Paru dans L’Express sous la plume de Frédéric Encel, géopoliticien réputé, l’article intitulé « Mohammed VI ou le courage d’une diplomatie modérée » est bien plus qu’un hommage appuyé : c’est un plaidoyer documenté pour une conception raisonnée du pouvoir, à rebours des fureurs et des postures belliqueuses qui gangrènent le monde arabo-musulman.
Encel convoque une galerie de portraits historiques – de Saddam Hussein à Nasrallah, de Khamenei aux Assad – pour souligner la dissonance marocaine : pendant que d’autres menacent, hurlent, fanatisent et échouent, le roi du Maroc agit, ajuste, équilibre, gagne. Le contraste est saisissant. Dans un concert de vociférations géopolitiques où les rodomontades sont monnaies courantes, le souverain chérifien choisit la nuance, la patience stratégique et l’ouverture calculée.
Une diplomatie de la maturité
Le cas paradigmatique évoqué par l’auteur est celui du rapprochement avec Israël, à travers les Accords d’Abraham. Loin d’une soumission aveugle à des intérêts étrangers ou d’un reniement des causes sacrées du monde arabe, Mohammed VI a su jouer une partition complexe : obtenir la reconnaissance américaine du Sahara marocain, consolider ses liens avec Tel-Aviv, tout en continuant à défendre de manière constante une solution à deux États et la cause palestinienne, dans ses dimensions diplomatiques et humanitaires.
Ce positionnement exige une rare maîtrise des équilibres et une audace feutrée : Frédéric Encel parle de « pondération voulue constructive », un oxymore qui résume parfaitement la signature géopolitique marocaine.
Réformisme intérieur et cohérence stratégique
L’analyse ne s’arrête pas aux seuls faits d’armes diplomatiques. L’auteur rappelle qu’à l’intérieur du royaume, la même logique modérée et résolue prévaut. La réforme du code de la famille (Moudawana), lancée un an à peine après les attentats islamistes de Casablanca en 2003, illustre une réponse stratégique aux extrémismes : ne pas céder, mais transformer le choc en levier de modernisation.
Autre exemple : la Constitution de 2011, qui inscrit côte à côte les dimensions culturelles arabe, amazighe et juive, dans un monde où l’ethnicisme et l’antisémitisme deviennent des instruments de domination politique. Le Maroc trace là encore une voie singulière, courageuse, humaniste – et totalement en phase avec les standards d’un État du XXIe siècle.
Une vision “talleyrandienne” du leadership
Frédéric Encel convoque enfin Talleyrand, le génie diplomatique français, pour conclure que « tout ce qui est excessif est négligeable ». Mohammed VI, sans jamais tomber dans l’excès ni dans l’esbroufe, s’impose aujourd’hui comme une figure d’autorité sereine et de stratégie intelligente dans un monde saturé d’imprécations.
Cette vision d’un Maroc non aligné, autonome dans ses choix militaires comme économiques, rappelle les trajectoires d’autres puissances émergentes : l’Inde, le Vietnam… Une souveraineté tranquille, mais assurée.
Un hommage qui dépasse le simple portrait
L’article de L’Express n’est pas une hagiographie. Il est une lecture géopolitique de la méthode Mohammed VI, portée par une plume française respectée, qui reconnaît dans la monarchie marocaine un pôle de stabilité, de finesse stratégique et de projection vers l’avenir. À l’heure où tant de nations succombent à la tentation du fracas, Rabat semble cultiver une autre école : celle de la constance dans la subtilité.