer une nouvelle configuration politique ?
- La France se dirige-t-elle vers une « américanisation » de sa vie publique, où l’argent remplace les relais politiques traditionnels ?
- Le « deep state » français, incarné par les hauts fonctionnaires, magistrats et appareils institutionnels, est-il en train de perdre le contrôle du jeu politique au profit des magnats ?