Le Maroc amorce un tournant stratégique dans la régulation de son secteur touristique. Avec la publication au Bulletin Officiel de cinq arrêtés ministériels complétant la loi 80-14 sur l’hébergement touristique, le gouvernement met en place les fondations d’une véritable transformation qualitative du secteur. Décryptage.
Pourquoi ces arrêtés sont importants
Adoptée en 2015, la loi 80-14 restait incomplète faute de textes d’application. Dix ans plus tard, l’exécutif concrétise cette réforme, donnant enfin aux professionnels une grille de lecture claire, à la hauteur des standards internationaux. Il ne s’agit pas simplement de classer les établissements, mais de faire évoluer le modèle marocain de l’hospitalité vers une approche centrée sur l’expérience client, la qualité de service et l’investissement de long terme.
Un nouveau système de classement universel et compréhensible
L’une des mesures phares est l’adoption d’un classement en étoiles harmonisé, valable pour tous les types d’hébergements : hôtels, maisons d’hôtes, résidences touristiques, hôtels-clubs… et même les riads et kasbahs. Ce changement majeur permet :
- Une meilleure lisibilité pour les touristes étrangers et nationaux ;
- Une valorisation des spécificités culturelles de l’offre marocaine, intégrées dans une logique de qualité mesurable ;
- Une clarification de la concurrence, avec des repères homogènes pour tous les opérateurs.
Une évaluation plus rigoureuse et plus fréquente
Autre nouveauté : la classification ne sera plus définitive, mais réévaluée tous les 5 à 7 ans, pour s’assurer d’une amélioration continue. Pour évaluer les établissements :
- Des audits par “visites mystères” seront conduits par des auditeurs agréés ;
- Une grille de 800 critères élaborée avec ONU-Tourisme sera utilisée, couvrant tout le parcours client : de la réservation jusqu’au départ.
Cette approche met fin à l’idée d’un classement purement basé sur l’infrastructure, en introduisant la qualité de service comme critère central.
Résidences Immobilières Adossées : une solution pour le luxe et l’investissement
Les hôtels 5 étoiles et les établissements de luxe peuvent désormais intégrer un nouveau modèle hybride : les Résidences Immobilières Adossées (RIA). Ce dispositif permet à un hôtel de construire des villas, de les vendre à des particuliers, tout en en assurant la gestion au sein de l’offre hôtelière.
Un triple avantage :
- Pour le client : un hébergement privatif et haut de gamme ;
- Pour l’investisseur : un levier de rentabilité nouvelle ;
- Pour le secteur : un encouragement à investir dans des infrastructures qualitatives.
Une transition encadrée pour les professionnels
Les opérateurs disposent d’un délai de 24 mois pour se mettre en conformité avec les nouveaux standards. Ce temps leur permettra :
- De réaliser les ajustements nécessaires ;
- De former leurs équipes aux nouveaux critères ;
- De se préparer aux audits.
Et après ? Une régulation plus large et plus inclusive
Le ministère annonce déjà une nouvelle série d’arrêtés à venir, qui concerneront :
- Les bivouacs (hébergements nomades ou itinérants),
- L’hébergement chez l’habitant,
- Les hébergements alternatifs (conteneurs, cabanes, etc.).
Objectifs affichés :
- Garantir la qualité et la sécurité de ces offres ;
- Intégrer le secteur informel à l’économie officielle, notamment via les plateformes numériques ;
- Rendre le tourisme plus accessible, en diversifiant l’offre et en limitant la flambée des prix en haute saison.
Ce qu’en dit la ministre
Pour Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, cette réforme est le fruit d’un travail collectif :
«Notre gouvernement a réussi à sortir les arrêtés de la loi 80-14 adoptée en 2015, grâce à un grand effort mené avec les professionnels et l’ensemble des parties prenantes.»
Et de conclure :
«Aujourd’hui, c’est une étape décisive que nous entamons pour l’industrie touristique marocaine.»