Les Émirats arabes unis font pression sur l’administration Trump pour rejeter le plan de la Ligue arabe pour Gaza

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Des responsables égyptiens et américains affirment que la menace de réduction de l’aide militaire à l’Égypte provient du lobbying intense des Émirats arabes unis (EAU) auprès de l’administration Trump. Ces derniers cherchent à torpiller un «plan postwar» pour Gaza élaboré par Le Caire et soutenu par la Ligue arabe, exacerbant les tensions régionales.

Les Émirats arabes unis (EAU) exercent une pression intense sur l’administration Trump afin de faire échouer un plan postwar pour la bande de Gaza, élaboré par l’Égypte et soutenu par la Ligue arabe, selon des responsables américains et égyptiens interrogés par Middle East Eye. Ce différend, qui s’intensifie, met en lumière une compétition croissante entre pays arabes pour déterminer qui aura le contrôle de la gouvernance et de la reconstruction future de Gaza, ainsi que sur l’influence que le Hamas devrait y conserver.

Une rivalité arabe qui complique les intérêts américains

Les tensions entre les EAU et l’Égypte, bien que les deux pays soutiennent le même homme fort palestinien, Mohammed Dahlan, un exilé et ancien cadre du Fatah, révèlent des divergences stratégiques. Selon un responsable américain, « les EAU ne pouvaient pas s’opposer seuls au plan de la Ligue arabe lorsqu’il a été adopté, mais ils le discréditent auprès de l’administration Trump ». Les Émirats critiquent le plan égyptien comme étant inapplicable et accusent Le Caire d’accorder trop d’influence au Hamas, une organisation issue des Frères musulmans, que les EAU cherchent à éradiquer dans la région.

Yousef al-Otaiba, l’ambassadeur émirati aux États-Unis, connu pour son accès privilégié à la Maison Blanche, a multiplié les rencontres avec le cercle rapproché de Donald Trump et des législateurs américains. Il pousse notamment pour que l’Égypte accepte des Palestiniens déplacés de force, une idée que Trump avait publiquement soutenue plus tôt cette année. Cette position tranche avec celle de l’Égypte, qui maintient des relations historiques avec le Hamas, notamment via ses services de renseignement, pour négocier des cessez-le-feu à Gaza.

Le plan égyptien en question

Le plan égyptien pour Gaza, jugé trop indulgent envers le Hamas par les EAU, propose une gouvernance par l’Autorité palestinienne, une force de sécurité formée par la Jordanie et l’Égypte, et ouvre la possibilité d’un déploiement de casques bleus de l’ONU dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée. Si le Hamas a accepté ce cadre, Israël s’oppose fermement à une internationalisation du conflit.

Cette divergence intervient alors que le cessez-le-feu négocié par les États-Unis en janvier s’est effondré, Gaza subit d’ores et déjà la reprise des hostilités. Israël a coupé l’électricité dans l’enclave et mené des frappes meurtrières, tuant au moins 400 personnes selon les autorités sanitaires palestiniennes. Les États-Unis ont proposé un échange : la libération par le Hamas des 27 otages encore en vie contre une extension d’une trêve temporaire. Mais le Hamas exige un arrêt définitif de la guerre, comme stipulé dans l’accord de janvier.

Les EAU irrités par les contacts américains avec le Hamas

L’administration Trump soutient un retour d’Israël à la guerre à Gaza, mais la diplomatie américaine a été secouée par la récente rencontre à Doha entre Adam Boehler, ancien candidat de Trump au poste d’envoyé pour les otages, et des représentants du Hamas. Boehler, qui visait à négocier la libération d’un otage américain, a évoqué publiquement une trêve de cinq à dix ans, avec une démilitarisation de Gaza et un retrait du Hamas de la sphère politique. Ces déclarations ont provoqué la colère d’Israël, de parlementaires pro-israéliens aux États-Unis, et des EAU, entraînant le retrait de sa nomination vendredi dernier.

La menace de réduction de l’aide militaire à l’Égypte provient du lobbying émirati

Des responsables égyptiens et américains estiment que la campagne émiratie a déjà des répercussions sur les relations entre Washington et Le Caire. Les États-Unis ont averti l’Égypte d’une possible réduction de l’aide militaire en 2026, une menace rapportée initialement par Al-Araby Al-Jadeed. Bien que cette réduction ne soit pas explicitement liée à l’acceptation de Palestiniens déplacés, elle refléterait l’influence des EAU sur la politique américaine. L’aide militaire américaine à l’Égypte, qui s’élève à 1,3 milliard de dollars par an, est un pilier des accords de Camp David de 1979 avec Israël. Cependant, son poids économique a diminué, passant de 6 % du PIB égyptien en 1978 à moins de 0,5 % aujourd’hui.

L’Égypte craint que cette réduction ne la pousse à se tourner vers la Russie ou la Chine pour son équipement militaire, bien que Trump cherche à réorganiser les relations avec Moscou. En parallèle, l’administration Trump a déjà réorienté 95 millions de dollars d’aide initialement destinés à l’Égypte vers les forces armées libanaises en mars.

Une alliance fragile entre l’Égypte et les EAU

Malgré leur soutien commun à Mohammed Dahlan comme figure clé pour Gaza, les relations entre l’Égypte et les EAU sont tendues. Les EAU, qui accueillent Dahlan depuis son exil, souhaitent qu’il dirige un comité de gouvernance à Gaza et succède à Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne. L’Égypte, bien que proche de Dahlan et dépendante des investissements émiratis (35 milliards de dollars en 2024 pour sa côte méditerranéenne), s’oppose aux EAU dans la guerre civile au Soudan, où leurs intérêts divergent.

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