Deux des voix les plus puissantes du paysage audiovisuel égyptien, Amr Adib et Ahmed Moussa, ont lancé en l’espace de quelques heures des mises en garde énigmatiques mais lourdes de sous-entendus. À l’unisson, ils préviennent : l’Égypte serait à la veille de bouleversements majeurs.
Des avertissements inhabituels
Dans son émission, Amr Adib s’est adressé directement à ses téléspectateurs avec un ton grave :
« الناس بتقول فيه حاجة مهمة هتحصل في البلد اليومين الجايين، خدوا بالكم »
(“Les gens disent qu’il va se passer quelque chose d’important dans le pays dans les prochains jours. Faites attention.”)
Et de préciser dans une autre séquence :
« كفاية بقى، تعبت والله، الدنيا والناس بتبني وتستثمر وتخترع، وإحنا قاعدين في البلاء، ده مش عقل بلد جمعي يمشي لقدام، عايز تجيب عاليها واطيها يعني؟! »
« Ça suffit maintenant, je suis épuisé, vraiment. Le monde avance, les gens construisent, investissent, innovent… et nous, on reste englués dans les malheurs. Ce n’est pas une mentalité collective qui peut faire progresser un pays ! Tu veux vraiment tout faire exploser, tout renverser ? »
Adib ne nie pas que quelque chose puisse arriver, mais critique le climat d’angoisse collective, qu’il juge délétère et contre-productif pour un pays en quête de stabilité. Proche à la fois des sphères saoudiennes et égyptiennes, il semble vouloir calmer le jeu tout en laissant planer le doute : et si, malgré tout, quelque chose se préparait ?
Quelques heures plus tard, Ahmed Moussa renchérit dans son propre programme :
« كله يركز في المرحلة القادمة، عشان فيه تغييرات في المواقف قد تُصيب البعض بصدمة بسبب بعض الإجراءات الخارجية… الأمور قد يكون لها تداعيات خطيرة »
(“Il faut que tout le monde reste concentré sur la période à venir. Des changements de position risquent de choquer certains en raison de décisions extérieures. Cela pourrait avoir de graves conséquences.”)
Pourquoi ces avertissements maintenant ?
Si ces deux présentateurs vedettes s’expriment de manière aussi coordonnée, ce n’est jamais un hasard. Dans un paysage médiatique étroitement encadré par l’État, leurs paroles sont souvent interprétées comme des signaux anticipés d’une communication politique ou sécuritaire imminente.
Le contexte régional donne de la consistance à leur inquiétude : escalade militaire à Gaza, tensions en mer Rouge, instabilité au Soudan et rumeurs persistantes autour d’un remaniement géopolitique majeur impliquant les pays du Golfe et Israël. À cela s’ajoute une pression économique intérieure palpable : inflation, pénuries ciblées, et rumeurs de nouvelles mesures d’austérité.
Un brouillard d’incertitude
Ce qui intrigue, c’est la formulation volontairement floue de leurs propos. Ni l’un ni l’autre ne précise la nature de la «menace». Est-ce un avertissement sécuritaire ? Une alerte économique ? Une crise diplomatique à venir ? Un message destiné à préparer psychologiquement l’opinion à une annonce impopulaire ? Tout reste possible.
Ce que l’on sait… et ce que l’on ignore
- Ce que l’on sait : Une déclaration politique, sécuritaire ou économique majeure pourrait intervenir dans les jours à venir.
- Ce que l’on soupçonne : Il pourrait s’agir d’une décision gouvernementale impopulaire ou d’un repositionnement stratégique de l’Égypte dans les crises régionales.
- Ce que l’on redoute : Un événement sécuritaire d’ampleur ou un effondrement financier nécessitant un soutien externe urgent.
Quand deux piliers de la propagande télévisuelle parlent d’« événements majeurs » à venir sans en dévoiler la teneur, c’est que quelque chose se trame au sommet. Le silence en dit souvent plus que les mots. Pour les Égyptiens, il ne reste plus qu’à attendre… et à rester sur leurs gardes.