À quelques jours seulement de sa confirmation officielle au poste de directeur de la NASA, Jared Isaacman a vu sa nomination brutalement retirée par le président Donald Trump. Cette volte-face, annoncée samedi, met un terme à l’une des manœuvres les plus visibles d’Elon Musk pour étendre son influence sur l’appareil fédéral — une influence aujourd’hui en déclin.
Une loyauté jugée insuffisante
Jared Isaacman, milliardaire de 42 ans, pilote expérimenté et entrepreneur à la tête de Shift4 Payments, devait incarner la nouvelle ligne de la conquête spatiale américaine impulsée par Musk. Proche du patron de SpaceX, il avait effectué deux vols orbitaux privés à bord de capsules Dragon et s’apprêtait à prendre les rênes d’une NASA en pleine refonte. Mais selon plusieurs sources proches de la Maison Blanche, ce sont ses dons passés à des figures démocrates — dont le sénateur Mark Kelly et l’ex-sénateur Bob Casey — qui ont poussé Trump à faire machine arrière.
Sur Truth Social, Trump a justifié sa décision par une «revue approfondie des affiliations passées» et promis un nouveau candidat «aligné sur la mission” et “mettant l’Amérique en premier dans l’espace».
«Après un examen approfondi des affiliations passées, je retire par la présente la nomination de Jared Isaacman à la tête de la NASA. Je vais bientôt annoncer un nouveau candidat, qui sera pleinement aligné avec notre mission et placera l’Amérique en priorité dans l’espace. Merci de votre attention à ce sujet !» a-t-il écrit.
Le prix d’une proximité avec Musk
Le retrait d’Isaacman marque aussi la fin d’un épisode singulier dans les relations Trump–Musk. La veille de l’annonce, le président offrait à Elon Musk un symbole rare : une clé dorée de la Maison Blanche, lors d’une cérémonie d’adieu dans le Bureau ovale. “Elon a enduré les flèches et les coups. C’est un patriote incroyable”, avait déclaré Trump. Musk quittait alors ses fonctions de conseiller spécial et chef du controversé Department of Government Efficiency (DOGE), après 130 jours passés à tailler dans les effectifs et les budgets de l’administration fédérale.
Mais en coulisses, les révélations s’accumulaient. Le New York Times a publié une longue enquête sur la consommation de drogues de Musk — ketamine à usage quasi quotidien, ecstasy, champignons hallucinogènes — ainsi que sur les drames familiaux qui entourent l’homme d’affaires, dont un conflit de garde d’enfant avec la musicienne Grimes, la reconnaissance tardive d’une 14e paternité et une série de relations simultanées. Une trajectoire personnelle troublée qui aurait, selon certains proches, fragilisé la position d’Isaacman dans un environnement de plus en plus instable politiquement.
Un désaveu cinglant et une NASA sans capitaine
Malgré un vote favorable (19 contre 9) de la commission sénatoriale en avril, l’investiture d’Isaacman s’arrête donc brutalement. Pour Musk, c’est une humiliation publique. Lui qui avait plaidé directement auprès de Trump en faveur de son ami perd une pièce maîtresse dans le jeu stratégique qu’il menait à Washington, dans un moment où sa propre image publique est entachée d’excès personnels et de comportements erratiques.
La NASA, quant à elle, reste sans dirigeant permanent. Le retrait d’Isaacman complique encore la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse : suppression du programme Artemis après le troisième alunissage prévu en 2027, recentrage sur une mission martienne, et réduction drastique du budget — une baisse de 25 % envisagée dans le projet budgétaire 2026.
🔑 La “clé dorée de la Maison Blanche” remise à Elon Musk rappelle un précédent diplomatique : Donald Trump avait offert un symbole identique à Benyamin Netanyahou en 2021. Le nombre total de ces cadeaux reste inconnu.
Une influence Musk en recul
Au cœur de cette décision, il y a donc bien plus que la loyauté politique d’un donateur. Il y a l’ombre d’un allié devenu embarrassant. Le retrait d’Isaacman devient un test pour mesurer jusqu’où Trump est prêt à couper les liens avec Musk, qui reste cependant un soutien vocal de la campagne 2024 et un acteur médiatique omniprésent.
L’activiste d’extrême droite Laura Loomer, soutien notoire de Trump, a dénoncé sur X une «machination de l’État profond». Le sénateur Tim Sheehy, lui aussi proche de Trump, a exprimé son désaccord : «Jared était un excellent choix. Je m’oppose fermement à l’abandon de sa nomination.»
Mais Trump semble avoir tranché. En désignant prochainement un profil plus orthodoxe — et plus loyal — il réaffirme un principe fondateur de sa gouvernance : la fidélité absolue, même dans les étoiles.