L’une des institutions artistiques les plus prestigieuses au monde, l’Opéra Metropolitan de New York – Met, a trouvé une issue inédite à la plus grave crise financière de ses 142 années d’histoire. Selon le New York Times, la maison new-yorkaise a signé un accord avec l’Arabie saoudite qui en fera la troupe résidente de la future Royal Diriyah Opera House, prévue pour 2028, et qui garantira trois semaines de représentations chaque hiver à Riyad.
Un souffle financier de plus de 200 millions de dollars
Depuis la pandémie, le Met a dû puiser plus de 120 millions de dollars dans son fonds de dotation, dont 50 millions pour financer la saison achevée en juin dernier. Ces retraits massifs ont fait craindre l’asphyxie d’un modèle déjà fragilisé par la baisse des recettes de billetterie et la difficulté à mobiliser de nouveaux mécènes.
L’accord avec Riyad devrait changer la donne. Bien que les détails financiers n’aient pas été publiés officiellement, des sources proches du dossier évoquent plus de 200 millions de dollars injectés sur huit ans. Une manne qui, selon Peter Gelb, directeur général du Met, couvrira une large part des besoins financiers de l’institution jusqu’en 2032. « C’est le bon choix, car il renforcera le Met, financièrement et artistiquement », a-t-il déclaré.
Diriyah, nouvelle scène mondiale de l’opéra
Le partenariat place l’Arabie saoudite au centre de la carte culturelle mondiale. Le complexe lyrique de Diriyah, d’un coût estimé à 1,4 milliard de dollars et s’étendant sur 11 acres, incarne les ambitions du royaume dans le cadre de sa Vision 2030. Pendant cinq ans, le Met y présentera des classiques tels que La Bohème de Puccini ou La Flûte enchantée de Mozart, en février, période de trêve à New York.
Le programme inclut également la formation de talents saoudiens – chanteurs, musiciens, metteurs en scène, décorateurs – à New York, ainsi que la commande d’une nouvelle œuvre au compositeur britannique Jonathan Dove, inspirée de la cité historique d’Al-Ula.
Pour Riyad, ce rapprochement avec l’opéra new-yorkais est une nouvelle illustration de son soft power culturel. Après le sport, le tourisme et l’art contemporain, le royaume investit dans la musique classique afin d’élargir son image et d’accélérer l’apprentissage d’un savoir-faire musical. Paul Pacifico, directeur de la Commission saoudienne de la musique, résume : « Ce partenariat nous permet de bénéficier de l’expertise du Met dès le premier jour. »
Des critiques persistantes, mais un soutien institutionnel
La décision ne fait toutefois pas l’unanimité. Des ONG, notamment liées à la mémoire de Jamal Khashoggi, dénoncent un « blanchiment culturel » destiné à améliorer l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane. Le Met, qui s’était illustré par son soutien à l’Ukraine et sa rupture avec le Bolchoï de Moscou, assume ici une logique différente. Peter Gelb reconnaît « un événement horrendous » à propos de l’affaire Khashoggi, mais affirme devoir « mettre la survie de l’institution avant ses sentiments personnels ».
Aux États-Unis, le conseil d’administration du Met a approuvé à l’unanimité l’accord, et les syndicats d’artistes y voient une garantie de stabilité financière et de vitalité artistique pour les prochaines générations.
Avec un budget annuel de 334 millions de dollars et un taux de remplissage en baisse (72 % en 2025 contre 75 % avant la pandémie), le Met restait fragile malgré ses levées de fonds. L’injection saoudienne apparaît comme un oxygène vital, mais aussi comme le signe d’un rééquilibrage de la géopolitique culturelle mondiale.
En devenant scène hivernale du Metropolitan Opera, Riyad ambitionne d’imposer Diriyah comme un haut lieu du patrimoine artistique mondial, confirmant que l’opéra, art européen par essence, trouve désormais ses mécènes les plus généreux au cœur de la péninsule arabique.