Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclenché, jeudi, une vive polémique en déclarant qu’il refuserait tout accord de normalisation avec l’Arabie saoudite s’il devait passer par la création d’un État palestinien. « Si l’Arabie saoudite nous dit “normalisation en échange d’un État palestinien”, amis, non merci. Continuez à monter des chameaux dans le désert, et nous continuerons de développer l’économie, la société et l’État », a-t-il lancé lors d’un colloque organisé à Jérusalem par l’Institut Zomet et le journal religieux Makor Rishon.
Ces propos, jugés insultants à l’égard du royaume saoudien, ont immédiatement suscité une vague d’indignation, en Israël comme à l’étranger, alors même que Washington s’emploie à relancer le processus de normalisation entre Israël et Riyad, gelé depuis l’embrasement régional de l’automne 2024.
Une provocation en plein contexte diplomatique sensible
Les déclarations de Smotrich interviennent à un moment particulièrement délicat pour la diplomatie israélienne. Mercredi, la Knesset a adopté en première lecture une proposition de loi visant à appliquer la souveraineté israélienne aux colonies de Cisjordanie, malgré l’opposition affichée du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de son parti, le Likoud. Ce vote a été dénoncé par Riyad, qui y voit une tentative de « légitimer une occupation illégale ».
L’Arabie saoudite a réaffirmé dans la foulée son « rejet complet de toute politique expansionniste » et son soutien au droit des Palestiniens à établir un État indépendant dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Cette position constitue la condition sine qua non d’un accord de normalisation avec Israël, selon les termes réitérés du prince héritier Mohammed ben Salman.
Une salve critiquée jusque dans les rangs israéliens
Les réactions n’ont pas tardé à pleuvoir. Le chef de l’opposition Yair Lapid a dénoncé sur le réseau X un « discours de caniveau » qui « nuit aux intérêts stratégiques d’Israël ».
« Au lieu de travailler à des accords capables de transformer le Moyen-Orient, certains ministres parlent comme les pires utilisateurs de Twitter. Smotrich doit s’excuser », a-t-il écrit, ajoutant en arabe : « Smotrich ne représente pas l’État d’Israël. »
Benny Gantz, leader du parti Bleu et Blanc, a pour sa part fustigé « l’ignorance et l’irresponsabilité » du ministre, estimant qu’Israël « mérite un gouvernement débarrassé des extrémistes ».
Même au sein de la coalition, certains alliés de Netanyahu se sont inquiétés de l’effet dévastateur de ces propos sur les efforts diplomatiques entrepris avec Washington et Riyad.
Excuses partielles, convictions inchangées
Face à la controverse, Bezalel Smotrich a fini par présenter ses excuses, quelques heures plus tard, tout en maintenant ses positions.
« Mon commentaire sur l’Arabie saoudite était inapproprié, et je m’excuse pour l’insulte qu’il a pu causer », a-t-il déclaré dans un message vidéo.
Mais le ministre a immédiatement ajouté : « J’attends des Saoudiens qu’ils respectent notre tradition, notre héritage et les droits du peuple juif sur sa terre historique, et qu’ils œuvrent à une paix véritable. »
Cette précision a été interprétée comme une manière de s’excuser sur la forme, sans renoncer au fond idéologique : le rejet absolu d’un État palestinien et la promotion d’une souveraineté israélienne intégrale sur la Cisjordanie.
Un risque pour les efforts de normalisation régionale
Ces déclarations interviennent alors que le président américain Donald Trump prépare une rencontre à la Maison Blanche, en novembre, avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman. Washington espère relancer un accord de défense américano-saoudien et ouvrir la voie à une normalisation progressive entre Israël et Riyad, projet central de la politique régionale de l’administration Trump.
En s’attaquant frontalement à la position saoudienne, Smotrich compromet potentiellement ces efforts. Son attitude illustre les tensions internes qui traversent la coalition israélienne, partagée entre la tentation messianique d’une annexion totale et la pression internationale pour relancer une dynamique de paix.
Entre idéologie et isolement
Chef du parti d’extrême droite Sionisme religieux, Bezalel Smotrich est coutumier des provocations à tonalité religieuse ou raciale. Mais cette fois, son propos dépasse le cadre national : il s’attaque à la première puissance du Golfe, partenaire stratégique de Washington et acteur clé du futur équilibre régional.
S’il a corrigé le ton, Smotrich n’a pas modifié la ligne : pas d’État palestinien, pas de concessions territoriales, et une vision du Moyen-Orient fondée sur la domination plutôt que sur la coexistence. Une posture qui isole davantage Israël, au moment où la région tente de refermer les plaies ouvertes par des décennies de conflits et de méfiance.







