Le prestigieux prix Sokolov pour la presse écrite a été décerné à deux journalistes du quotidien Haaretz, Yehoshua (Josh) Briner et Nir Hasson. Cette distinction majeure, attribuée par la municipalité de Tel-Aviv-Jaffa, vient saluer le courage et l’intégrité d’un média qui, à rebours de la majorité du paysage médiatique israélien, continue de dénoncer sans relâche les dérives du pouvoir et de donner une voix aux oubliés.
Haaretz, un contre-pouvoir face à Netanyahou
Le jury a mis en avant l’apport déterminant de Josh Briner, dont les enquêtes ont révélé les « graves dysfonctionnements de l’appareil judiciaire » et mis en lumière les manquements du ministère de la Justice et du ministre en charge, Benjamin Netanyahou. Dans un environnement médiatique marqué par les pressions politiques, Haaretz demeure l’un des rares journaux à placer la liberté d’expression, l’État de droit et les droits humains au cœur de l’agenda public.
La distinction a suscité des réactions timides en Israël. La plus remarquée est celle du journaliste Ravid Barak qui a salué le choix du jury sur X (ex-Twitter), écrivant :
« Très réjouissant. Je ne peux pas penser à deux journalistes plus méritants, surtout au cours de l’année écoulée. Immenses félicitations à Josh Breiner et Nir Hasson. »
Donner un visage au drame de Gaza
Nir Hasson, lui, a été récompensé pour une écriture jugée « professionnelle et courageuse », notamment pour avoir choisi, à la suite des attaques du 7 octobre, de porter un regard également sur les civils de Gaza. Dans un contexte où la majorité des médias israéliens s’interdisent d’aborder la souffrance des Palestiniens, Hasson a maintenu une ligne claire : raconter la réalité d’une population prise dans la guerre.
En honorant Briner et Hasson, le Prix Sokolov consacre deux trajectoires individuelles remarquables. Mais la portée symbolique donnée à Haaretz reste paradoxale. Dans une société israélienne qui se droitise et où le discours sécuritaire domine, le journal apparaît de plus en plus marginal, parfois inaudible au sein même de son opinion publique.
Toutefois, il n’est pas interdit d’espérer que cette distinction soit un signal. Le fait de récompenser des journalistes qui choisissent de rappeler la dignité des victimes gazaouies et de dénoncer les abus de pouvoir laisse entrevoir, à défaut d’un basculement immédiat, la possibilité d’un frémissement. Peut-être que ce prix, à sa manière, marque la prémisse d’un débat inter-israéliens qui s’ouvrira tôt ou tard et qui pourrait contribuer à mettre un terme à une guerre atroce.