Un jury fédéral à New York a estimé que la banque française BNP Paribas avait contribué au génocide commis par le régime soudanais, en contournant les sanctions américaines imposées à Khartoum. La décision, rendue à l’unanimité par un jury de huit membres, marque une nouvelle étape judiciaire dans un dossier où la finance et les crimes de masse se croisent.
Les jurés ont donné raison à trois plaignants originaires du Soudan, aujourd’hui citoyens américains, qui accusaient la banque d’avoir facilité les opérations financières du gouvernement soudanais entre la fin des années 1990 et 2009. En offrant des services bancaires et en émettant des lettres de crédit, BNP Paribas aurait permis au régime de poursuivre ses exportations de pétrole, de coton et d’autres produits, générant des milliards de dollars de revenus utilisés pour financer la répression.
Les victimes ont décrit devant la cour fédérale de Manhattan des scènes d’une extrême violence : tortures, brûlures de cigarette, mutilations au couteau et, pour la plaignante, viols perpétrés par des soldats soudanais et des miliciens Janjawid, tristement célèbres pour leur rôle dans le conflit du Darfour. Le jury a accordé plus de 20 millions de dollars de dommages et intérêts aux trois survivants.
Dans une déclaration transmise à l’AFP, un porte-parole de la banque a rejeté le verdict, le qualifiant de « manifestement erroné ». BNP Paribas estime que la décision « repose sur une interprétation déformée du droit suisse applicable » et regrette que « d’importantes preuves » n’aient pu être présentées au jury. La banque a confirmé son intention de faire appel.
Un précédent juridique majeur
Pour l’avocat des plaignants, cette décision est « une victoire pour la justice et la responsabilité ». Il a salué le fait que « le jury ait reconnu que les institutions financières ne peuvent détourner le regard face aux conséquences de leurs actes ». Selon lui, les opérations de la banque ont alimenté « une campagne de destruction financée en dollars américains ».
BNP Paribas, qui avait déjà été condamnée en 2014 à une amende record de 8,9 milliards de dollars par les autorités américaines pour avoir violé des embargos visant le Soudan, Cuba et l’Iran, se retrouve de nouveau au cœur d’un dossier mêlant finance internationale, responsabilité morale et crimes de guerre.
Entre 1997 et 2009, la banque française a été l’un des rares établissements occidentaux à maintenir des liens avec le Soudan, alors dirigé par Omar el-Béchir, recherché depuis par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Le verdict du jury new-yorkais pourrait ouvrir la voie à d’autres actions en justice de victimes du régime soudanais contre des acteurs financiers accusés d’avoir permis à ce système de perdurer malgré les sanctions internationales.