Washington soutient un projet qui verrait l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair diriger une administration internationale provisoire à Gaza, baptisée Gaza International Transitional Authority (GITA). Cette entité, inspirée des expériences du Timor-Leste et du Kosovo, disposerait d’un mandat pouvant aller jusqu’à cinq ans et se présenterait comme « l’autorité politique et juridique suprême » du territoire.
Un dispositif inédit, calqué sur des précédents internationaux
Selon le Haaretz et le Times of Israel, la GITA serait d’abord basée à El-Arich, en Égypte, avant d’entrer dans Gaza sous la protection d’une force multinationale majoritairement arabe et adoubée par l’ONU. Elle serait dirigée par Blair, assisté d’un secrétariat d’une vingtaine de personnes et d’un conseil de 7 à 10 membres, incluant au moins un représentant palestinien issu des milieux sécuritaires ou économiques, un haut responsable onusien, ainsi que des personnalités internationales et musulmanes.
Un organe exécutif, le Palestinian Executive Authority (PEA), serait chargé des services publics, depuis la santé jusqu’à l’éducation en passant par la justice, et s’appuierait sur une police civile « neutre » et des institutions judiciaires encadrées par un juriste arabe. Le plan prévoit également un Property Rights Preservation Unit, censé protéger les droits des Palestiniens sur leurs biens face au risque de déplacements massifs.
Le rôle du Tony Blair Institute
En juillet, des révélations ont montré que le Tony Blair Institute (TBI) avait participé à l’élaboration du plan. Le think tank a toutefois précisé que ses discussions sur la reconstruction post-guerre de Gaza n’avaient pas porté sur une relocation forcée des habitants, une crainte récurrente liée aux anciens projets américains de transformation économique du territoire.
Cette implication souligne que Tony Blair n’est pas seulement une figure de façade, mais qu’il s’appuie sur son réseau institutionnel pour peser dans la conception de l’après-guerre.
Hamas et l’AP marginalisés
Le plan est décrit comme reposant sur deux piliers controversés : le démantèlement de Hamas et la réduction du rôle de l’Autorité palestinienne (AP).
- Hamas a immédiatement rejeté l’idée : « Aucun parti n’a le droit de démanteler une faction palestinienne. Celui qui doit être démantelé, c’est l’occupation. » Un responsable du mouvement a ajouté que les Palestiniens ne sauraient accepter un accord imposé sans consultation ni vote populaire.
- Du côté de l’AP, Mahmoud Abbas a rappelé devant l’ONU que Gaza est une partie intégrante de l’État de Palestine et que son autorité était prête à en assumer la gouvernance. Mais son absence des négociations illustre le déficit de légitimité du processus.
Washington et Israël rassurés, mais fractures internes
Pour la Maison Blanche, ce dispositif représente un compromis entre la ligne dure initiale de Donald Trump – évoquant une prise en main directe de Gaza par les États-Unis et Israël – et la « déclaration de New York », soutenue par plus de 140 États à l’Assemblée générale de l’ONU, qui prévoyait une transition rapide d’un an vers l’AP.
Mais l’absence de calendrier clair pour une restitution du pouvoir à l’AP, combinée à la figure controversée de Tony Blair, soulève des inquiétudes. À l’inverse, pour Benyamin Netanyahou, la présence d’une autorité internationale dirigée par une personnalité occidentale représente une garantie de stabilité.
Cependant, certains ministres d’extrême droite israéliens, à l’image du ministre des Finances Bezalel Smotrich, rejettent également ce projet. Smotrich avait déjà déclaré discuter avec Washington d’une partition du territoire, qu’il présentait comme une opportunité immobilière, promettant une « real-estate bonanza ».
Une équation diplomatique complexe
La proposition américaine a été discutée à New York entre Donald Trump, l’émir du Qatar, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le roi Abdallah II de Jordanie, le président indonésien et le président turc Recep Tayyip Erdoğan. Emmanuel Macron tenterait, de son côté, de rapprocher le plan américain et la déclaration onusienne.
Plusieurs capitales arabes soulignent que leur participation à une force de maintien de la paix reste conditionnée à une trajectoire irréversible vers la création d’un État palestinien. Faute de quoi, la GITA pourrait être perçue non pas comme une transition vers l’indépendance, mais comme une tutelle internationale plus acceptable que l’occupation israélienne, sans en changer la logique.
Contexte humanitaire et juridique
Ce débat intervient dans un climat marqué par un bilan humain dramatique : plus de 65 000 morts à Gaza, dont plus de 20 000 enfants, selon les autorités locales. Un rapport récent de l’ONU accuse Israël de génocide, une accusation qualifiée de « fausse » et « déformée » par Tel-Aviv.
Ces chiffres rappellent que toute proposition de gouvernance pour Gaza devra composer avec une opinion publique internationale sensible aux accusations de crimes de guerre, et un peuple palestinien traumatisé par l’ampleur des pertes.