Face aux tensions croissantes entre Washington et Madrid sur le financement de la défense au sein de l’OTAN, le Maroc émerge comme un candidat stratégique potentiel pour accueillir les bases militaires américaines stationnées dans le sud de l’Espagne.
Un désaccord majeur entre Trump et Madrid
La crise s’est envenimée après que le président américain Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane punitifs à l’Espagne, reprochant à son gouvernement de refuser de porter ses dépenses militaires à 5 % du PIB, un objectif qu’il tente d’imposer à tous les alliés de l’OTAN.
Madrid, de son côté, a défendu une approche plus pragmatique, rappelant que le pays a doublé son budget de défense depuis 2017, atteignant désormais 2 % du PIB, soit environ 32,7 milliards d’euros.
« Le débat sur les dépenses de défense ne consiste pas à augmenter pour le principe d’augmenter, mais à répondre à des menaces réelles », a précisé le ministère espagnol de l’Économie et du Commerce dans un communiqué cité par Reuters.
Le Maroc, alternative stratégique sur le flanc sud de l’OTAN
Selon plusieurs sources diplomatiques relayées par Reuters, l’administration américaine étudie la possibilité de déplacer les bases aériennes et navales actuellement situées en Andalousie, notamment celles de Rota et Morón de la Frontera, vers le Maroc, en cas d’impasse prolongée avec Madrid.
Une telle décision, encore hypothétique, s’inscrirait dans une stratégie de rééquilibrage géostratégique dans le bassin méditerranéen et en Afrique du Nord. L’idée, initialement évoquée par l’ancien responsable américain Robert Greenway, repose sur le fait que le Maroc offre à Washington un double atout géographique : une façade atlantique ouverte sur l’Afrique de l’Ouest et une proximité directe avec l’Europe via le détroit de Gibraltar.
Un partenariat militaire déjà consolidé
Le Maroc et les États-Unis entretiennent depuis plusieurs décennies une coopération militaire étroite, symbolisée par les manœuvres conjointes «African Lion», les plus vastes du continent africain.
Washington considère le Royaume comme un allié majeur hors OTAN, statut qui lui permet de bénéficier d’un transfert privilégié de technologies et d’équipements militaires.
De plus, plusieurs installations marocaines, notamment les bases de Ben Guerir et Sidi Slimane, anciennement utilisées par les forces américaines, disposent déjà d’infrastructures adaptées à une présence logistique ou opérationnelle de grande ampleur.
Pour l’Espagne, la perte des bases américaines représenterait un revers économique majeur. Des milliers d’emplois directs et indirects sont liés à la présence du personnel militaire américain et à la maintenance des infrastructures dans les provinces d’Andalousie. Les experts cités par Reuters estiment qu’un tel retrait pourrait affaiblir le poids stratégique de Madrid au sein de l’OTAN et reconfigurer les équilibres militaires dans la région.
Pour le Maroc, accueillir une base américaine constituerait une avancée géostratégique sans précédent, renforçant sa position comme pivot sécuritaire et diplomatique entre l’Europe, l’Afrique et les États-Unis.
Mais le Royaume a toujours fait preuve d’une grande prudence en matière de souveraineté militaire, privilégiant les partenariats et les exercices conjoints à toute installation permanente de forces étrangères sur son territoire.
Enfin, du point de vue de Washington, cette hypothèse permettrait de sécuriser une continuité d’accès au flanc sud de l’OTAN tout en sanctionnant Madrid pour son refus d’alignement sur les nouveaux objectifs de défense imposés par Trump.