Un simple cliché aérien a suffi à embraser les réseaux sociaux égyptiens. Des images largement relayées lundi montrent un complexe touristique en construction sur la côte nord, entre Alexandrie et la nouvelle ville de Mansoura, dont la forme rappellerait celle d’un « menorah », le fameux chandelier à sept branches, symbole central du judaïsme.
La forme qui interpelle
La photo aérienne montre une organisation géométrique des bâtiments qui, selon de nombreux internautes, reproduit de manière troublante le candélabre juif. Qu’il s’agisse d’une coïncidence architecturale ou d’un choix intentionnel, la ressemblance a suffi pour faire basculer le sujet dans les « trending topics » en Égypte. Sur X (ex-Twitter), le terme « الشمعدان اليهودي » (« le chandelier juif ») s’est imposé parmi les plus commentés, alimentant un flot d’interrogations : qui est derrière ce projet ? pourquoi cette forme ? et quelle signification lui attribuer ?

Récupérations politiques
La polémique a pris une dimension géopolitique lorsque l’Israélien Edy Cohen, universitaire et chroniqueur connu pour ses provocations, est intervenu. « Il n’y a pas de hasard », a-t-il écrit, insinuant que l’architecture serait porteuse d’un message caché.
Cette sortie a immédiatement alimenté les soupçons et attisé les discussions, certains y voyant la main invisible d’Israël jusque dans l’urbanisme arabe.
Pour le chercheur égyptien Mohammed Abboud, spécialiste des affaires israéliennes, cette posture s’inscrit dans une stratégie de propagande : « Cohen cherche à transformer une polémique visuelle en guerre psychologique, en insinuant que la main d’Israël est partout. »
Selon lui, cette rhétorique contribue à diffuser le mythe d’une puissance israélienne omnipotente et vise à fragiliser la confiance des sociétés arabes dans leur autonomie culturelle et politique.
C’est quoi le Ménorah ?
Le ménorah, héritage de l’Antiquité, symbolisait jadis la lumière divine dans le Temple de Jérusalem. Aujourd’hui, il demeure un pilier de l’identité juive, un emblème de la sagesse et de la fierté nationale, et il est devenu le symbole officiel de l’État d’Israël. Dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes, il n’est pas surprenant que la découverte d’un tel motif suscite autant de réactions.
Judaïsme et mémoire égyptienne
Certains observateurs notent enfin que, malgré les relations politiques complexes entre l’Égypte et Israël, le judaïsme fait partie intégrante de l’histoire égyptienne. La présence juive y a été séculaire, marquant la culture et la vie urbaine. Dès lors, même si la ressemblance avec le ménorah était avérée, elle ne devrait pas forcément être interprétée comme une provocation.
Au final, cette affaire illustre la fragilité des débats publics dans la région : un détail architectural devient un champ de bataille identitaire, où la symbolique religieuse et les tensions géopolitiques se mêlent. Depuis le 7 octobre, alors que la guerre à Gaza plonge un peuple dans une souffrance quotidienne et indicible, les réseaux sociaux arabes se font l’écho d’une fébrilité accrue : chaque image, chaque mot, chaque symbole est investi d’émotions exacerbées et devient le terrain d’une bataille de narratifs, où la douleur vécue sur le terrain nourrit l’intensité des polémiques en ligne.