À l’occasion de la Journée mondiale de la population, le Haut-Commissaire au Plan, Chakib Benmoussa, a appelé à une gouvernance publique fondée sur les données pour anticiper les transformations démographiques du Maroc. Les tendances actuelles, marquées par la baisse de la fécondité, l’urbanisation et les disparités territoriales, nécessitent des politiques innovantes, inclusives et testées sur le terrain.
Une lecture objective et apaisée des dynamiques démographiques
Prenant part à une rencontre organisée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) et le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Chakib Benmoussa a mis en garde contre les interprétations idéologiques des phénomènes démographiques. Il a plaidé pour une lecture « raisonnée et fondée sur les données » des évolutions en cours, dans un contexte de transformation structurelle profonde.
Les premières tendances issues du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) révèlent en effet des mutations complexes : baisse de la fécondité (passée de 5,5 enfants par femme en 1982 à 2,2 en 2025), amélioration de l’éducation — notamment celle des jeunes filles —, recul de la pauvreté, mais aussi persistance de fortes disparités régionales.
L’enjeu de l’anticipation : éducation, urbanisation, équilibre territorial
Parmi les alertes majeures soulignées, M. Benmoussa a évoqué la baisse du nombre d’enfants dans les tranches d’âge les plus jeunes, notamment en milieu rural. Ce phénomène pose la question de la rationalisation de l’offre éducative : comment maintenir une éducation de qualité dans des écoles à faible effectif ? Une situation qui appelle des ajustements fins et contextualisés.
L’urbanisation croissante est un autre défi de taille. En matière de logement, transport, services publics ou conditions de vie, l’HCP insiste sur le risque d’un déséquilibre si les politiques urbaines ne sont pas pensées de manière anticipative et adaptée à l’évolution des besoins.
Des politiques sociales à expérimenter avant de généraliser
M. Benmoussa a souligné la nécessité de tester les politiques publiques « à petite échelle » avant leur généralisation. Il a appelé à une approche pragmatique, inscrite dans la durée, en cohérence avec le nouveau modèle de développement, qui prône l’expérimentation et l’évaluation continue des politiques.
Il a également insisté sur le besoin de politiques sociales agissant à la fois sur les normes culturelles, les conditions de travail et l’équilibre des rôles familiaux, soulignant qu’une société ne peut prétendre à l’épanouissement familial sans un environnement socio-économique favorable.
Pour une gouvernance guidée par des données actualisées
Le HCP entend renforcer sa capacité statistique à travers plusieurs études en cours, dont une enquête sur la famille et une autre sur le budget-temps prévue d’ici la fin de l’année. Ces outils permettront de mieux comprendre les mutations sociales en cours et d’ajuster les politiques publiques en conséquence.
L’UNFPA appelle à une action audacieuse et inclusive
De son côté, Marielle Sander, représentante de l’UNFPA au Maroc, a appelé à une réponse « audacieuse et immédiate » face aux mutations démographiques. Elle a mis l’accent sur le besoin d’investissements accrus dans l’éducation, de réduction des inégalités de genre dans l’emploi (la participation féminine reste inférieure à 17 %) et de valorisation du rôle des hommes dans la parentalité.
Elle a défendu l’idée d’un modèle économique compatible avec la vie familiale, invitant le secteur privé à jouer un rôle moteur : congés parentaux, flexibilité des horaires, crèches en entreprise ou couverture santé inclusive sont, selon elle, des investissements à long terme dans la stabilité sociale.

Une crise mondiale de la fécondité, symptôme d’un manque de liberté de choix
Le rapport présenté par l’UNFPA, intitulé « La véritable crise de la fécondité », alerte sur le fait que des millions de personnes dans le monde n’ont pas le nombre d’enfants qu’elles souhaitent, non pas par rejet de la parentalité, mais à cause de contraintes économiques, professionnelles ou sociales.
Un dialogue intergénérationnel pour penser l’avenir
La journée a aussi été marquée par la célébration des 50 ans de présence de l’UNFPA au Maroc, avec le lancement d’un visuel symbolique rendant hommage au dialogue intergénérationnel, aux liens familiaux et à la richesse culturelle du Royaume. La rencontre, qui a réuni des chercheurs de l’UM6P, de l’ICESCO, de l’IRES, de l’Université Mohammed V et du Policy Center for the New South, a permis de croiser les expertises et d’ouvrir des perspectives opérationnelles.