Volet II : De la constance stratégique à la reconnaissance internationale (2007-2020)

Nasser Bourita : 26 ans de diplomatie royale pour la consolidation de la souveraineté marocaine

De la présentation de l’initiative d’autonomie à l’ONU en 2007 jusqu’à la reconnaissance américaine de 2020, la diplomatie royale a déployé une stratégie d’une constance remarquable. Dans cet extrait de son entretien accordé à 2M, Nasser Bourita retrace la phase la plus déterminante du processus : celle où la vision du Roi Mohammed VI s’est traduite par des acquis concrets sur la scène internationale. Une séquence marquée par la patience stratégique, le travail d’influence bilatérale, et l’affirmation progressive du modèle marocain d’autonomie, devenu référence au sein des Nations Unies.

Ce qu’il faut retenir de cette partie

2007–2020 : le temps long de la constance diplomatique.
Après la présentation de l’initiative d’autonomie, le Maroc consolide sa crédibilité et bâtit des alliances solides, privilégiant la diplomatie de terrain à la diplomatie de tribune.
Une diplomatie de clarté.
Bourita insiste : le Royaume ne pratique ni la surenchère ni la rhétorique, mais l’efficacité. Une ligne incarnée par le Roi Mohammed VI, marquée par la cohérence entre parole et résultat.
L’année 2020 : reconnaissance américaine et tournant mondial.
Fruit de deux décennies d’efforts et d’une relation directe du Roi avec Washington, la décision américaine marque un basculement historique. Bourita y voit « le prolongement d’une vision royale, pas une surprise diplomatique ».


2ème partie de l’entretien de M. Nasser Bourita sur 2M en date du 01/11/2025

Sanaa Rahimi :
Comme vous le disiez, cette étape n’est pas un événement isolé.
C’est le fruit du travail que Sa Majesté le Roi accomplit depuis vingt-six ans. Revenons au discours royal du 6 avril 1999 : « Nous nous sommes engagé à traiter le dossier du Sahara marocain selon une vision nouvelle, permettant d’agir avec équité, objectivité et réalisme. ».

Nasser Bourita :
Aujourd’hui, nous y sommes arrivés.

Mais ce que je veux aussi souligner, c’est que le vote d’hier ne portait pas seulement sur des expressions contenues dans la résolution ; il portait aussi sur le Maroc de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, sur les réformes, les progrès, la crédibilité, la stature internationale du pays, sur la place de la femme, le développement durable et d’autres avancées. Donc, le vote d’hier concernait la question du Sahara, mais il concernait aussi le Maroc de Mohammed VI.

Rudouane Erramdani :
Des millions de Marocains veulent comprendre.
En ce 1er novembre 2025, nous avons perçu une philosophie diplomatique à conduite royale, une « ingénierie royale », pour reprendre l’expression. Il existe une recette marocaine, un équilibre subtil, qui a permis à de grands pays de reconnaître le modèle marocain et au Conseil de sécurité d’adopter, en quelque sorte, un référendum d’un autre genre, favorable au Maroc. En 2020, lorsque nous nous sommes rencontrés à Laâyoune, beaucoup doutaient : le Maroc prenait-il un risque en acceptant la reconnaissance par un tweet du président Trump ? Comment avez-vous transformé cela en succès durable ?

Nasser Bourita :
Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a une approche propre à Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans la gestion et la réponse à ces défis, qu’ils soient internes ou de politique étrangère. Il y a toujours une vision claire et des objectifs stratégiques précis.

Nous l’avons vu dès 1999 : lee Roi a défini une nouvelle manière d’aborder la question du Sahara. Cette approche comportait des étapes claires, un but final, et ce que j’appelle une patience stratégique. Parfois, on pouvait croire que le temps passait, mais en réalité, c’était une maturation voulue.

Si aujourd’hui nous récoltons ces fruits, c’est parce que la démarche royale a été pensée pour que les résultats mûrissent au moment juste.

Cette approche repose aussi sur la crédibilité et la constance.

Lorsque vous m’aviez dit, en 2020, que cette reconnaissance américaine n’était qu’un tweet,
que le président Trump allait partir, le Roi, lui, avait déjà pris sa décision. Il avait estimé que si le Maroc obtenait cette reconnaissance, le Royaume saurait la préserver, même avec une nouvelle administration.

Et mieux encore : qu’elle servirait de base pour convaincre d’autres pays.

C’est exactement ce qui s’est produit.

L’interaction du Roi avec l’administration Biden a fait en sorte que la décision de Trump soit maintenue, ce qui est rare, car c’est l’une des très rares décisions de l’ère Trump que l’administration Biden a conservées après son départ.

Pourquoi ? Parce qu’il y a de la crédibilité.
Parce qu’il y a un Chef d’État qui inspire confiance, un interlocuteur fiable, constant, respecté. Si le Maroc a su préserver ce gain américain, c’est grâce à cette crédibilité et à cette confiance.

Ensuite, dans la logique de cette vision royale claire et graduelle, le Maroc a travaillé avec les pays clés :

  • l’Espagne en 2021, en tant qu’ancienne puissance coloniale ;
  • l’Allemagne, la même année ;
  • puis la France, le Royaume-Uni et d’autres partenaires.

Ces pays influents, qui connaissent la région, ses racines historiques et ses fondements géopolitiques, ont compris les enjeux et ont fini par adopter la position marocaine.

Dans le même temps, le Roi a engagé, à partir de 2017, un travail considérable sur le continent africain, avec le retour du Maroc à l’Union africaine, après une véritable bataille diplomatique qu’il a personnellement menée. Nous avions commencé avec 28 pays soutenant le Maroc ; il en fallait 42.

Le Roi s’en est souvenu : il s’est rendu lui-même en Éthiopie, Tanzanie, Nigeria, Zambie, Soudan du Sud et Ghana. Beaucoup de ces États reconnaissaient encore la pseudo-« république » autoproclamée.

Mais le Roi, fidèle à ce qu’il appelait déjà en 1999 « réalisme, objectivité et équité », a convaincu ces pays de revoir leur position. Cela a permis le retour du Maroc à l’Union africaine,
donnant une nouvelle dynamique aux relations du Royaume avec l’Europe.

Aujourd’hui, 23 pays de l’Union européenne reconnaissent ou soutiennent l’autonomie.
Sur le plan économique, il faut rappeler que, récemment :

  1. le 28 septembreChristopher Landau, secrétaire d’État adjoint américain, a déclaré :« Nous encourageons l’investissement américain au Sahara. »
  2. le 4 octobrel’Union européenne a signé un accord agricole autorisant les produits des provinces du Sud à accéder au marché européen ;
  3. le 17 octobrela Russie a signé un accord de pêche incluant les eaux du Sud marocain ;
  4. le 19 octobrela France a tenu le Forum économique franco-marocain.

Et aujourd’hui, Sa Majesté le Roi a lancé, depuis deux ans, d’importantes initiatives atlantiques, permettant aux pays du Sahel d’accéder à l’océan Atlantique.

Le monde le voit : il y a une vision, une stratégie, une constance.

Dans un monde marqué par les guerres et les crises, les acteurs cherchent un pays crédible, stable, prévisible, un pays dans lequel ils peuvent avoir confiance.

C’est cela, l’approche de Sa Majesté le Roi Mohammed VI : une vision claire, des étapes définies, et une constance dans l’action.

Comme le Roi l’a dit dans son discours sur la politique étrangère : « Ambition et clarté. »
Voilà la boussole.

Timeline – De la constance stratégique à la reconnaissance internationale (2007–2020)

Année Événement clé Contexte et portée
2007 Présentation du Plan marocain d’autonomie à l’ONU Le Maroc officialise sa proposition, qui devient la base du débat onusien.
2008–2012 Multiplication des soutiens bilatéraux Le Maroc mène un travail méthodique auprès des États membres et des organisations régionales pour élargir le soutien à l’initiative.
2013–2016 Extension du champ diplomatique Le Royaume réinvestit l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Le Roi effectue de nombreuses visites officielles, consolidant les partenariats Sud-Sud.
2017 Retour du Maroc à l’Union africaine Un moment charnière : le Maroc retrouve sa place au sein de l’organisation continentale et renverse les équilibres diplomatiques sur la question du Sahara.
2018–2019 Renforcement des alliances économiques et régionales Le Maroc inscrit la cause nationale dans une logique de développement et de stabilité régionale.
2020 Reconnaissance américaine du Sahara marocain Le 10 décembre, les États-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Cet acte, fruit d’un dialogue direct entre le Roi Mohammed VI et l’administration américaine, scelle une étape majeure du processus diplomatique.
Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier.
Il défend ses intérêts avec confiance et dignité, sans arrogance ni complexe.
1Nasser Bourita

De 2007 à 2020, la diplomatie marocaine a démontré sa capacité à conjuguer constance, patience et résultat. La reconnaissance américaine n’a pas été un aboutissement, mais une validation internationale d’un chemin tracé depuis plus de deux décennies.

Prochain volet : La souveraineté consolidée – De 2021 à 2025, le temps des reconnaissances européennes et de la résolution 2797.

Nawfal Laarabi
Nawfal Laarabi
Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist 20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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